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Parler n'est-ce que communiquer ?

Publié le 22/02/2012

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Communiquer est la chose la plus répandue du monde : nous communiquons pour exprimer nos émotions, nos sentiments, nos opinions, pour échanger des idées, mais aussi pour ordonner, pour expliquer pour persuader, pour nouer du lien social. Et pour communiquer, nous nous servons d'un outil : le langage. Mais le langage sert-il qu'à communiquer ? Cette question nous confronte au problème suivant : faut-il réduire le langage à un simple outil de communication ou bien considérer qu'il remplit d'autres fonctions, moins évidentes mais aussi plus fondamentales ? Nous montrerons, dans un premier temps, que le langage sert bien à communiquer : c'est là une évidence d'opinion dont nous montrerons qu'elle cache une définition très large du langage et qu'elle peut donner lieu à deux réductions contestables. La première, que nous réfuterons dans la seconde partie, consiste à identifier langage et communication : contre cette première réduction, nous montrerons qu'il peut y avoir communication sans langage. La seconde réduction, que nous réfuterons dans la troisième partie de notre devoir, consiste à identifier le langage à un outil de communication ; nous montrerons qu'il n'en est rien puisque le langage joue un rôle beaucoup plus fondamental : il permet l'éveil de la conscience et constitue le socle de la culture.

« effet une pensée capable de les problématiser pour en saisir le sens.

Il est possible de formuler la même idée en cestermes : seuls les être pensants peuvent accéder au statut de « parlêtres ».On peut communiquer à partir d'une langue, et cette prérogative est « réservée » aux seuls parlêtres.

On ne sauraittoutefois en conclure que seuls les parlêtres communiquent.

On peut en effet utiliser, pour communiquer, des codesd'une autre nature, c'est-à-dire des référentiels infralinguistiques, qui ne requièrent aucunement la présence de lapensée.

Ces codes ne sont pas des langues, mais des juxtapositions de signaux.

Ainsi le code de la route n'est-ilpas une langue à proprement parler, mais un code de signaux.

Tel est le cas, également, des codes decommunication animale.

Le signal, à la différence du signe, est univoque : il ne s'inscrit dans aucun réseau, il nes'articule pas à d'autres signaux, mais ne présente « à l'infinitif », sans connexions collatérales.

Autrecaractéristique, notable, du signal : il agit comme un stimulus, déclanchant chez le destinataire une réaction neuro-motrice stéréotypée et automatique.

La communication ne requiert donc pas la présence d'une pensée, ni du côtédu destinateur, ni du côté du destinataire : elle nécessite seulement la présence d'un corps capable de réagir à unstimulus.

Ainsi une machine peut-elle communiquer à partir d'un tel code.

Il en va de même pour l'animal.

Lacommunication infralinguistique, comme le souligne Descartes dans sa Lettre au marquis de Newcastle, passe par leseul circuit corporel : qu'il soit déclenché par un stimulus organique interne (d'un prédateur menaçant, par exemple),le signal renvoie toujours à un mécanisme corporel, il émane du corps et non de la pensée. Le langage est bien un outil de communication.

Lorsqu'elle passe par le langage, la communication est alors denature linguistique : elle a pour support une langue qui se présente comme un système organisé de signes, dont lesparlêtres peuvent s'emparer pour produire des énoncés imprévisibles.

Mais le langage n'est pas le seul outil decommunication : il faut distinguer le langage des codes de signaux à partir desquels les animaux communiquent.Reste à réfuter la seconde idée que le sens commun tire l'évidence d'opinion selon la quelle le langage sert àcommuniquer : de même que le langage n'est pas le seul outil de communication, il ne saurait se réduire à un outil decommunication. De l'évidence d'opinion dont nous sommes partis (le langage sert à communiquer), nous sommes arrivés à la thèsesuivante : le langage constitue le principal outil de communication entre les parlêtres.

La communication est bien lafonction la plus évidente du langage.

La communication linguistique peut servir de multiples fins.

Elle peut être miseau service des impératifs du corps biologique (desbesoins), mais également du désir : du désir de beauté (fonction « poétique » du langage), de savoir, de justice, desacre, etc… La communication par le langage peut aussi n'avoir pour seule finalité qu'elle-même : on peut parlerpour ne rien dire, ou à cette fin minimale de produire du lien social (fonction « phatique » du langage).

Le langageest, par ailleurs, l'outil de communication le plus économique, comme le remarque Emile Benveniste dans Problèmesde linguistique générale : il nécessite peu d'effort musculaire, il peut se passer de l'appareil phonatoire (écriture), ilne requiert pas nécessairement la présence physique des interlocuteurs (la distance spatiale ou temporelle qui lessépare n'invalide pas la possibilité de communication).Toutefois, le langage ne se réduit pas à cette fonction.

Il joue un rôle beaucoup plus invisible.

A ce titre, le langageest moins un « outil » qu'une structure, qu'une condition de possibilité à partir de laquelle on peut déduire un certainnombre de notions.

En premier lieu, le langage rend possible l'éveil de la conscience.

La conscience est un effet del'accès langage.

Être conscient c'est en effet être capable de poser le réel en extériorité, d'instaurer un rapportdistancié au réel, autrement dit, de l »objectaliser ».

Or cette « objectalisation » du réel est un effet du signelinguistique.

C'est à partir du moment où l'enfant désigne un réel au moyen d'un signifiant linguistique qu'il accède àla reconnaissance et à la « conscience » de l'objet.

Il pourra, à partir le là, le connaître.

La connaissance, toutcomme le reconnaissance de l'objet, est un effet du langage : connaître c'est décliner les qualités de l'objet en luiattribuant des prédicats (l'escargot est gastéropode, hermaphrodite, etc…).

Cette thèse vaut également pour leMoi.

A partir du moment où l'enfant dit « je », il accède à la conscience de soi : il se perçoit alors comme un individuà part entière et peut se prendre lui-même comme sujet d'investigation.De même que le langage est à l'origine de la conscience individuelle, il est à l'origine de la culture.

Il constitue un «opérateur de séparation » entre la nature et la culture, entre le monde animal et le monde humain.

C'estl'anthropologue C.

Lévi-Strauss qui nous fournit le premier argument pour étayer cette thèse.

La culture commenceavec l'interdit de l'inceste.

Cela signifie tout simplement qu'il n'y a pas de culture sans interdit qui « vectorise » lescorps en leur assignat une place au sein d'un système généalogique.

Mais l'interdit de l'inceste n'est pas une loinaturelle : tout interdit relève d'une autre figure de la loi, sa figure juridique.

Or, pour que la loi juridique soitpossible, un acte de nature linguistique est nécessaire : interdire suppose un « dire », c'est-à-dire un énoncé denature linguistique.

Le langage peut donc être considéré comme le socle de la culture.

La culture est en effet unensemble d'œuvres symboliques, consignées dans de la matière signifiante linguistique : les techniques, lescroyances, les lois, les mœurs, les savoirs, tous ces produits de la pensée humaine ont pour support le langage.

Elleconstituent donc autant de traces symboliques qui permettent à une culture de se conserver malgré la disparitionde ses sociétaires : à partir de ces traces, l'historien peut en effet enquêter sur une culture disparue (la culturelatine par exemple) pour en restituer les principales dimensions (son modèle politique, ses croyances religieuses, lesévènements majeurs qui ont marqué son histoire, etc…).

C'est également grâce au langage qu'une culture setransmet de génération en génération.

La culture se transmet en effet par la voie éducative.

Or qu'est-ce quel'éducation, si ce n'est la mise en relation de deux parlêtres, un maître et un élève capables de communiquer à partird'un même référentiel linguistique ? La puissance du maître réside ainsi dans sa capacité à expliquer des savoirs àl'élève afin de les lui transmettre, celle de l'élève consistant à comprendre les explications du maître pour accéder àleur maîtrise.

Explication et compréhension : ces deux capacités supposent et requièrent le langage.. »

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