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Quel rapport le politique entretient-il avec la morale ?

Publié le 11/08/2009

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morale

Quel rapport le politique entretient-il avec la morale ?

Les lois varient en fonction des mœurs et des coutumes des différents peuples. Or, rien n'autorise, semble-t-il, à tenir telle ou telle culture pour supérieure à une autre. Il n'y a donc pas à juger des lois d'un pays au regard de ce qui se pratique dans un autre. Ce serait là une forme d'intolérance. Mais ce respect de la différence, qu'il est légitime d'invoquer, ne doit pas conduire à accepter n'importe quoi. Chacun s'accordera sur la cruauté ou l'injustice de certaines lois. Un tel jugement porté sur l'injustice d'une loi ou d'une institution politique suppose la référence à une norme universelle, à laquelle toutes les législations des différents peuples devraient être subordonnées. Ainsi, la politique serait subordonnée à la morale. Ce jugement, autrement dit, implique la référence à un idéal, à un modèle de la justice, au nom duquel on juge les lois. Mais un tel modèle universel existe-t-il? Si les lois varient en fonction de l'esprit des peuples, il se pourrait que l'idée de ce qu'est la moralité soit tout aussi changeante. Alors, la morale peut-elle être le modèle de la politique?

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« Est-ce que nous considérerions notre propre culture comme une norme idéale? Elle aussi a pourtant sesimperfections.

En matière de cruauté, les Portugais se sont montrés aussi inventifs que les Indiens.

Ce serait fairepreuve d'orgueil, et même d'ethnocentrisme - erreur qui consiste à tenir une société (la nôtre) comme modèle desautres, comme norme du Bien.

Montesquieu, dans ses Lettres persanes , se sert du procédé qui consiste à adopter sur notre propre société la perspective d'un étranger, afin de faire apparaître la relativité des points de vue.

Cetteerreur dénote en plus le sentiment d'une supériorité de certaines cultures, l'idée d'une inégalité des cultures.

Jugerles lois des autres en fonction des critères de sa propre société est une conduite suspecte.

On pourrait peut-êtreinvoquer une Idée universelle du Bien, une norme idéale de la Justice.

Mais comment lever le soupçon que cet idéallui-même sera pensé par chacun en fonction des valeurs de sa propre société? Si l'on demande à un Indien duseizième siècle et à un Européen d'aujourd'hui ce qu'est la moralité, ne risquent-ils pas de donner deux réponsesdifférentes, qui seront le reflet de leur éducation? "La plupart des inventions humaines sont sujettes au changement(...)On peut sans doute craindre qu'il faille placer la justice sur le même plan si l'on accorde qu'elle est une inventionhumaine" (D.

Hume, Traité de la nature humaine , conclusion du livre III). [Note 4] 2.

"L'ordre social est un droit sacré"(Rousseau, Du contrat social , I, 1). Admettons qu'une norme universelle puisse être découverte.

Suffit-elle à justifier que l'on désobéisse aux loisexistantes? On donne parfois de l'obéissance une vision péjorative, parce qu'elle implique, dit-on, l'absenced'initiative, la docilité et une forme de servitude.

Mais l'obéissance est tout de même une valeur, et pas seulementdans les armées.

On fait souvent de la discipline une vertu militaire.

Mais elle est indispensable dans n'importe quelgroupe, comme certains l'ont redécouvert récemment.

Par exemple, dans l'éducation.

Elle n'est pas incompatibleavec la liberté.

Des règles raisonnables choisies en commun assurent un ordre et garantissent la liberté de chacun,tandis que la licence, c'est-à-dire la liberté sans règles, met la liberté de chacun en proie à celle des autres.Si les hommes se donnent des lois, paradoxalement, c'est pour garantir leur liberté.

La liberté a pour condition lapaix et la sécurité.

Sans elles, la liberté ne peut pas être exercée.

Or, une liberté que l'on ne peut pas exercer n'estplus.

C'est la raison pourquoi la sécurité, bien qu'on l'oublie parfois, est citée, dans la Déclaration des droits del'homme [Note 5] , parmi les droits fondamentaux de l'humanité.

La liberté n'est pas naturelle à l'homme, elle est à instituer.

En effet, sans lois, c'est l'arbitraire qui règne.

La fonction d'un Etat n'est pas d'assurer la sécurité ou la liberté.

Il n'y a pas à choisir entre les deux, comme si ces deux exigences étaient incompatibles.

Au contraire, l'Etatdoit assurer la sécurité, précisément, pour garantir la liberté.L'anarchie ne pourrait convenir qu'à une société d'hommes parfaits.

Imaginons avec Rousseau ce que serait unesociété sans lois.

Dans le Discours sur l'origine de l'inégalité , le philosophe des Lumières cherche ce que pouvait être l'homme sans la société.

C'est un être purement naturel, qui éprouve seulement des besoins biologiques, les plusvitaux et les plus faciles à satisfaire, parce que pas encore multipliés par la vie sociale.

Ses seules facultés sontcelles qui permettent la satisfaction de ces besoins-là, donc des facultés elles-mêmes naturelles: ses forcesphysiques.

Dans cette condition, les hommes peuvent pourvoir à leurs besoins seuls.

Ils sont indépendants et n'ontpas besoin les uns des autres.

Ils n'ont pas l'occasion de se nuire les uns aux autres.

En revanche, dès lors qu'ilsvont commencer de vivre ensemble, ils vont aussi se comparer les uns aux autres.

Ces comparaisons vont éveillerl'amour-propre et les idées de supériorité et d'infériorité.

Alors, ils vont éprouver le besoin, qui n'est pas naturel, desurpasser les autres.

Ce besoin est de plus en plus difficile et coûteux à satisfaire.

C'est alors que vont apparaître laconvoitise et la violence.

L'état de nature, où les hommes sont indépendants, est un état de paix.

En revanche, lagenèse de la société voit apparaître la violence et "le plus affreux désordre".

C'est pourquoi les individus éprouverontnécessairement l'intérêt de se donner des lois, afin de se protéger de l'arbitraire d'autrui.

Les lois sont sacrées en cesens: sans elles, l'humanité retournerait à l'état de violence.

Par conséquent, quiconque transgresse une loi prend laresponsabilité de donner aux autres un exemple qui, s'il était suivi, risquerait de fragiliser l'autorité des lois et del'Etat.

Or, cette autorité est indispensable.

Sans elle, chacun ne serait préoccupé que du seul souci de sa sécuritéet de sa survie [Note 6] .

L'Etat, à condition qu'il remplisse son rôle, libère les hommes: il les libère de leur soumission à la nature.

L'Etat est, pour les hommes, la condition pour qu'ils puissent exercer leur liberté, développer leursfacultés et sortir ainsi de la barbarie.

L'humanité, en ce sens, n'est possible qu'à l'intérieur de l'Etat.Il ne s'agit donc pas seulement d'obéir, mais encore de respecter la loi.

Ce second terme est plus fort que le premier.

Obéir est seulement un acte.

Respecter est un sentiment.

Respecter la loi, ce n'est pas seulement lui obéir- on peut obéir à quelqu'un sans pour autant le respecter -, mais en plus éprouver le sentiment de sa valeur.Socrate nous donne l'exemple de ce qu'est cet amour de la loi: le Criton est le récit des derniers jours de Socrate. Ce dernier a été condamné à mort sous prétexte d'impiété et de corruption de la jeunesse.

Mais sa mort risqueraitd'en faire un martyr.

C'est pourquoi ses juges font tout pour rendre possible son évasion.

Les amis de Socrate enprofitent.

Criton rend visite à son ami pour le convaincre de s'échapper.

Mais Socrate refuse de le suivre: il obéitaux lois, qui exigent de tout citoyen qu'il respecte les décisions de justice.

Victime d'un jugement injuste, Socraterefuse d'être injuste à son tour en désobéissant aux lois.

Il veut prouver à ses accusateurs qu'il respecte les lois, etmême qu'il les respecte mieux qu'ils ne le font eux-mêmes.

Il a le souci d'avoir une attitude cohérente: il a toujoursaccepté les lois d'Athènes tant qu'elles le favorisaient, en lui offrant une relative liberté de penser.

Il seraitinconséquent, de sa part, de les refuser soudain, lorsqu'elles ne servent plus son intérêt personnel.

La fin dudialogue est connue sous le titre de "prosopopée des lois": Socrate donne la parole aux lois; il demande à sondisciple d'imaginer ce qu'elles diraient s'il leur désobéissait.

Elles lui reprocheraient sans doute d'être ingrat: elles luiont permis de devenir ce qu'il est, et maintenant il les rejetterait? En outre, les lois d'Athènes sont publiques.

Nul neles ignore.

Si elles déplaisaient à Socrate, il se devait donc de partir.

Quiconque accepte de rester dans un Etat enaccepte du même coup les lois.

Socrate, par conséquent, refuse de se sauver pour se soustraire à la loi [Note 7] .

Il préfère être victime d'une décision injuste plutôt que d'être lui-même injuste.

L'attitude de Socrate est exemplaire:elle témoigne, plutôt que d'obéissance, d'un véritable amour de la loi.

Ou plutôt, à la loi, Socrate préfère la Justice.. »

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