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Peut-on, au nom de la morale, condamner un artiste pour l'une de ses oeuvres ?

Publié le 17/08/2009

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morale

Peut-on, au nom de la morale, condamner un artiste pour l'une de ses oeuvres ?

En nous demandant si au nom de la morale il est possible de condamner un artiste pour l’une de ses œuvres, il peut nous sembler que la réponse est oui. En effet, il se peut que l’œuvre de l’artiste présente un discours corrupteur pour ceux qui s’en font les récepteurs, promulguant des idées contraires aux bonnes mœurs et dangereuses pour les particuliers. Cependant, nous pouvons nous demander si une telle thèse n’est pas en vérité intenable pour plusieurs raisons : d’une part parce qu’elle implique l’existence de mœurs dont la définition stable fournit une pierre de touche pour condamner tous ceux qui s’en font les infracteurs, en paroles ou en actes (or une telle définition de la morale est incertaine) ; et d’autre part, parce qu’elle confond la personne de l’artiste avec son œuvre, punissant l’un pour le discours tenu par l’autre (or il y a lieu de distinguer rigoureusement l’artiste de ses œuvres). Nous nous demanderons donc dans un dernier temps si loin de condamner au nom de la morale un artiste pour l’une de ses œuvres, il ne faut pas reconnaitre dans toute œuvre d’art l’objectivation des mœurs de l’époque dans laquelle elle s’inscrit. 

morale

« tenir un discours contraire à la morale et donc à la société que cette dernière s'efforce de préserver.

b.

L'artiste est responsable pour ses œuvres, et donc devant le tribunal de la morale A présent que nous avons reconnu la capacité de l'œuvre d'art à corrompre les mœurs de ses lecteurs ouspectateurs, nous en viendrons à dire qu'effectivement, on peut au nom de la morale condamner un artiste pourl'une de ses œuvres et ce, pour de nombreuses raisons.

Premièrement, l'œuvre d'art étant l'objectivation del'intériorité de l'artiste, nous pouvons accepter l'idée que l'artiste possède sans doute les mêmes vices que ceuxdont il a paré son œuvre.

Ainsi, condamner l'artiste pour son œuvre, c'est condamner celui qui a les penchantsdésastreux que l'on reconnait dans sa création.

D'autre part, si l'on reconnait que l'œuvre est corruptrice pour lesmœurs, qu'elle a commis un dommage, alors il faut condamner celui qui est responsable de ces dégâts.

Or, quid'autre à part l'artiste qui a conçu puis réalisé l'œuvre a engagé sa responsabilité ? L'artiste est condamnable aunom de la morale pour l'une de ses œuvres, car il est la cause première de l'influence corruptrice que son œuvreexerce.

Voici, en substance, l'argumentaire du substitut Pinard qui intenta deux procès célèbres au XIXe siècle àdes artistes dont les œuvres étaient contraires à la morale : Baudelaire pour Les fleurs du mal , et Flaubert pour Madame Bovary . II.

Non, l'artiste n'est pas condamnable au nom de la morale pour l'une de ses œuvres car l'artisteest distinct de son œuvre et la morale diverse a.

L'artiste est individu mouvant et clivé Cependant, il est tout à fait impossible d'en rester à une telle thèse.

En effet, nous tendrons à montrer ici quel'artiste n'est nullement condamnable au nom de ses œuvres, pour la bonne raison que l'artiste se distingueradicalement de ces dernières.

Il faut pour le montrer en revenir à Proust qui le premier a exprimé l'idée d'un clivageradical entre le moi artistique et le moi social.

Telle est la thèse qu'il défend dans son Contre Sainte Beuve : « [La méthode de Sainte Beuve] méconnait ce qu'une fréquentation un peu profonde avec nous-mêmes nous apprend : qu'un livre est produit d'un autre moi que celui que nous manifestons dans nos habitudes, dans lasociété, dans nos vices.

Ce moi-là, si nous voulons essayer de le comprendre, c'est au fond de nous-mêmes, enessayant de le recréer en nous, que nous pouvons y parvenir.

Rien ne peut nous dispenser de cet effort de notrecœur.

Cette vérité, il nous faut la faire de toutes pièces et il est trop facile de croire qu'elle nous arrivera, un beaumatin, dans notre courrier, sous forme d'une lettre inédite, qu'un bibliothécaire de nos amis nous communiquera,ou que nous recueillerons de la bouche de quelqu'un, qui a beaucoup connu l'auteur ». Nous pouvons dire qu'il est impossible de condamner un artiste pour l'une de ses œuvres, car celle-ci émane d'unautre moi que le moi social qui serait affecté par la condamnation.

Cela reviendrait, en quelque sorte, à condamnerle frère d'un criminel plutôt que le criminel lui-même.

Mais allant plus loin, il faut bien voir que la pensée d'un artisteévolue au fil de ses œuvres : la pensée du premier Sartre est infiniment différente (a politique, aristocratique,individualiste) du dernier Sartre, apôtre de la révolution communiste.

Nous dirons donc qu'il est impossible decondamner justement un artiste pour l'une de ses œuvres.

b.

La morale n'incarne pas une norme fixe Mais nous en viendrons à la même conclusion si, délaissant l'artiste lui-même, nous nous intéressons désormais à lamorale.

Celle-ci n'est pas univoque et éternelle.

En effet, nous pouvons voir que ce que nous appelons hautement« la morale », comme s'il n'y en avait qu'une, toujours semblable à elle-même, est en vérité une parole mouvante etcontradictoire, évolutive, sur ce qu'il est juste ou non de faire.

Nous pouvons à ce titre croire en ce que l'on nommele relativisme moral.

Par relativisme moral, on parle de la pluralité des opinions, contradictoires souvent, sur lesmêmes objets.

Il se peut en effet que ce que nous appelons crime en France, aujourd'hui, ne soit pas considérécomme tel à l'étranger ou à une autre époque.

Personne mieux que le marquis de Sade n'a théorisé la diversité desopinions morales.

Voici ce que l'un des personnages du roman libertin intitulé Histoire de Juliette déclare à ce sujet : « On appelle crime, toute contravention formelle, soit fortuite, soit préméditée, à ce que les hommes appellent leslois ; d'où, tu vois que voilà encore un mot arbitraire et insignifiant ; car, les lois sont relatives aux mœurs, aux. »

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