Devoir de Philosophie

Peut-on dire que la science interpréte ?

Publié le 24/06/2009

Extrait du document

 

Introduction:

- La science est un ensemble de propositions vraies et vérifiées, concernant les états et changements du monde extérieur. Ainsi, une proposition scientifique prétend à l’universalité et à la nécessité. Par exemple, l’eau bout partout, en tout temps et nécessairement à 100°. Idem pour 2+2=4.

- Interpréter, c’est trouver le sens d’un ensemble de phénomènes d’abord incohérents. Par exemple, j’interprète le discours de quelqu’un quand il me semble incohérent (disons que cette personne est pacifiste et se met d’un coup à tenir des propos en faveur d’une intervention militaire). Trouver le sens, c’est-à-dire interpréter, consiste alors à construire un point de vue à partir duquel ces phénomènes  apparemment contradictoires sont conciliables. Pour notre exemple, une interprétation serait: une intervention militaire est de toute façon nécessaire, cette attaque armée sera courte et permettra d’en éviter de plus longues et de plus meurtrières dans l’avenir.

- Il existe donc une incertitude essentielle à l’interprétation: j’interprète parce que je ne connais pas la vérité avec certitude, et elle relève de ce que moi je pense probable. L’interprétation s’oppose donc à la science de deux points de vue: elle est subjective (c’est-à-dire qu’elle dépend de celui qui la fait, un autre aurait pu interpréter les faits autrement) et elle n’est que probable. Au contraire, la science se veut objective et certaine. L’expression populaire: « Là tu interprète « rend bien compte de cette opposition: elle signifie à l’interlocuteur qu’il quitte le terrain du savoir pour s’engager dans la formulation d’hypothèses qui ne s’imposent qu’à lui.

- Il semble donc d’abord que nous ne puissions pas dire que la science interprète. La science ne fait que relever les faits manifestes et ne va pas au-delà. C’est dans cet, au-delà que se meut justement l’interprétation. Cependant, il semble que les faits eux-mêmes ne livrent rien de manière manifeste, ainsi tout discours sur le monde extérieur devrait relever de l’interprétation, y compris le discours scientifique. L’inconvénient de cette position est qu’elle ne nous permet pas de saisir la spécificité de la science par rapport à d’autres types de discours (le discours mythique par exemple).

- Alors, doit-on dire que la science n’interprète pas, quitte à se laisser peut-être berner par une interprétation naïve de la démarche scientifique? Ou bien doit-on affirmer que la science, elle aussi, interprète, mais en s’empêchant cette fois peut-être de saisir la spécificité du discours scientifique par rapport à d’autres?

 

« qu'un Dieu est fâché, parce qu'un homme c'est écarté de sa destinée, par exemple).

Les phénomènes cessent d'êtrecontingents et trouve alors une cause et un sens.

Mais, dans ce cas, en quoi la science ne serait pas, elle aussi,une interprétation? Nous serions tentés de répondre: parce que le mythe construit un système inventé par l'homme,qui n'existe pas; au contraire, les lois scientifiques sont découvertes dans la nature elle-même et ont une existenceobjective.

C'est cette idée qu'il nous faut maintenant interroger.

Peut-on vraiment affirmer que les entités et les loisscientifiques existent autrement, et plus, que les êtres mythiques? - Nous ne lisons jamais une loi scientifique dans la nature.

Aucune expérience ne peut nous donner de résultat si ellen'est pas réglée par un système théorique qui lui préexiste:D'abord, aucun phénomène ne nous livre lui-même une loi: la nécessité ne peut jamais s'obtenir de la multiplicationd'expériences singulières.

Il faut donc que nous ayons d'abord construit une théorie, puis que nous interrogions lanature pour qu'elle la confirme ou l'infirme.

La théorie est donc bien plus construite, inventée par l'homme que livréepar la nature.Cf.

Kant, préface à la seconde édition de la Critique de la raison pure .

Et la découverte de Neptune par Le Verrier. Ensuite, au sein du travail concret du scientifique, l'interprétation occupe la part la plus important.

Imaginons parexemple qu'un scientifique veuille tester une loi qui permet de calculer la température d'un gaz.

Il effectue le calculprévu par cette loi, puis il mesure avec un thermomètre la température véritable du gaz, pour voir si elle correspond.Ce que le thermomètre livre au scientifique, c'est un simple numéro.

Et en général, les instruments de mesurent neproduisent que des donnés quantitatives.

Le travail du scientifique est alors de trouver quel fait physiquecorrespond à ces nombres (ex: telle longueur d'onde a pour fait physique correspondant une couleur).

Ce passagede la donnée quantitative au fait qualitativement distinct est bien une interprétation, qui met en jeu un tas dethéories préalables (lois basiques, construction des appareils de mesure, unité de référence, etc).Cf.

Duhem, la Théorie physique (II,3). Aucune expérience ne livre donc directement son sens, celui-ci est le résultat d'une interprétation de ses données.

- La science semble donc être, elle aussi, une construction interprétative.

En effet, elle construit des systèmesglobaux (par exemple: le système de Ptolémée, ou celui de Copernic), au sein desquels elle explique certainsphénomènes (dans notre exemple: le mouvement des planètes, les éclipses,…).

Le critère de ces systèmes,d'ailleurs, semble être la cohérence bien plus que la vérité définie comme adéquation à une réalité extérieure.

Ainsi ilnous est impossible de savoir lequel du système de Ptolémée ou de Copernic correspond le plus aux choses commeelles sont, par contre celui de Copernic peut être préféré parce qu'il explique plus de phénomènes à l'aide de loismoins nombreuses.

Il est plus pratique.

Ainsi, Quine affirme dans « les Deux dogmes de l'empirisme » que les objetsscientifiques (force d'attraction, quanta,…) ont le même statut épistémique que les Dieux d'Homère: c'est uneinvention humaine, une fiction qui lui permet d'expliquer et de prévoir plus ou moins efficacement un certain nombrede phénomènes.Il nous faut donc finalement redéfinir la vérité scientifique: pas plus que le mythe, la science ne décrit une réalitéqui existerait à l'extérieur de l'esprit humain.

Son critère est le même que celui de toute interprétation: la simplicitéet l'efficacité.

Transition:Dans cette seconde partie, nous avons montré en quoi la science pouvait se comprendre comme une entreprised'interprétation des phénomènes naturels.

Cependant, en assimilant la science à l'interprétation, nous nous sommesrendus incapables de penser sa spécificité.

Or, si la science interprète, toute interprétation n'est pas scientifique.

Sinous ne voulons pas nier toute différence entre une théorie scientifique et un mythe, par exemple, nous devonsmaintenant nous demander: qu'est-ce qui fait la scientificité d'une interprétation? III) La science produit des interprétations falsifiables.

La théorie scientifique, comme le mythe, est bien une construction de l'esprit.

Mais elle possède certainesparticularités qui lui permettent de prétendre viser quelque chose du monde extérieur.

Même si les lois ne se lisentpas dans la nature, la science tente de construire des systèmes qui se rapprochent le plus, et de plus en plus, dece qui existe dans le monde.

En suivant les analyses de Popper, dans Conjecture et réfutation , cette exigence se traduit, au sein des théories scientifiques, par leur caractère « falsifiable ».

On appelle falsifiable une théorie quel'expérience peut venir infirmer.

Par exemple: « l'eau bout à 100° », sera infirmée si un jour nous faisons l'expérienced'une eau qui entre en ébullition à 90°.

Au contraire, la proposition « les évènements dépendent de la volontéarbitraire des Dieux » ne pourra jamais être infirmée par aucune expérience: elle permet d'expliquer n'importe quoi,une chose comme son contraire, c'est-à-dire qu'elle n'est pas falsifiable.

Ainsi, en étant falsifiable et en sesoumettant, par l'expérience, à des falsifications possibles, une théorie scientifique éprouve sa validité.

Les théorieserronées sont abandonnées peu à peu et la science tend vers une certaine vérité, qui procède par élimination del'erreur à l'infini.

La science peut bien prétendre à une vérité, redéfinie comme un ensemble de propositionsfalsifiables non encore falsifiées.

Au contraire, le mythe ou les théories absolument englobantes (ex: lapsychanalyse) ne peuvent prétendre à aucune vérité.

Nous pouvons donc affirmer, finalement, que la science interprète.

Mais l'interprétation scientifique possèdecertaines spécificités qui lui permettent de ne pas perdre de vue l'exigence de vérité, et qui la différencie desinterprétations purement subjectives ou mythiques.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles