Devoir de Philosophie

Quel usage le poète fait-il du langage ?

Publié le 30/06/2009

Extrait du document

langage

Un poète est un individu qui s’adonne à cette activité artistique qu’est la poésie. Par « poésie «, nous entendons une forme littéraire qui se distingue de la prose par une exigence touchant a la forme du discours, celle-ci obéissant a des lois précises, formant des unités particulières que l’on nomme « vers «. Plus largement, la poésie est un usage particulier du langage qui consiste a rompre avec l’utilisation commune, et pourquoi pas triviale de la langue, de sorte a créer une expression qui mérite a bon droit le nom de « sacre « au sens étymologique du terme, a savoir de « coupé «, de « séparé «. La poésie est donc plus qu’un simple usage de la langue qui se singularise par rapport a l’usage habituel des locuteurs dans les conversations de tous les jours : elle est bien une langue dans la langue elle-même.

Lorsque nous parlons de langage, nous parlons en réalité de deux choses : d’une facette sociale, qui est la langue, c'est-à-dire, l’ensemble des conventions langagières adoptées par un corps social ; d’une facette individuelle, qui est la parole, par laquelle un locuteur isolé actualise l’une des possibilités incluse en puissance dans la langue.

 

L’idée d’usage est en vérité double. Lorsque nous parlons d’usage d’une chose, nous faisons référence à son emploi, c'est-à-dire au mode d’utilisation que nous en faisons. L’usage de la parole est le type d’emploi que nous faisons de celle-ci. Mais en parlant d’usage, nous parlons également de la fin à la quelle nous subordonnons une activité. En effet, faire usage d’une chose, c’est également l’employer dans un but précis.

A première vue, l’expression « quel usage le poète fait-il du langage ? « ne peut que nous surprendre. En effet, le langage employé par le poète semble être par définition dépourvu de toute utilité, de toute fin. L’usage que fait le poète du langage est un non utilitaire, non finalisé. Cependant, ne pouvons-nous pas également voir que le poète se rapporte au langage comme à un matériau non seulement sonore, mais visuel ? Et le poète ne fait-il pas également un usage finalisé du langage, qu’il dévoue à l’expression des sentiments ?

La question au centre de notre travail sera donc de déterminer dans quelle mesure le poète se rapporte au langage comme à un matériau et à un moyen d’accomplir certaines fins. 

langage

« Allant plus loin, nous dirons que le poète ne saurait faire aucun usage du langage, dans la mesure où celui-ci nepeut être envisagé comme un moyen subordonné à une fin.

En effet, lorsque nous disons d'une chose qu'elle est unmoyen, cette chose sert valablement pour obtenir une fin que nous visons à travers elle : à ce titre, cette choseest utile.

Or, pour tout un courant de la pensée de l'art, l'art en général est inutile, c'est à dire qu'il n'est jamaisdestiné à remplir une fonction de moyen.

Telle est la théorie de l'art pour l'art énoncée par Théophile Gautier dans la Préface de Mademoiselle de Maupin : l'homme de lettre nomme une pluralité de choses utiles (par exemple, les latrines…) pour arriver à l'idée que la beauté consiste exclusivement dans le non utile.

L'utile est le laid, l'inutile estla beauté, par conséquent l'art n'a d'autre nature que l' inutilité et doit se garder d'être instrumentalisé, c'est-à-dire abaissé à des fins utiles : par exemple, l'art doit se garder de remplir des fins politiques, sociales… Parconséquent, l'art en général, et cette forme littéraire exigeante qu'est la poésie en particulier ne sauraient êtreconsidérés comme utiles, c'est-à-dire comme des moyens efficaces pour obtenir une fin.

Le poète ne fait pas usagedu langage, c'est plutôt lui qui est utilisé par le langage pour le couper de toute finalité et le faire correspondreuniquement à un générateur purement gratuit de beauté.

II.

Le poète fait un usage phonique et visuel du langage a.

L'usage des moyens linguistiques de la littérature Cependant, la thèse que nous venons de soutenir nous empêche de comprendre de quelle manière le poète serapporte au langage comme à un matériau qu'il emploie à sa guise.

En effet, le langage est le moyen dont use lepoète pour toucher son lecteur.

Le poète est en effet celui qui use du langage comme d'un matériau sonore.

Lelangage est employé en fonction de ses propriétés phoniques, puisque le poète est en quête de rimes plus ou moinsriches, c'est-à-dire pourvues d'un nombre plus ou moins grand de phonèmes identiques, ou d'assonances.

Certainspoètes comme les Parnassiens au XIXe siècle étaient particulièrement en quête de cette exigence formelle, etconsidéraient le langage comme un véritable bijou à polir avec tous leurs soins : un recueil de Théophile Gautier estprécisément nommé Emaux et Camées .

Pour prendre un autre exemple nous pouvons penser à la poésie imitative de Paul Valéry qui dans le vers que nous allons citer s'efforce de reproduire, par la sonorité des vers, la stridulation dela cigale dont il est question dans son texte : « L'insecte net gratte la sécheresse » b.

L'usage des moyens visuels de la langue : les calligrammes Mais le poète fait également un usage des moyens visuels du langage.

Nous prendrons à ce titre l'exemple descalligrammes.

D'après Michel Butor dans sa préface pour l'édition Gallimard Poésie des Calligrammes d'Apollinaire, le poème Voyage est un « poème peinture ».

Il s'agit en effet d'une composition complexe, d'une somme de calligrammes figuratifs juxtaposant sur trois lignes horizontales des motifs hétérogènes et variés.

La premièrerapproche une forme composée de mots, dont l'un d'eux (« nuage ») la glose et l'identifie ; un dessin de télégraphe ; un oiseau également formé par des mots ; et un point d'interrogation, véritable hapax dans le texte ettout à fait exceptionnel dans la production d'Apollinaire, puisque l'on connaît bien la disparition de la ponctuation deson œuvre poétique depuis l'impression d' Alcools.

La seconde est toute entière formée par un train composé de deux lignes en caractère d'imprimerie à la police identique, mais aussi d'une suite de mots en majuscules grasses etnoires.

Il faut bien voir à ce propos la vocation mimétique de ces changements de police, mais également descaractères qui composent les mots, puisque les premiers figurent la locomotive et la cheminée du train, alors que lesseconds (nombreux sont les « o » et les « u ») peuvent représenter autant de fenêtres dans les wagons de celui-ci.Par conséquent, dans sa rivalité ludique avec la peinture (« Et moi aussi je suis peintre », s'écriait le poète) qui a pour point de départ le « ut pictura poiesis erit » d'Horace, et pour but de répondre à l'utilisation des mots par les peintres ses contemporains, Apollinaire utilise les ressources figuratives de son médium verbal dans un but expressif.De tout ceci nous pouvons tirer que le poète fait également un usage des propriétés visuelles du langage, en jouantde la disposition des lettres sur la page. III. Le poète use du langage à des fins linguistiques et extra linguistiques. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles