Pourquoi la philosophie ?

A — « Il n'y a pas de véritable culture, écrit Lavelle (dans l'avant-propos du livre de Le Senne: «Introduction à la philosophie ») si au-delà de toutes les disciplines spéciales, la réflexion ne vient pas s'appliquer aux lois de la pensée, aux principes de la conduite, à la vie profonde de l'homme pour en scruter la signification et la valeur ». Quelle que soit la science particulière qui vous intéresse, elle vous conduit à des questions ultimes qui dépassent son domaine et en atteignent beaucoup d'autres. Les lois de la connaissance et la valeur de la connaissance, la nature dernière de la Réalité-humaine, le sens de l'Histoire, l'évolution des cultures ou de l'Humanité, la matière et l'esprit, l'existence de Dieu, sont quelques-unes des questions inévitables que tout savant et que tout homme sincère est amené à poser. « Vous dites qu'il faut philosopher ? disait Aristote dans un dilemme célèbre, ... alors il faut en effet philosopher. Vous dites qu'il ne faut pas philosopher ? Alors il faut encore philosopher pour le démontrer. De toute manière il est nécessaire de philosopher. » B — Il ne faut pas pour autant nier les dangers de la philosophie. Le grand danger est la fausse philosophie, c'est-à-dire un ensemble de réflexions qui sont motivées non par l'esprit philosophique mais par des sentiments ou des forces purement psychologiques, et souvent pathologiques. La généralisation est une fonction fondamentale de notre cerveau et souvent les jeunes gens croient philosopher alors qu'ils font seulement une généralisation d'une expérience personnelle exceptionnelle actuelle ou passée (enfance pénible, traumatismes, choc d'un échec sentimental ou insuffisance de la socialisation). II arrive aussi très souvent chez les petits anxieux que la réflexion se crispe autour du thème de la mort et justifie l'angoisse par tout un système plus ou moins délirant qui n'a de réalité que dans leur peur personnelle de l'avenir.