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Peut-on désirer volontairement la servitude ?

Publié le 29/10/2009

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Voici un sujet où le candidat devra prendre garde à ne pas se laisser dérouter par les termes de l'intitulé. Si la notion de servitude en elle-même appelle peu de commentaires (elle résulte de la relation maître-esclave), le terme de « volontaire « doit être examiné avec plus de soin à cause d'une ambiguïté. Il faut bien distinguer le sens de « volontaire « de celui de l'adjectif « libre «. En effet, une servitude volontaire se distingue d'une servitude libre. Volontaire signifie librement choisi en vue de la poursuite de certaines fins. • Bien évidemment, le sujet pose un problème dû à la contradiction flagrante des termes « servitude « et « volontaire« : la notion de servitude volontaire a-t-elle un sens? • Le plan que l'on peut recommander ici est un plan progressif se développant par la recherche des différents maîtres possibles : • Maître extérieur agissant par violence. • Maître intérieur; - la peur de la mort; - la peur de la liberté.

Cette recherche conduit à la racine même d'une servitude volontaire (création de l'image intérieure du maître par le dressage éducatif) et aboutit à répondre oui à la fois à la question et au problème posés. • Pour traiter convenablement ce devoir, la connaissance de certaines théories (en particulier celle de Freud) est pratiquement indispensable.

« misérablement asservis à un joug, sans y être contraints par une force majeure.

Le tyran peut être défait si l'on nelui donne rien.En résumé, l'explication de la dépendance à partir de la contrainte ou de la violence ne saurait être totalementexplicative, dans la mesure où la relation «dominant-dominé », « maître-esclave » ne tient bien souvent que par leconsentement de l'esclave.

Un noyau irréductible de mystère demeure au sein de multiples dépendances physiques. B) La servitude par peur a) La peur de la mort.Si la servitude par contrainte ou violence nous renvoie ainsi à un certain type de servitude volontaire parconsentement, ne peut-on toutefois déceler un noyau plus profond de servitude où nulle volonté ne semanifesterait, où la peur de la mort, la crainte du risque, seraient les moteurs de la servitude?Considérons ainsi un combat de type hégélien où les deux combattants réagiraient fort différemment face au risquede mort : l'un assumerait le risque jusqu'à s'élever au-dessus de la vie, le second préférerait la servitude et l'étatd'esclave à la mort en tant que telle.

Ici, la servitude relève par conséquent du simple vouloir-vivre organiqueincapable de se détacher de la vie.

L'esclave, rejetant la mort, est celui qui préfère la simple continuation biologiqueà la mort dans la liberté.

Quant au maître, il représente celui qui brave la mort.

Qu'est-ce donc que la servitude? Lefruit d'un combat où l'un des combattants ne sait pas s'élever au-dessus de la vie.

Ce serait la peur de la mort quiexpliquerait la servitude.Or, il est clair que la détresse de l'esclave devant la mort renvoie à un débat primordial en l'homme, à un dialogue del'homme avec lui-même, débat et dialogue où la mort est intériorisée comme le maître absolu.

La partie pensante del'homme fuit devant le maître suprême qu'est la mort et la servitude par peur se dévoile finalement comme servitudequasi volontaire devant soi-même.La servitude par peur de la mort se ramène donc à une fuite devant un maître qui est en nous, à une soumissionprogressive à ce maître.

En somme, la relation maître-esclave n'est nullement celle de deux termes séparés : elle estintérieure au même agent et procède de lui.

Le sujet se dédouble et s'oppose à soi-même.

C'est à son soi dédoubléqu'il est profondément et délibérément asservi.

Son propre tyran, c'est lui-même, et c'est pourquoi il y a bel et bienservitude volontaire. b) La peur de la liberté.Peut-on aboutir aux mêmes conclusions si nous envisageons la servitude par peur de la liberté (et non plus par peurde la mort)? Cette situation de servitude par peur de la liberté est tout à fait courante.

Beaucoup d'individus restentmineurs toute leur existence durant et obéissent à d'autres hommes parce qu'ils ne supportent pas d'être majeurs.Incapables de se diriger eux-mêmes, préférant soumettre leurs actes aux directives d'autres hommes, ils sont serfspar peur de la liberté.

Ici l'angoisse devant la responsabilité aboutit à un état de servitude par choix délibéré.

Kantfaisait référence à cette « minorité » existentielle quand il écrivait : la paresse et la lâcheté sont les causes quiexpliquent qu'un grand nombre d'hommes, après que la nature les a affranchis d'une direction étrangère, restentcependant mineurs toute leur vie durant.

Ainsi les dominés sont-ils alors dépendants du maître dans la mesure où ilsn'ont pas le courage de se faire responsables de leurs actes.

Il est clair qu'ici encore la servitude est volontaire,puisque le maître est dans l'esclave, le dominant dans le dominé.Ainsi, en procédant par paliers, de la servitude par contrainte physique à la servitude par peur de la mort, jusqu'à laservitude par peur de la liberté, on décèle de plus en plus profondément en l'homme une servitude volontaire oùl'homme se dédouble lui-même en maître et esclave.Si tel est le drame qui se vit et se joue, il reste à creuser plus profondément la servitude volontaire. C) La servitude volontaire. Il existe donc un noyau irréductible de servitude volontaire au sens strict du terme, même au sein de la servitudepar contrainte et de la servitude par peur.

Ce qui se dessine, c'est incontestablement une obéissance et unassujettissement intérieurs à un agent et à une figure du maître.

La relation maître-esclave est voulue délibérément,mais cette relation n'est point tant externe qu'interne.

Elle se dévoile comme opération où l'agent se dédouble ets'oppose, la figure de l'esclave consentant délibérément à se soumettre à l'instance du maître.

Les causessupposées naturelles de la servitude, contrainte, violence, lâcheté, craintes diverses, renvoient toutes à laservitude volontaire, qui se dévoile à travers elles.

A la question « Y a-t-il une servitude volontaire? » nousrépondrons donc que (presque) toute servitude l'est.Quel est son noyau psychologique et quel en est le ressort? A quoi tient l'étrange dédoublement qui se produit ets'effectue? Manifestement, dans la servitude volontaire, il y a bel et bien un choix délibéré et un consentement.

Seproduit un consentement (libre et réfléchi) du dominé à sa domination.

L'esclave apporte son consentement aumaître.

Ce consentement (tacite ou non) est profond et forme un des noyaux psychologiques de la servitudevolontaire.

Obéissant à la figure (interne) du maître, l'esclave est en secrète complicité avec le maître (externe).Mais d'où provient ce consentement tacite, sinon de l'assujettissement de l'enfant à la loi? Parce que nous avonsété enfant avant d'être homme, nous avons été éduqués, soumis à la loi parentale, donc rendus dociles et adaptésà un ordre autoritaire.

Par conséquent, la loi répressive et le dressage éducatif semblent rendre compte de laparadoxale servitude volontaire.

La loi (éducative) interdit et prohibe.

Menacé par la rigueur de la loi, le désir reçoitl'amour en récompense de son refoulement.

La servitude volontaire ne fait que réitérer et répéter cette situationinitiale sur laquelle Freud et Reich jettent la seule lumière possible.

Le dressage éducatif rend compte de la servitudevolontaire et de ses paradoxes. 3° Conclusion. »

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