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Platon et la vertu de l'homme

Publié le 01/05/2005

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platon
MÉNON. - Tout d'abord, si c'est de la vertu d'un homme que tu veux parler, il est clair que la vertu d'un homme consiste à être capable d'administrer les affaires de la cité et, ce faisant, d'assurer le bien de ses amis, le mal de ses ennemis, en se gardant soi-même de tout mal. Si c'est de la vertu d'une femme, il n'est pas plus difficile de te répondre qu'elle consiste d'abord à bien administrer sa maison pour l'entretenir en bon état, ensuite à obéir à son mari. Il y a en outre une vertu propre aux enfants, filles ou garçons ; il y en a une propre aux vieillards, qu'il s'agisse d'hommes libres ou d'esclaves. Il y en a bien d'autres genres encore, de sorte que les définitions ne manquent pas : pour chaque espèce d'action et pour chaque âge, pour chacun de nous et pour chaque ouvrage, il y a une vertu particulière. Et de même, Socrate, à môn avis, en ce qui concerne le vice. SOCRATE. - J'ai vraiment beaucoup de chance, Ménon : je cherchais une vertu unique, et je trouve chez toi tout un essaim de vertus ! Mais, pour continuer cette image, supposons qu'on te demande ce qu'est essentiellement une abeille, et que tu répondes qu'il en est de toutes sortes ; que dirais-tu si je te demandais : Quand tu déclares qu'il y a des quantités d'abeilles de toutes sortes et différentes les unes des autres, veux-tu dire qu'elles sont différentes en tant qu'abeilles, ou bien, ce qui les distingue, n'est-ce pas autre chose que cela, par exemple la beauté, la taille et certains caractères du même genre ? Dis-moi, que répondrais-tu à une question ainsi posée ? MÉNON. - Je répondrais, Socrate, qu'à mon avis, en tant qu'abeilles, elles ne diffèrent pas les unes des autres. SOCRATE. - Si je te disais ensuite : Voyons, Ménon, cette chose par laquelle elles se ressemblent et qui est identique chez toutes, quelle est-elle ? Tu aurais sans doute une réponse toute prête ? MÉNON. - Sans doute. SOCRATE. - Eh bien, la question est la même à propos des vertus : quelque nombreuses et diverses qu'elles soient, elles ont en commun un certain caractère général qui fait qu'elles sont des vertus. C'est ce caractère général qu'il faut avoir en vue pour que la réponse à la question soit correcte et fasse saisir en quoi consiste la vertu. Comprends-tu bien ce que je veux dire ? MÉNON. - Je crois te comprendre ; cependant je ne saisis pas encore aussi nettement que je le voudrais l'objet précis de la question. Platon

Ce texte de Platon est traversé par une double interrogation: qu'est-ce que la vertu, et qu'est ce qu'en propre l'exercice philosophique. La première question ne trouve pas sa réponse dans ce texte, mais elle guide la seconde aussi essentielle. La pratique philosophique ne se résoult pas, bien évidemment, à simplement donner son avis sur une question: elle répond à une certaine dynamique que ce texte nous propose de comprendre. Or, cet exercice va être centré autours d'une question particulière, même si capital dans la philosophie platonicienne, qu'est celle de la vertu.

 

platon

« II. Le thème de l'essaim est un terme récurent dans l'oeuvre de Platon: son utilisation est quelque part dépréciatrice.Elle signifie que l'esprit a râté quelque chose, qu'il n'est pas parvenu à bout de son investigation.

Pourquoi? Parceque l'esprit tend à l'unité, il tente de découvrir des définitions sous lesquelles peuvent être subsumer un grandnombre de cas.

S'il y a autant de définition qu'il y a de choses, la pensée n'a pas avancé par rapport au réel, elleest toujours collé irrémédiablement au réel sans ce pouvoir qu'il lui permettrait de s'en émanciper.

Derrière l'essaimd'abeilles qui apparaît comme une multiplicité irréductible, n'y a-t-il pas moyen de trouver une unité? C'est celamême en quoi consiste l'exercice philosophique pour Socrate: s'élever au dessus de l'apparente diversité du réelpour trouver des Idées abstraites et transcendantes des choses. Devant la multiplicité des manières sous laquelle nous apparaissent les abeilles, selon leur taille, leur rôle dans lahiérarchie d'une ruche, ne peut-on pas saisir un dénominateur commun? Ce que cherche Socrate, c'est une manièrede remédier à la fragmentation qu'a opéré Ménon.

Il s'agit de trouver les attributs essentiels à toutes les abeilles, cequ'elles partagent entre elles, malgré leur diversité.

Cette exercice permet de cerner l'essence, ou l'Idée en terme platonicien, de quelque chose.

Ainis, les tasses qui sont devant moi sur la table sont toutes différentes enapparences.

Mais si je me concentre su ce qui caractérise en propre une tasse, ce qui me permet de reconnaîtreaussitôt que est une tasse, je remarque qu'elle y participe toutes de la même manière.

Le fait d'être un récipientd'une certain diamètre, d'avoir une anse à usage digitale, etc.. La véritable investigation philosophique est donc en quête de telles essences.

Ces dernières ont le mérite demontrer une certaine unité derrière la diversité, la multiplicité du réel.

Elles ont le mérite d'être stable et donc depermettre une connaissance, contrairement à un réel toujours mouvant.

En effet, comment puis-je connaître unechose si déjà elle change quelques secondes plus tard? D'une vertu plurielle à une vertu singulière III. Cette quête de l'unité, c'est l'histoire même du philosophe qui découvre la véritable réalité.

Entendons par là, nonpas celle du monde sensible qui se donne aux sens.

En effet, ce dernier n'est qu'une copie d'un monde en dehorsmême de l'espace et du temps, un monde qui contrairement à notre monde familier, ne connaît pas la corruption, ladégradation, le mouvement perpétuel qui rend impossible toute connaissance .

Ce monde contient toutes lesessences dont notre monde tente vainement d'imiter la perfection.

Il est éternel, immuable, en un mot, il est le seulqui est véritablement, notre monde sensible n'en étant qu'une copie dégradée.

Par exemple, nous avons sous les yeux une multiplicité d'actes vertueux fait par les hommes mais ces derniers ne sont que la pâle copie de l'Idée(eidos en grec) de Bien, unique et universelle, qui réside dans le monde des Idées. Le mouvement que Socrate tente de faire prendre au dialogue consiste précisément à pratiquer cette ascensionvers les essences, par la recherche des attributs essentiels et donc commun à un ensemble de chose possédant lemême nom.

Il y a ici un enjeu profond dans le cadre de la caractérisation de la vertu.

Tout en disant ce qu'est lavertu, Socrate ne dis pas ce qu'elle est.

Sa morale ne se veut pas être une recette qu'il suffirait de suivra à lalettre.

Une fois la connaissance générale de la vertu possédée, c'est à chacun de s'appliquer à l'exercer dansl'espace sensible et particulier.

Kant fera de même avec sa morale catégorique.

On n'indique pas une marche àsuivre, ce qui serait proprement aliénant puisque cela consisterait à dire à chacun « Fais cela! », sans considérationpour les événements, pour la personne, et sa liberté d'agir. Retenons que la définition est générale, tandis que l'appréciation est individuelle, relevant des choix de chacun.

Ence sens, si Socrate est un idéaliste, il propose cependant une morale en accord avec la réalité.

Dire, comme Ménon,ce que chacun doit faire, c'est dicter à chacun le chemin qui lui est imposé sans lui laisser le temps de comprendre,où d'exercer sa propre liberté par une action qui lui est propre.

Cela lui permet d'échapper au dilemme morale quereprésente certaines situations concrètes.

Ménon est un peu dépassé par ce type de raisonnement, où l'ons'émancipe, par un mouvement ascentionnel, de la réalité, pour en saisir l'essence dont elle n'est qu'une copie dansla diversité de ses apparitions.

Conclusion Ce texte ne répond certes pas à la question qu'il pose à savoir ce qu'est la vertu, mais il nous éclaire sur la manièrede la poser correctement.

La philosophie doit être avant tout perçu comme une pratique assidue duquestionnement.

On ne se pose jamais trop de question, mais plutôt dirons nous, on se pose trope de mauvaisesquestions.

La philosophie permet une orientation des divers investigations que nous menons sans nous perdre danscette pluralité terrible de la réalité.

Nous pourrons dire, avec l'aide de cette méthode platonicienne, que le traitcommun de toute vertu c'est qu'elle ne s'exerce pas au dépend d'autrui, qu'elle n'obéit pas à une fin égoïste...etc.Par-là, nous tenterons ainsi de cerner derrière les divers sens que peut prendre le terme, les attributs communsauxquels tous participent: ainsi il sera possible de cerner les essences qui sont les seules à proposer une vraiconnaissance de la réalité.. »

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