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Platon et Anaxagore

Publié le 01/05/2005

Extrait du document

platon
Or voici qu'un jour j'entendis faire une lecture dans un livre qui était, disait-on, d'Anaxagore et où était tenu ce langage : « C'est en définitive l'Esprit qui a tout mis en ordre, c'est lui qui est cause de toutes choses. » Une telle cause fit ma joie; il me sembla qu'il y avait, en un sens, avantage à faire de l'Esprit une cause universelle : s'il en est ainsi, pensai-je, cet Esprit ordonnateur, qui justement réalise l'ordre universel, doit aussi disposer chaque chose en particulier de la meilleure façon qui se puisse : voudrait-on donc, pour chacune, découvrir la cause selon laquelle elle naît, périt ou existe? ce qu'il y aurait à découvrir à son sujet, c'est selon quoi il est le meilleur pour elle, soit d'exister, soit de subir ou de produire quelque action que ce soit. (...) Eh bien ! adieu la merveilleuse espérance ! Avançant en effet dans ma lecture, je vois un homme qui ne fait rien de l'Esprit, qui ne lui impute non plus aucun rôle dans les causes particulières de l'ordre des choses, qui par contre allègue à ce propos des actions de l'air, de l'éther, de l'eau, et quantité d'autres explications déconcertantes. Or son cas, me sembla-t-il, était tout pareil à celui de quelqu'un qui, après avoir dit que dans tous ses actes Socrate agit avec son esprit, se proposant ensuite de dire les causes de chacun de mes actes, les présenterait ainsi : Pourquoi, d'abord, suis-je assis en ce lieu? C'est parce que mon corps est fait d'os et de muscles; que les os sont solides et ont des commissures qui les séparent les uns des autres, tandis que les muscles, dont la propriété est de se tendre et de se relâcher, enveloppent les os avec les chairs et avec la peau qui maintient l'ensemble; par suite donc de l'oscillation des os dans leurs emboîtements, la distension et la tension des muscles me rendent capable par exemple de fléchir à présent ces membres; et voilà la cause en vertu de laquelle, plié de la sorte, je suis assis en ce lieu! (...) Donner toutefois le nom de causes à des choses pareilles est un comble d'extravagance. Dit-on au contraire que, sans la possession d'os, de muscles, de tout ce qu'en plus j'ai à moi, je ne serais pas à même de réaliser mes desseins? Bon, ce serait la vérité. Mais dire que c'est à cause de cela que je fais ce que je fais, et qu'en le faisant j'agis avec mon esprit, non cependant en vertu du choix du meilleur, peut-être est-ce en prendre plus que largement à son aise avec le langage ! Il y a là une distinction dont on est incapable : autre chose est en effet ce qui est cause réellement; autre chose, ce sans quoi la cause ne serait jamais cause. Or, voilà, à mes yeux, ce que la plupart, tâtonnant comme dans les ténèbres, désignent, d'un terme dont l'emploi est impropre, comme étant une cause. Platon
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« a) L'expérience universelle dont nous parlions, c'est celle que tout un chacun peut faire : les choses naissent,périssent, existent.

Autrement dit : il y a de l'être et du changement, un mouvement de génération et de corruption(d'où la question de l'immortalité de l'âme) — et connaître leurs causes, c'est précisément le problème de laphysique (on voit qu'à l'origine la philosophie ne s'en distingue pas).

Savoir, c'est pouvoir expliquer le comment, maispeut-être surtout comprendre le pourquoi de l'action ou de la passion de chaque chose.

Le philosophe (physicien),c'est l'homme du sens, une notion que le texte incite à définir : de quoi s'agit-il, sinon de concevoir chaque chosepar sa disposition (sa place et sa destination — seule façon de la fixer, donc de la saisir, en son « mouvement »)dans un ordre qui lui confère sa perfection, à concevoir lui-même comme un universel où s'unissent (ou s'unifient?)les particularités, ce qui exige un logos — un langage qui soit intégralement raison, c'est-à-dire présenceconstamment active du lien de l'universel et du particulier.Si les choses ne sont intelligibles que par leur(s) cause(s), seul un Esprit cause de tout peut rendre la causalité elle-même intelligible : c'est en poussant à ses dernières conséquences cette pensée d'Anaxagore, en la radicalisant,que Platon inaugure son propre système philosophique.

Seul un esprit (en grec : un noûs, une intelligence capablede choisir et projeter en toute sagesse) peut vouloir l'ordre, et produire le principe à même de tout ordonner, àsavoir : le principe du meilleur.

Ainsi s'annonce ce qui prendra, par la suite, de La République aux Lois, en se purifiantde ses aspects « psychologiques », la forme rigoureuse de l'Idée du Bien.

Au fond — n'est-ce pas ce que Platonnous invite à méditer : une chose se comprend-elle vraiment tant qu'elle n'est pas justifiée? Qu'est-ce qui « estcause réellement » de quelque chose, sinon sa raison d'être? Qu'est-ce qui rend raison d'une existence, d'uneaction, d'une passion, sinon sa fin? Et qu'est-ce qui justifie toute fin, sinon le Bien? En tout état de cause, lamoindre des choses dès lors, pour un philosophe, c'est de ne pas confondre l'ordre de la cause et la nécessité de lacondition (ce sans quoi la cause ne serait jamais cause) — en l'occurrence, toute la machinerie du corps, siironiquement démontée par Socrate, sans laquelle, assurément, il ne saurait y avoir d'action, mais qui ne saurait enfournir le sens. 4.

On mesure mieux, désormais, l'importance de ce texte (que Leibniz par exemple reproduira tout au long d'unchapitre de son Discours de Métaphysique).

Pour commencer, il nous fournit, au principe d'une histoire de larationalité philosophique, un bon exemple de ce qu'est l'action du philosophe : elle consiste bien à conduire lapensée des ténèbres à la clarté, en pratiquant, dans la critique de toutes les confusions, la distinction desconcepts.

Cela étant, le gain théorique que constitue, à la fin du texte, l'opposition de la cause et de la conditions'inscrit dans une problématique plus large, dont Platon contribue à définir les termes : impossible de s'interroger surla causalité sans s'interroger sur la finalité (surtout s'il s'agit de penser l'action); impossible de ne pas opposer latéléologie (l'intelligence des fins) et le mécanisme (l'intelligence des effets), sans que celle-là exclue pour autant lanécessité de celui-ci (et pour des siècles de philosophie, concevoir la Nature, ce sera tenter de concevoir leur justerapport); impossible, enfin, de ne pas pressentir, sous la mention de l'Esprit Cause de Tout, une possible définitionde Dieu, et de ne pas se poser la question, par-delà la distinction de la philosophie et de la physique, du lien de laphilosophie et de la théologie.

Mais comment ne pas souligner, pour conclure, que l'histoire de la philosophie seprésente ici comme un authentique conflit entre deux points de vue antagoniques, qu'Anaxagore paraît contenir enpuissance : celui du tenant des causes idéales (porté par sa logique vers le ciel de la théologie), celui du tenant descauses matérielles (ancré, à l'évidence, dans le champ de la physique).

Avant qu'ils ne se nomment l'idéaliste et lematérialiste, Platon lui-même les mettra en scène, dans Le Sophiste, par l'affrontement en un combat de géants(une « gigantomachie ») des Amis des Formes et des Fils de la Terre. PLATON.

Né à Égine, près d'Athènes, en 429 av.

J.-C., mort à Athènes en 347 av.

J.-C.Son père, Ariston, descendait de Codros, dernier roi d'Athènes, et sa mère, Périctyone, de Solon.

Il fut l'élève del'héraclitéen Cratyle, et s'initia aux arts.

Il prit part à des concours de tragédie, et se passionna plus spécialementpour la musique et les mathématiques.

Vers 407, il rencontra Socrate, dont il resta l'ami et le disciple jusqu'en 399,date de la mort du maître.

Platon se rendit alors à Mégare, auprès d'Euclide ; puis, il effectua des voyages enÉgypte et en Italie du Sud.

Eu Sicile, il rencontra Denys et tenta de lui faire accepter ses théories politiques.

Letyran, outré, fit vendre Platon comme esclave, à Égine.

Là, Annicéris le reconnut, l'acheta et le libéra.

Rentré àAthènes, Platon commença d'enseigner la philosophie dans les jardins d'Académos ; ce fut l'origine de l'Académie.

Ilse rendit encore en Sicile auprès de Denys le jeune, mais aussi sans succès.

Il mourut octogénaire, à Athènes,désignant son neveu Speusippe pour lui succéder à la tête de l'Académie.

Toutes les oeuvres de Platon sont desdialogues.

Ils nous seraient tous parvenus, et certains textes apocryphes s'y sont ajoutés.

— C'est sous l'influencede Socrate que Platon conçut son système philosophique, premier système spiritualiste complet, qui fait duphilosophe grec, l'un des plus grands, sinon le plus grand de tous les temps.

Pour les Pythagoriciens, la raison deschoses se trouvait dans les nombres ; pour les Ioniens (tel Héraclite) elle était dans les forces et les éléments de la. »

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