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POPPER: Conscience de soi et animalité

Publié le 18/04/2009

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Certains animaux ont sans aucun doute une personnalité; ils possèdent quelque chose d'analogue à la fierté et à l'ambition, et ils apprennent à réagir à un nom. La conscience de soi humaine, en revanche, est ancrée dans le langage et (explicitement comme implicitement) dans des théories formulées. Un enfant apprend à utiliser son nom pour lui même et finalement, à employer un mot comme "ego" ou "je", et il en apprend l'usage avec la conscience de la continuité de son corps et de son moi [...]. La grande complexité et la non-indépendance de l'âme humaine, ou de l'ego humain, sont particulièrement manifestes quand on considère qu'il existe des cas où des personnes ont oublié qui elles sont; elles ont oublié tout ou partie de leur histoire passée, tout en ayant conservé, ou peut-être recouvré, une partie de leur ego. Dans un certain sens, leur mémoire n'a pas disparu, car [i]elles se souviennent de la façon[/i] de marcher, de manger, et même de parler. Mais [i]elles ne se souviennent pas qu'[/i]elles viennent de Bristol, ou alors de leur nom et de leur adresse. Comme elles ne savent plus rentrer chez elles (ce que les animaux savent faire en principe), leur conscience de soi est même tombée en deçà du niveau normal de la mémoire animale. Mais si elles n'ont pas perdu la faculté de parler, une conscience humaine supérieure à celle de l'animal est demeurée intacte. Popper, Popper, Toute vie est résolution de problèmes.

Selon Popper, on peut sans risquer de tomber dans l'anthropomorphisme reconnaître que certains animaux - supérieurs en particulier - manifestent certaines caractéristiques que la tradition réserve ordinairement aux êtres humains. En particulier, on peut très bien admettre que certains témoignent d'une personnalité, c'est-à-dire, d'une identité qui leur serait propre, personnelle, rassemblant des attitudes singulières ou des traits de caractère. Cette personnalité qu'on leur reconnaît aboutit parfois à leur donner une identité; on va désigner un spécimen par un nom qu'on lui donne. Popper ne se demande pas si ces qualités que l'on admet bien volontiers ne seraient pas en définitive les conséquences de l'imprégnation que subissent les espèces animales au contact des humains, imprégnation qui exigent des structures mentalement très simples du côté des espèces animales. Même l'éthologie réductionniste admettait un système de réflexes conditionnés (cf. le chien de Pavlov). Popper ne mentionne pas non plus le fait que les éthologues contemporains dénoncent les méfaits théoriques du milieu domestique ou du laboratoire pour l'observation comportementale. Ils préfèrent aujourd'hui privilégier les recherches en milieu naturel ou semi-naturel (parcs zoologiques ou réserves). En outre, les primatologues ont aussi renoncé à considérer l'apprentissage des singes chez certains primates comme la méthode unique pour faire "parler" ces derniers. Quant à la "fierté et à l'ambition", il ne s'agit jamais que de vertus sociales, propre à illustrer l'influence du groupe sur l'individu et sa réaction en retour. Là aussi on ne risque e forme d'anthropomorphisme.

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« réside dans la faculté de penser.

Ici, Popper ne recourt plus à cette psychologie des facultés, qui fait de la penséeun attribut métaphysique inné possédé en propre par l'homme.

Il nous dit plutôt que la conscience humaine est «ancrée dans le langage et dans les théories formulées ».

Cela veut dire que le langage est le lieu où va s'élaborer lapensée, ou plutôt la connaissance objective pour parler dans les termes habituels de l'auteur.

Popper se distinguede la tradition rationaliste en ce qu'il fait de l'activité théorique quelque chose de biologiquement explicable, fruit del'évolution des espèces, et rendue possible par la masse d'informations que le langage va permettre de stocker et decommuniquer.

Par le langage, c'est à une véritable explosion symbolique et conceptuelle à laquelle on assiste.La conscience de soi se forge non pas au contact d'une faculté de penser statique et figée, mais dans l'activitéthéorique, qui n'est pas une vague spéculation sur le monde, mais un apprentissage théorique au moyen de lacatégorisation linguistique.

Cette activité théorique se manifeste dès le plus jeune âge.

L'auteur prend l'exemple del'apprentissage de la dénomination.

Contrairement à l'idée commune qui verrait dans cette exercice l'éveil de lasubjectivité, Popper y voit d'emblée l'exercice d'un apprentissage théorique ; ce que l'enfant apprend au travers decette dénomination ce n'est pas un vague portrait de lui-même, une simple impression subjective, c'est uneautonomie de l'activité réflexive rendue possible par l'appréhension sensorielle et motrice de son corps.

C'est cedernier qui va devenir l'instrument d'investigation du monde au travers de théories et de conjectures que l'enfant vaélaborer à propos du monde qui l'entoure.Il s'agit d'une véritable réaction adaptive au monde.

L'être humain présente ainsi un niveau d'exigence théoriquenécessaire à la résolution des problèmes posés par l'environnement qui l'entoure.

On peut dès lors songer à unniveau proprement perceptuel, la perception contenant déjà une interprétation du monde. Le rationalisme poppérien juge nécessaire de replacer le développement de l'esprit humain dans son cadre biologique.Il est le produit de l'évolution des espèces.

Comme le dit ailleurs Popper (op.cit.), « le langage lui-même, comme unnid d'oiseau est sous un sous-produit inintentionnel d'actions qui étaient orientées vers d'autres but ».

Ce qui frappePopper c'est que le langage est une invention sans inventeur.

Aucun plan ni intention n'a présidé à son élaboration.Nul n'en avait peut-être besoin avant qu'il vienne à l'existence.

Mais il se peut que l'apparition du langage crée denouveaux besoins, ou un nouvel ensemble de buts ou d'objectifs.

Une telle explication repose sur ce que Popperappelle un « mécanisme de rétroaction » ; des buts nouveaux sont apparus à partir de buts antérieurs.

L'apparitiondu langage exerce un effet en retour sur l'esprit humain ; il va exploiter une niche neuronale; il va faire exister enacte des potentialités d'encodage et de stockage.

Le langage est un instrument qui exerce une influence en retoursur l'esprit humain qui l'a engendré.

C'est un outil qui rend possible le perfectionnement et la complexification de soninventeur.

Popper affirme une discontinuité entre l'homme et l'animal sur fond de continuité biologique.D'où l'enracinement de la complexité de l'esprit humain dans un fondement biologique.

L'esprit humain n'est pas unpur esprit, une entité détachée de sa base neurale : « complexité et non-dépendance » nous dit ici Popper.

Làencore il est bien un philosophe de son temps, conscient de l'extrême complexité de l'organisation cérébrale.

Cettecomplexité apparaît dans le réseau dense de connexions entre cellules nerveuse, connexions qui se mettentprogressivement en place au cours du développement et qui sont soumises à des tâtonnements, des essais et deserreurs, des sélections dans l'interaction de l'organisme avec l'environnement.

Comme le dit un neurobiologistefrançais, Jean-Pierre Changeux : « En somme, il n'y a pas de tout génétique cérébral mais, au sein d'un enveloppe génétique propre à l'espèce, des mises en place successives et emboîtées d'empreintes épigénétiques par variation et sélection.

Des compétitions évolutives internes au cerveau prennent le relais de l'évolution biologique desespèces et créent, de ce fait, des liens organiques avec l'environnement physique, social et culturel.

» ( Ce qui nous fait penser ).

Une théorie de l'esprit ne peut plus raisonnablement fonctionner en dehors d'un approche matérialiste et neuronale.

En philosophie, il semble qu'on ne puisse plus être spiritualiste ! Complexité et dépendance neuronalevont de pair, puisque c'est d'une complexité de l'organisation cérébrale dont on parle.

Les différentes activitésneuronales se localisent dans des aires cérébrales diverses quoique, si bien que peut-être une fonction pourra êtrelésée quand une lésion affecte telle ou telle aire du cerveau, alors que les autres fonctions resteront intactes.

C'estdonc sur le terrain du normal et du pathologique que se joue aussi cette corrélation entre complexité et dépendanceneuronale.

Si l'âme était un pur esprit, on ne connaîtrait pas ces troubles amnésiques ou cognitifs qui affectent unsujet donné suite à une lésion cérébrale.

Bergson décrit déjà dans Matière et Mémoire des cas de « cécité mentale », où un patient parvient à reconnaître un enfant ou une maison, mais échoue à y reconnaître son enfant ou sapropre maison.

Ici, Popper s'intéresse à ces cas pour montrer que même à propos de ce que les neurobiologistesappellent la mémoire à long terme, des distinctions peuvent apparaître.

Car mémoire personnelle et mémoire motriceou linguistique dont parle ici Popper relèvent toutes les deux de la mémoire à long terme.

Popper ne parle pas ici dela mémoire à court terme, autrement nommée « mémoire de travail », et qui est le rappel des événementsimmédiatement passés.

On souligne d'habitude l'intrication de la mémoire à long terme dans celle à court terme.

Lestravaux les plus récents montrent que quand l'une se trouve lésée, l'autre se trouve elle aussi inapte.

On l'a dit,Popper ne s'intéresse pas ici à cette connexion entre « mémoire de travail » et mémoire à long terme (mémoire-souvenir ou mémoire implicite).

Il souligne combien une cécité mentale peut devenir socialement handicapante ; elleaboutit à une conduite désorientée et impersonnelle, dont on mesure facilement les conséquences catastrophiques.En revanche, Popper semble supposer qu'une telle conduite qui pénalise le sujet d'un point de vue social, si bien queses capacités peuvent devenir inférieures à celles dont font preuve certaines espèces animales, peut laisserintactes des fonctions plus abstraites, comme celle de la conceptualisation.

En bref, Popper distingue une mémoiresubjective et une mémoire objective.

La première est jugée importante pour l'identité personnelle et sociale du sujethumain, mais inessentielle et anecdotique dès lors qu'il s'agit pour le sujet de mettre en marche ses capacitésconceptuelles.

A cette fin, seule la mémoire objective importe et peut-être activée dans la mesure où l'airecérébrale où se localise son activité n'a pas été lésée.

Popper nous a prévenus plus haut: l'homme est un être delangage qui use de ce dernier pour faire fonctionner des théories et les proposer à la critique de ses congénères.

Ici,on pourrait objecter à l'auteur des travaux plus récents de neurobiologistes comme Antonio Damasio (cf.

L'erreur de Descartes ) qui souligne au contraire le fait que le fonctionnement de la mémoire à long terme – qui joue selon. »

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