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Quel est le rôle de l'imagination dans votre vie actuelle ?

Publié le 20/06/2009

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Introduction. — C'est d'après leur intelligence que, d'ordinaire, on classe les élèves et qu'on augure de leur réussite dans la vie. Mais à ne tenir compte que du facteur strictement intellectuel, on est exposé à bien des déconvenues, car un esprit, du moins un esprit incarné comme le nôtre, serait bien incomplet s'il se rapprochait de l'intelligence pure. Toute activité, et l'activité intellectuelle elle-même, a besoin du stimulant des désirs et du secours d'un mode de penser considéré souvent comme de seconde zone : l'imagination. Celle-ci joue un rôle capital dans l'existence de tout homme, mais plus encore peut-être à mon âge. Aussi sera-t-il intéressant de chercher à déterminer son rôle dans ma vie actuelle. I. Ce qu'il faut entendre par imagination. — Nous venons de caractériser l'imagination comme une «mode de penser «. Précisons un peu mieux la nature de ce fait psychologique. A. A s'en tenir aux mots, l'imagination serait la faculté de penser par images, ou plutôt de reproduire ou de produire des images. Or, l'image, si nous en croyons l'opinion vulgaire, consiste à se représenter les choses d'une façon concrète, c'est-à-dire aussi semblable que possible à l'impression qu'elles font sur nous lors de la perception ou qu'elles pourraient faire si nous les percevions. Ainsi, l'Imaginatif, longtemps après un spectacle dont il fut le témoin, serait capable de le revoir dans tous ses détails, de distinguer les couleurs, de suivre les mouvements et le contour des objets, d'entendre sons et bruits, etc. Nous aurions là l'imagination reproductrice ou mémoire imaginative L'imagination créatrice, d'autre part, permettrait, à l'aide d'éléments empruntés à l'expérience antérieure, de construire une représentation complexe avec ce même caractère d'individualité concrète et de richesse de détails.

« question qui m'est posée, je n'y suis parvenu, du moins si je l'ai trouvée moi-même, qu'après des tâtonnementsmultiples.

Ces tâtonnements dans la pénombre, je ne puis les attribuer à l'intelligence, qui ne procède que dans laclarté : ils relèvent de cette faculté d'inventer et de combiner qu'on appelle l'imagination.Quand j'ai reçu le sujet de dissertation que je suis en train de traiter, mon premier soin a été de voir ce qu'ondemandait de moi, et c'est à l'intelligence qu'il faut attribuer la compréhension du texte de la question.

Maisl'intelligence à elle seule était bien incapable de me fournir la réponse.Il fallait d'abord me représenter cette «vie actuelle», non pas dans sa réalité concrète, seconde par seconde, maisen un tableau ou en quelques tableaux d'ensemble qui fassent saillir les lignes essentielles : cette vie ne m'était pasdonnée; je devais la construire.

A cette construction, l'intelligence a bien collaboré : c'est elle et non pasl'imagination qui déterminait les éléments essentiels et ceux qui importaient moins; mais c'est l'imagination qui luiproposait les esquisses et les retouchait à son gré.Ensuite, ou plutôt en même temps — car les divers moments que nous distinguons dans les opérations mentalessont le plus souvent le résultat de reconstructions faites après coup pour les besoins de l'analyse — je cherchais àdiscerner dans quelle mesure intervenait l'imagination.

Or, dans cette recherche aussi, je n'aurais jamais abouti sij'avais été incapable d'imaginer, c'est-à-dire d'inventer ou de réinventer.

Me fondant sur la connaissance que j'ai demoi-même, j'ai expérimenté mentalement le résultat auquel j'aboutis d'une part lorsque je m'efforce de répondreavec l'intelligence seule à la question qui m'est posée et, d'autre part, lorsque l'imagination collabore avecl'intelligence.

Sans doute, laissée à elle-même, l'imagination ne trouverait pas une réponse raisonnable; suivant lemot de Proust, elle est souvent « comme un orgue de Barbarie qui joue toujours autre chose que l'air indiqué » : ellene fait d'heureuses trouvailles que grâce à l'orientation de l'intelligence, et c'est encore l'intelligence qui juge de lavaleur de ce qui est trouvé.

Mais celle-ci, sans l'aide de l'imagination, ne trouverait rien de véritablement nouveau :elle se contenterait d'expliciter les conséquences des données du problème.

Si, dans mes dissertations, je ne mecontente pas de tirer de la question ce qui s'y trouve impliqué, si mes réponses contiennent autre chose que ce quej'ai appris, c'est que l'imagination, faculté inventrice, a été mise en branle et a multiplié des constructions diversesentre lesquelles l'intelligence n'avait qu'à choisir.J'observe la même collaboration au moment de mettre par écrit les idées qui me sont venues : mots, images, figureslittéraires, défilent dans mon esprit d'une façon bien incohérente; si j'avais le temps de les aligner sur le papier,j'obtiendrais une suite qui ne présenterait aucun sens.

Mais cet apport de matériaux est indispensable et sans lui jepasserais des heure» à rédiger une phrase, si même je parvenais à lui donner une forme acceptable.

Dans ce fatrashétéroclite, l'intelligence choisit ce qui convient et, par tâtonnements répétés, parvient à l'expression parfaitementjuste.Comme exemple de travail intellectuel, j'ai pris, celui que je suis en train d'accomplir, une dissertation.

Mais j'auraistout aussi bien pu m'arrêter à un autre : solution d'un problème de mathématique ou de physique, réponse à unequestion d'histoire ou de géographie.

Pour l'écolier et l'étudiant comme pour l'ingénieur et le commerçant,l'imagination est la grande pourvoyeuse de plans et de projets que l'intelligence critique et entre lesquels elle faitson choix. B.

Dans ma vie affective, l'imagination joue un rôle plus important encore, car le contrôle exercé par l'intelligence n'yjouit pas de la même efficacité; je suis content ou contrarié à la pensée d'événements imaginaires et même aprèsm'être assuré que mes espoirs ou mes appréhensions n'ont aucun fondement.

La tonalité affective de mes joursdépend des représentations imaginatives qui constituent comme la toile de fond de mon esprit beaucoup plus quedes incidents de la vie réelle.Sans doute, je ne suis pas insensible au succès et à l'insuccès, aux marques de sympathie, d'indifférence oud'hostilité, aux plaisirs et aux douleurs d'ordre physique.

Mais de tout ce réel l'imagination s'empare, elle letransforme mystérieusement et me le rend avec une valeur décuplée : ce professeur aux manières un peu rudes, quipar deux fois m'a lancé un regard quelque peu sévère et a donné de mon devoir une appréciation assez sèche, je lesens comme une masse hostile qui pèse sur moi, et, si je n'avais affaire qu'à lui, la vie au collège me serait bienpénible; heureusement, il y a la contrepartie, et, par exemple, il me suffit d'un garçon qui me plaît pour que toute laclasse s'auréole pour moi de sympathie; d'une petite réussite, pour que je me sente aussi content que si j'avais étéclassé premier à un concours difficile.C'est que, dans5ce modeste succès, je vois les prémices de mes triomphes de demain.

Or, l'adulte et surtoutl'adolescent que je suis ne vivent guère dans le présent et encore moins dans le passé : à mon âge, c'est dansl'avenir qu'on s'installe.

Il en est, paraît-il, qui le voient en noir.

Quand je raisonne, je les comprends sansgrand'peine.

Néanmoins, il m'est difficile de me mettre à leur diapason.

Toujours, en effet, quand se présente à monesprit la pensée d'un échec possible, d'une trahison, au lieu de m'y arrêter et de m'y morfondre, j'élabore denouveaux projets grâce auxquels sera largement compensée cette première malchance.

Ma vie quotidienne d'écolierserait bien terne si je ne voyais pas au-delà, mais elle s'éclaire par la fenêtre que l'imagination m'ouvre sur l'avenir.Sans doute, il est possible que cet avenir dont la perspective m'enchante me paraisse lui-même, une fois que j'yserai parvenu, bien monotone : alors je rêverai à la retraite, qui me rendra à ma fantaisie.

Si la retraite mecondamne à l'ennui, il me restera une ressource : revivre mes années de jeunesse, auxquelles l'imagination sauradonner des couleurs attrayantes.

L'imagination qui, dans ma vie actuelle, est le principal facteur de joie, conserverason rôle, je l'espère, jusqu'à la mort. Conclusion. — L'imagination est-elle donc tout dans la vie ? Comme nous avons eu l'occasion de le répéter dans notre première partie, elle ne vaut que comme fourrier de l'intelligence ou de la raison : laissée à elle-même, elles'égare dans le fantasmagorique et dans l'inepte.

Sans doute, dans cette ineptie, certains paraissent jouir d'unbonheur sans ombre : des pensionnaires des asiles qui se prétendent rois ou milliardaires ont sans doute moinsd'ennuis qu'un souverain ou qu'un grand banquier; mais, à cette félicité mensongère, je préférerais les difficultésd'une existence quelconque ou même malchanceuse.

Dans une grande mesure, je vis dans le rêve, mais en le. »

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