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Que signifie et que vaut la formule : « Physique, méfie-toi de la métaphysique » ?

Publié le 22/06/2009

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physique

INTRODUCTION. — Nous sommes naturellement partiaux. Les penseurs et les savants échappent difficilement à cette tendance qui les porte à sous-estimer les disciplines dans lesquelles ils ne sont pas compétents. N'est-ce pas une hostilité partiale de ce genre que manifeste la recommandation célèbre de NEWTON : « Physique, méfie-toi de la métaphysique « ? Pour nous en assurer, nous allons tâcher de préciser sa signification; ensuite, nous serons plus à même de juger de sa valeur. I. — SIGNIFICATION. A. La physique et la métaphysique. — Il convient d'abord de préciser l'objet et les méthodes des deux disciplines que nous venons d'opposer, la physique et la métaphysique. a) Par « physique «, nous pouvons entendre les recherches désignées aujourd'hui par ce mot; mais il est préférable de le prendre au sens ancien ou étymologique et de comprendre sous le nom de « physique « l'étude de la nature, c'est-à-dire de tout le réel dont nous avons l'expérience, de l'homme et des vivants aussi bien que de la matière brute. La physique s'édifie par les procédés de la science expérimentale. Elle part de l'observation et se fonde définitivement sur elle. Sans doute, le raisonnement y joue un rôle capital, mais ses conclusions sont constamment soumises au contrôle de l'expérience.

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« A.

Danger. — Il peut être dangereux, pour le physicien, d'accepter le mot d'ordre de défiance dont nous venons de préciser la signification.

D'abord, il risque de le mal interpréter et d'y voir, plus ou moins consciemment, uneinvitation à rejeter toute métaphysique, comme si ces spéculations manquaient de fondement et même d'intérêt.D'ailleurs supposons qu'il n'y ait pas d'erreur d'interprétation et que le mot d'ordre en question soit compris commeun rappel du caractère expérimental des sciences physiques et de l'esprit positif qu'elles exigent; une dispositiontrop accusée à éliminer de la recherche scientifique toute considération ne comportant pas la possibilité d'uncontrôle immédiat par l'expérience n'est pas elle-même sans inconvénient. a) D'abord, en tant qu'homme, le physicien doit rester ouvert aux problèmes généraux que se posent les penseurs etdont la solution importe grandement pour la conduite de sa vie.

Une défiance systématique de la métaphysique,prétendrait-on la confiner dans le domaine du travail scientifique, entraînerait peu à peu le rétrécissement del'horizon intellectuel ou même le scepticisme en des matières où les exigences de l'action nous forcent à prendreparti. b) Comme savant, d'ailleurs, le spécialiste des sciences expérimentales ne fera pas de trouvailles s'il est incapablede s'élever au-dessus des données de l'observation et de formuler une hypothèse dont il est encore incapable defournir la preuve; il ne fera pas de son savoir un système cohérent sans quelque vue générale dont la vérité n'estpas évidente et ne comporte pas de preuve expérimentale, sans une de ces vues qu'on qualifie de métaphysiques.Ainsi, une excessive défiance à l'égard de la métaphysique coupe les ailes à l'envol des pensées générales qui font legrand savant. B.

Légitimité. - Nous devons cependant le reconnaître, ce n'est pas sans motif qu'on a recommandé au physicien de se méfier de la métaphysique.

La recommandation était sans doute particulièrement opportune à l'époque deNewton, la méthode expérimentale n'étant pas encore constituée, mais elle conserve encore sa raison d'être.En effet, quoi qu'il paraisse à première vue, nous sommes plus portés à échafauder des raisonnements sur lesdonnées immédiates de la connaissance qu'à multiplier les observations et surtout qu'à nous assurer de leurexactitude.

L'homme naît métaphysicien; pour être physicien, au contraire, il doit le devenir et veiller à ne pasretourner au stade .métaphysique.Ensuite, la science expérimentale ne répond pas à toutes les questions que se pose l'esprit à propos des faitsétudiés.

La tentation est grande alors, pour ne pas les laisser sans réponse, de se fonder implicitement sur desconsidérations ou des principes qui dépassent les données de l'expérience.

C'est à cette tentation que cèdent, parexemple, les biologistes qui se prononcent sur l'explication dernière des phénomènes vitaux et adhèrent à une formesoit de mécanisme, soit de vitalisme, qu'ils considèrent comme une vérité expérimentale.

Dans ce cas, ils procèdent,sans le savoir, en métaphysiciens : il est bon de le leur rappeler, en les invitant à se défier de la métaphysique,qu'ils risquent de confondre avec la physique.Enfin, sans défiance de la métaphysique, le savant est exposé à se laisser conduire par des idées préconçues.

Aulieu d'observer soigneusement les faits, il y cherchera la preuve de thèses qu'il admet d'avance, indépendammentdes faits sur lesquels il prétend les fonder, et.

la cherchant, il y a bien des chances qu'il en trouve quelqu'une qui luidonnera satisfaction.

A lui surtout, il est bon de crier : « Physique, méfie-toi de la métaphysique.

» Conclusion. — Chaque science a ses méthodes et son esprit propre; aussi serait-il dangereux d'adopter pour l'une d'entre elles les procédés de recherche et l'attitude mentale qui conviennent pour une autre dont l'objet est trèsdifférent.

Mais, d'autre part, le savoir humain et notre compréhension des choses résultent des efforts de l'ensembledes sciences; c'est pourquoi il ne serait pas sage de professer une défiance systématique à l'égard de l'une d'entreelles.En définitive, le physicien doit bien, dans le sens que nous avons dit, se défier de la métaphysique, tout comme lemétaphysicien de la physique; mais il convient encore plus de lui prêcher la confiance en l'esprit humain, parconséquent en la métaphysique.. »

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