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Quelle relation les mathématiques abstraites entretiennent-elles avec le monde réel ?

Publié le 21/12/2009

Extrait du document

«La mathématique produit elle-même son propre sol. Il ne sert à rien de creuser le sol de la mathématique pour découvrir le sous-sol originaire secret, et mathématiquement muet sur lequel elle serait née [...]. Jamais on ne se trouvera confronté à l'événement de l'origine radicale : ici aussi, la naissance est indicible : elle ne se montre que dans le produit et du dehors. « (Jean Toussaint Desanti, les Idéalités mathématiques, 1968.)

Quel peut-être désormais, dans la perspective axiomatique, le rapport entre mathématiques et réalité ?  Les mathématiques modernes ont tendance à penser que ce rapport, quand il existe, est purement accidentel : on constate simplement que, parmi l'infinité des constructions mathématiques possibles, quelques-unes, en très petit nombre, expriment correctement certains aspects bien déterminés du réel physique, mais cette façon de voir exclut l'idée qu'il existerait un rapport global quelconque entre l'ensemble des mathématiques et la totalité du réel.  Cette position prudente, conforme d'ailleurs aux données récentes de l'histoire des sciences, ne peut cependant satisfaire toutes les questions que l'on est en droit de se poser. Une des plus importantes peut sans doute se formuler ainsi : Euclide a construit sa géométrie en se guidant sur les propriétés des corps solides telles que son intuition les lui livrait. Mais il a aussi, du même coup, bâti un système conceptuel axiomatisable, sinon complètement axiomatisé. D'où vient donc que les propriétés intuitives des corps solides constituent précisément un tel système ? Il va de soi que la réponse n'appartient pas au mathématicien, et pourtant, s'il n'en avait pas été ainsi, l'apparition d'une géométrie rationnelle, à une époque quelconque de l'histoire, eût été inconcevable.

« - C'est ceci qui est vrai, dit Cébès : elles ne sont jamais les mêmes. - Or ces choses, on peut les toucher, les voir et les saisir par les autres sens ; au contraire, celles qui sont toujoursles mêmes on ne peut les saisir par aucun autre moyen que par un raisonnement de l'esprits, les choses de ce genreétant invisibles et hors de la vue. - Ce que tu dis est parfaitement vrai, dit-il.

» Ce qui fait la réalité d'une chose est ce qui ne change pas en elle, c'est-à-dire son essence.

Pour s'en convaincre, imaginons un objet blanc placé sous différents éclairages : il apparaîtra rouge sous une lumière rouge,bleu sous lumière bleue, etc.

Ces couleurs sous lesquelles il nous apparaît varient en fonction des conditions.

On ne peut pas affirmer quelle est la couleur réelle de l'objet, puisque nous n'y avons accès que par les sens qui peuventêtre trompés, comme notre exemple le montre.

Ce qui fait la réalité de l'objet, c'est au contraire ce qu'on peut entoute objectivité dire de lui, ce à quoi nous n'accédons que par le raisonnement. Nous disposons ave Platon d'une définition du réel : ce qui est réel est ce qui est essentiel dans le monde qui nousentoure.

Encore faut-il montrer que les mathématiques ont affaire à des entités qui relèvent des essences. II – Les entités mathématiques se retrouvent-elles dans ce qui fait la réalité des choses ? Référence : René Descartes, Les Principes de la Philosophie (I - Des principes de la connaissance humaine) « 53.

Que chaque substance a un attribut principal, et que celui de l'âme est la pensée, comme l'extension est celui du corps .

Mais encore que chaque attribut soit suffisant pour faire connaître lasubstance, il y en a toutefois un en chacune qui constitue sa nature et sonessence, et de qui tous les autres dépendent.

A savoir, l'étendue enlongueur, largeur et profondeur, constitue la nature de la substancecorporelle ; et la pensée constitue la nature de la substance qui pense.

Cartout ce que d'ailleurs on peut attribuer au corps présuppose de l'étendue, etn'est qu'une dépendance de ce qui est étendu ; de même, toutes lespropriétés que nous trouvons en la chose qui pense ne sont que des façonsdifférentes de penser.

Ainsi nous ne saurions concevoir, par exemple, defigure, si ce n'est en une chose étendue, ni de mouvement qu'en un espacequi est étendu ; ainsi l'imagination, le sentiment et la volonté dépendenttellement d'une chose qui pense que nous ne les pouvons concevoir sans elle.Mais, au contraire, nous pouvons concevoir l'étendue sans figure ou sansmouvement ; et la chose qui pense sans imagination ou sans sentiment, etainsi du reste.

» L'essence de la réalité d'une chose est selon Descartes son étendue : la réalité est donc d'essence géométrique.

Cette perspective cartésienne nous invite à fournir une réponse radicale à la question de notre sujet.Nous recherchions en effet dans le réel des entités mathématiques.

Descartes montre que toute chose doit avoirune figure, autrement dit, que l'essence de toute chose est une entité mathématique (géométrique pour êtreprécis).

Les mathématiques ont donc bien affaire au réel par le biais de la figure. La figure toutefois, n'est qu'une entité mathématique parmi d'autres, ce qui ne nous permet pas d'affirmer que lesmathématiques n'ont affaire qu'au réel.

Nous n'avons par exemple rien dit du nombre. Il semble même que l'on puisse mettre en cause la thèse de Descartes elle-même : prenons l'exemple d'une pierre.C'est une chose bien réelle, Descartes dira par conséquent que sa réalité consiste dans de l'étendue (l'entitémathématique décrivant cet étendue étant la figure).

Observons maintenant cette pierre avec un microscopepuissant : verrons-nous l'étendue sous une figure tridimensionnelle continue ou bien un réseau d'atomes sans unitéet en mouvement permanent ? Comment dès lors affirmer que l'étendue est essentielle aux choses réelles ? III – Les mathématiques ont affaire à une réalité construite Référence : Bergson, La pensée et le mouvant « Que deviendrait la table sur laquelle j'écris en ce moment si ma perception, et par conséquent mon action, étaitfaite pour l'ordre de grandeur auquel correspondent les éléments, ou plutôt les événements, constitutifs de samatérialité ? Mon action serait dissoute ; ma perception embrasserait, à l'endroit où je vois ma table et dans lecourt moment où je la regarde, un univers immense et une non moins interminable histoire.

Il me serait impossible decomprendre comment cette immensité mouvante peut devenir, pour que j'agisse sur elle, un simple rectangle, immo-bile et solide.

Il en serait de même pour toutes choses et pour tous événements : le monde où nous vivons, avecles actions et réactions de ses parties les unes sur les autres, est ce qu'il est en vertu d'un certain choix dansl'échelle des grandeurs, choix déterminé lui-même par notre puissance d'agir.

». »

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