Devoir de Philosophie

Peut-on prouver contre l'expérience ?

Publié le 23/09/2009

Extrait du document

  Lorsque dans un procès on demande à l’accusation ou à la défense une preuve de ce qu’elle avance, on lui demande un élément matériel, concret – un témoignage ou une pièce à conviction – qui permet de déterminer avec certitude la vérité de l’hypothèse qu’elle soutient. Prouver cela semble être ceci : faire appel à un argument ou à un objet décisif qui fasse reconnaître comme vraie, c’est-à-dire comme décrivant adéquatement la vérité, ce qui n’était auparavant qu’une hypothèse. Or il semble que l’on puise dans l’expérience la plupart de ces éléments décisifs qui constituent les preuves. En effet, l’expérience sensible que nous faisons de la réalité nous met en contact avec d’autres choses que nous-mêmes et représente la principale source, si ce n’est la seule, de connaissance sur le monde qui nous entoure. Il semble donc qu’on ne puisse prouver quelque chose qu’en passant par l’expérience, mais jamais en allant à l’encontre des preuves qu’elle fournit.

  Néanmoins, par extension, le mot « expérience « désigne aussi un certain nombre de connaissances que l’on acquiert par le simple usage de la vie, et qui ne reposent sur rien d’autre que l’habitude, come lorsqu’on dit d’un artisan ou d’un homme politique qu’il « a de l’expérience. « De plus, « prouver « quelque chose, peut désigner plus qu’en exhiber une preuve sensible de son existence : dans les sciences formelles comme les mathématiques, la vraie preuve d’un théorème n’est pas son illustration, mais sa démonstration. Or il peut arriver que ce que l’on démontre s’oppose à ce que l’on considère comme une connaissance d’expérience, car l’expérience sensible peut être trompeuse : on peut démontrer à partir des équations de Newton ce que nos yeux semblent démentir à tout instant, c’est-à-dire que la Terre est en mouvement autour du Soleil et non l’inverse.

  Pourtant la physique newtonienne et les autres sciences de la nature ne sont pas des sciences hypothético-déductives, où l’on démontre des théorèmes en les ramenant à des hypothèses admises par tous comme en mathématiques, mais des sciences inductives, où l’on tire les lois fondamentales de la réalité en repérant des constantes dans l’expérience. C’est donc sur cette source de connaissance de la réalité qu’elles reposent elles aussi, bien qu’elles puissent la contredire, ce qui semble paradoxal. Le problème est donc de comprendre comment et en quelle mesure l’expérience peut être contredite par certaines preuves et de quelle nature sont ces preuves : n’y a-t-il que l’expérience sensible des apparence qui est contredite par des preuves démonstratives ? Qu’est-ce qu’alors qu’une « preuve expérimentale « en dehors de tout soupçon ? Ne sont-ce pas les expériences au sens rigoureusement scientifique du terme qui représentent de véritables preuves et qui peuvent aller à l’encontre de l’expérience ordinaire que nous faisons du monde ? 

« Mais précisément, s'il n'y a rien de contraire à la vérité dans l'expérience, et que l'erreur ne consiste qu'à laprendre pour ce qu'elle n'est pas, n'est-il pas possible de faire de l'expérience bien comprise le fondement deconnaissances ? Cela semble nécessaire, car sans expérience et par la simple démonstration, on ne peut obtenir quedes vérités formelles, et non des vérités qui portent sur le monde réel et concret qui nous entoure.

II./ L'expérience : preuve de toutes les preuves.

A./ Lorsque je perçois un carré rouge, je peux me tromper sur le fait que cette figure soit réellement un carré ouqu'elle soit réellement rouge.

Mais je ne peux pas me tromper sur le fait que je perçoive du rouge qui a quatre côtéségaux et perpendiculaires.

Le fait de percevoir cette perception est hors de doute.

Si l'on peut éliminer toutes lesconnaissances liées à la croyance que ce que nous percevons est tel que nous le percevons, tout le savoird'expérience lié à une longue fréquentation du monde, on ne peut apparemment rien prouver contre le fait que l'onait une expérience, et que celle-ci nous fournisse des idées. B./ Hume, dans le premier livre du Traité de la nature humaine , tire les conséquences de ce fait.

Il affirme ainsi en I, III , 5 « pour ce qui est des impressions qui proviennent des sens, la cause ultime en est, à mon avis parfaitementinexplicable par la raison humaine.

Une telle question n'a, d'ailleurs, aucune espèce d'importance, » que seul importele fait que tous nos objets mentaux sont des impressions, ou des copies de ces impressions, les idées.

Ainsi, il fautadmettre que tous nos raisonnements ne font appel qu'à des impressions qui sont comparées, c'est-à-dire à del'expérience.

Si je démontre que l'aire du triangle n'est pas égale à celle du carré, encore faut-il que j'ai les idées deces deux objets, et sans expérience de ces figures, cela m'est impossible.

Il existe en particulier un mode deraisonnement qui fait appel à l'expérience sous toutes ses formes, c'est le raisonnement de causalité.

Lorsque jejuge que le triangle et le carré n'ont pas la même aire, j'ai ces deux idées présentes à l'esprit au même moment.Mais lorsque j'infère d'un effet (ma porte ouverte) à une cause (un invité ou un voleur chez moi), je passe d'uneimpression présente à une idée qui ne l'est pas.

La relation de causalité est la seule qui augmente ma connaissancesur le monde en me fournissant des idées de ce qui n'est pas actuellement perçu comme impression.

Or commentfonctionne la causalité ? Comme Hume le montre dans la section IV de l'Enquête sur l'entendement humain , je ne fais jamais l'expérience d'une connexion entre deux objets, je ne constate que leur constante conjonction : je nevois pas comment, par quel secret pouvoir, le feu brûle, mais j'expérimente constamment la conjonction entre le feuqui touche mon doigt et la brûlure.

Autrement dit, ce raisonnement fondamental pour toutes les sciences, leraisonnement causal, ne repose que sur la répétition d'une expérience, que sur une habitude ou coutume de voirdeux impressions se suivre constamment.

Les raisonnements scientifiques ne diffèrent donc pas essentiellement dessavoirs d'expérience que l'on acquièrent en pratiquant régulièrement un sport, un art, une technique, etc.

Ils nesont même qu'une forme d'instinct acquis, équivalent à celui des animaux ( Enquête sur l'entendement humain, section XII).

Non seulement toute preuve provient de l'expérience qui ne peut être contredite, mais en plus c'estl'expérience qui permet de faire des preuves.C./ Cette position qui fait reposer toute connaissance sur le monde sur l'expérience, est dite empiriste.

Il en découledes positions épistémologiques très claires que développe par exemple Carnap, un logicien du XXe siècle qui avouelui-même sa parenté avec Hume dans la quatrième partie Des Fondements philosophiques de la physique : les mathématiques et les sciences formelles ne nous apprennent rien sur le monde, seule l'expérience le fait.

Si lanature suivait d'autres lois que celles que nous lui connaissons, les mathématiques seraient toujours vraies, mais lespropositions que nous tirerions de l'expérience seraient elles différentes.

L'expérience est donc un critère qui permetde départager plusieurs hypothèses équivalentes.

On peut décrire mathématiquement le trajet de la lumière aussibien comme une onde que comme un flux de corpuscules : seule une expérience, celle de Foucault-Arago, permetde départager les deux en mettant en place un dispositif qui mesure la vitesse de la lumière dans l'eau et dans l'air,car la théorie ondulatoire affirme que la lumière doit se déplacer plus vite dans l'eau et moins vite dans l'air, alorsque la théorie corpusculaire affirme le contraire.

De telles expériences, appelées « expériences cruciales » montrentbien que les expériences scientifiques, dans l'activité scientifique moderne, représentent la preuve ultime, qui vientdépartager deux démonstrations mathématiques équivalentes.

Ainsi, non seulement l'expérience ne peut êtrecontredite par aucune preuve d'un autre ordre, mais en outre représente la preuve de plus haut degré.

Précisément, penchons nous sur ces expériences scientifiques.

Le dispositif d'Arago et Foucault pour mesurer lesvitesses relatives de la lumière dans l'eau et l'air est très complexe, et permet de faire l'expérience de quelque chosequi ne peut être perçu par la simple entremise des sens.

Si l'expérience ne peut être contredite par quelque chosed'un autre ordre, n'est-ce pas l'expérimentation scientifique qui peut prouver contre l'expérience commune ? III./ L'expérimentation comme preuve contre l'expérience.

A./ L'expérimentation, c'est-à-dire l'expérience scientifique, peut sembler être équivalente à l'expériencescientifique.

Mais elle fait intervenir deux éléments supplémentaire au moins : une théorie et un dispositifexpérimental.

Si Galilée a fait rouler des billes de plomb sur des plans inclinés pour trouver les lois du mouvementaccéléré, il lui fallait non seulement avoir une théorie mathématique capable d'exprimer la distance en fonction dutemps pour construire les bons plans inclinés, mais aussi que ceux-ci et les billes de plombs soient suffisammentpolis pour que les forces de frottement soient annulées.

Ces deux éléments en plus ne sont pas anodins : ilsmontrent que ce qui se produit dans l'expérience scientifique ne peut se produire dans l'expérience commune.

Celaest d'autant plus vrai dans la physique contemporaine où l'on travaille sur des objets qui sont contradictoire dansl'expérience commune, par exemple l'électron qui est à la fois une onde et un corpuscule selon le dispositifexpérimental que l'on met en place.

La lumière se comporte d'ailleurs de la même manière, ce qui montre bien que les. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles