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PLATON, La République, VIII, 562b sq. 1 (commentaire)

Publié le 09/05/2005

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- Quel bien veux-tu dire ? - La liberté, répondis-je. En effet, dans une cité démocratique tu entendras dire que c'est le plus beau de tous les biens, ce pour-quoi un homme né libre ne saura habiter ailleurs que dans cette cité [...]. Or [...] n'est-ce pas le désir insatiable de ce bien, et l'indifférence pour tout le reste, qui change ce gouvernement et le met dans l'obligation de recourir à la tyrannie ? [...] Lorsqu'une cité démocratique, altérée de liberté, trouve dans ses chefs de mauvais échansons ', elle s'enivre de ce vin pur au-delà de toute décence ; alors, si ceux qui la gouvernent ne se montrent pas tout à fait dociles et ne lui font pas large mesure de liberté, elle les châtie [...]. Et ceux qui obéissent aux magistrats, elle les bafoue et les traite d'hommes serviles et sans caractère. Par contre elle loue et honore, dans le privé comme en public, les gouvernants qui ont l'air de gouvernés et les gouvernés qui prennent l'air de gouvernants. N'est-il pas inévitable que dans une pareille cité l'esprit de liberté s'étende à tout ? [...]. Qu'il pénètre, mon cher, à l'intérieur des familles, et qu'à la fin l'anarchie gagne jusqu'aux animaux ? [...] Or, vois-tu le résultat de tous ces abus accumulés ? Conçois-tu bien qu'ils rendent l'âme des citoyens tellement ombrageuse qu'à la moindre apparence de contrainte ceux-ci s'indignent et se révoltent ? Et ils en viennent à la fin, tu le sais, à ne plus s'inquiéter des lois écrites ou non écrites, afin de n'avoir absolument aucun maître. - Je ne le sais que trop, répondit-il. - Eh bien ! mon ami, c'est ce gouvernement si beau et si juvénile qui donne naissance à la tyrannie. PLATON, La République, VIII, 562b sq. 1. Celui dont la fonction est de servir à boire.

Ce texte est extrait de La République de Platon, dialogue en dix livres qui cherche à penser tous les aspects du problème politique. Il développe les thèmes de la cité démocratique et du pouvoir politique en posant la question suivante : la démocratie est-elle le règne de la licence ou de l'excès, trop-plein de liberté faisant naître un excès de servitude ou bien est-elle capable d'apporter le bien ?  L'idée directrice du texte est que la démocratie est minée par le principe même qui l'anime : la liberté. Elle devient rapidement un régime sans frein, qui peut conduire à la tyrannie.  L'argumentation se développe en trois parties principales :  A. « N'est-ce pas [... ] recourir à la tyrannie « : le désir sans frein de liberté conduit à la tyrannie.  B. « Lorsqu'une cité démocratique [...] animaux « : analyse des mécanismes divers menant à l'anarchie.  C. « Or [... ] tyrannie « : le mépris démocratique de la loi engendre la tyrannie.  

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« ce que Platon permet maintenant de saisir à travers une série d'exemples mettant en jeu des mécanismesdestructeurs de la vie politique.L' image des échansons, servant un vin trop pur et trop fort, donne sans doute à voir des chefs et unsystème politiques enivrant leurs administrés.

La cité démocratique représente un État caractérisé par sondésir sans frein de liberté.

Ainsi devient-elle folle de cette dernière, qu'elle boit en quantité excessive.

Dansun régime où l'organisation des pouvoirs permet à chacun de s'enivrer de liberté, comment les choses seprésentent-elles ?La cité démocratique va punir ceux qui exercent le pouvoir politique (« ceux qui la gouvernent ») etn'octroient pas la possibilité de tout accomplir : ils sont mis en accusation et punis comme s'ils étaient descriminels.Quant aux citoyens soumis aux magistrats, c'est-à-dire à ceux qui requièrent l'application de la loi ouexercent des fonctions publiques, ils sont traités avec un mépris outrageant et tournés en dérision («bafoués »).

En somme, l'obéissance au principe juridique suprême (la loi) et à l'Assemblée d'où elle émane estvilipendée.Seuls ceux qui exercent le pouvoir politique (« les gouvernants ») en se laissant dominer par la foule et lescatégories diverses nées de la foule sont loués.

Ce qui signifie que les détenteurs du pouvoir doivent obéiraux passions du peuple, sous peine d'être méprisés.

Quant aux citoyens (les « gouvernés »), ils doivent,pour être honorés, prendre le pouvoir, ainsi abandonné à n'importe qui.

Plus on méprise la loi, plus on aurad'honneurs et de prestiges.

C'est ainsi que dans un tel État, l'esprit de liberté s'étend à tout et à tous :enfants, familles et même bêtes, tous suivent leur seul caprice.

C'est l'anarchie, le désordre universel, lerefus de toute autorité qui l'emportent et dominent.Ainsi la passion de la liberté se transmute en désordre universel, en absence de chef, en anarchie. C.

TROISIÈME PARTIE : « Or [...] tyrannie »La liberté s'est transformée en licence, le pouvoir de faire en pouvoir de faire n'importe quoi selon ses désirs.Dès lors, tout est prêt pour la tyrannie, comme Platon le démontre à l'aide d'une argumentation rigoureuse.D'abord, toute idée de contrainte est écartée.

Or qu'est-ce que la contrainte ? Elle désigne la coercition oula pression exercée sur quelqu'un, la discipline qui conduit à obéir.

La contrainte, nous le savons, estformatrice : elle est le moyen de nous faire obéir à la loi et de ne pas la mépriser.

Par exemple, si un voleurs'empare de notre bien, comment ne pas user de la contrainte pour qu'il ne lèse pas la société ? Or la pluspetite apparence de contrainte, sa forme la plus réduite, semble intolérable au principe spirituel des citoyensqui disent non à toute coercition.

Comment en serait-il autrement, puisque le caprice domine ?En second lieu, la loi écrite ou non, la règle impérative prescrivant à tous ce qui doit être fait, à savoir ceque l'on appelle en grec « nomos », se trouve tout à fait écartée.

Or, à partir de la fin du vie siècle, la citéathénienne s'est édifiée grâce, en particulier, à la loi écrite (Dracon, Solon).

Le « nomos » est donc lebâtisseur de la cité.

Quand on méprise la loi juridique, on détruit la cité.

C'est bien ce que font les citoyensquand ils écartent la loi et refusent ainsi tout maître, tout gouvernant exprimant la force de la loi.Plus de lois qui comptent, écrites ou non ! Plus de maître : c'est le désordre universel.

Le tyran peuts'installer et le peuple va exulter.

Le gouvernement de la multitude et de la liberté absolue aboutit à latyrannie, au gouvernement d'un seul homme.

Ainsi, la liberté sans frein engendre la servitude.

Le tyran faitpasser le peuple de l'anarchie à l'esclavage.

Il accède généralement au pouvoir par un coup de force (parfoispar un vote massif des concitoyens) et confisque la liberté. 2.

Intérêt philosophique du texte PLAN A.

Périls de la cité privée de loisB.

Tout est susceptible de corruptionC.

Défense de la démocratie A.

Périls de la cité privée de lois Ce texte nous rappelle les périls qui menacent la démocratie privée de la puissance de la loi, où l'autorités'éparpille entre mille mains.

Quand la multitude gouverne, quand n'importe quelle catégorie impose ses loissans se soucier du respect de la loi, en imposant sa volonté par la force, alors la démocratie est bienmenacée.

Elle devient un régime sans législation vraie, sans autorité reconnue et où chacun agit à sa guise.Chacun fait alors ce qu'il veut.

Ces périls civiques sont alors immenses.

C'était vrai de la démocratie antique,cela l'est aussi de notre démocratie moderne, trop souvent vouée aux intérêts particuliers.

C'est le règneinquiétant de la licence, où la loi est foulée aux pieds et qui ouvre la voie à la démagogie du tyran.

Ce textede La République est donc une mise en garde contre les dangers d'une trop grande liberté, cette dernièreétant au fondement de la démocratie.

Une liberté mal contrôlée est donc vouée à disparaître. B.

Tout est susceptible de corruptionLes gouvernements se dégradent en raison de la corruption des citoyens.

Ce qui signifie qu'il faut restervigilant, car la démocratie est sujette à se dégrader, comme tout régime humain.

Il y a des évolutionsnécessaires.

Les décadences sont plus ou moins rapides et le mot d'ordre de liberté se transmue souvent enlicence débridée.. »

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