Devoir de Philosophie

N'y a-t-il rien de beau que le vrai ?

Publié le 16/12/2009

Extrait du document

Mais notre sujet s’intéresse aussi au concept de la Vérité : synonyme de la Raison et de la Sagesse.

Pour Platon, la raison, c’est s’élever du point de vue particulier au point de vue universel, tandis que pour Descartes, la raison, c’est pouvoir distinguer le vrai du faux. Ces deux définitions montrent deux points de vue différents, mais qui se rejoignent : la Vérité doit être universelle et rationnelle. Ces deux concepts ne s’appliquent néanmoins pas à la Beauté, et c’est justement pour cette raison que notre sujet est intéressant. « Rien n’est beau que le vrai « implique une relation « vitale «, essentielle, sans laquelle l’un ne pourrait exister sans l’autre : tout ce qui est beau est-il vrai ? Mais surtout, tout ce qui est vrai est-il beau ?

« "Rien n'est beau que le vrai" (Boileau) "Rien n'est beau que le vrai : le vrai seul est aimable / Il doit régner partout, et même dans la fable/ De toute fiction l'adroite fausseté / Ne tend qu'à faire aux yeux briller la vérité".

C'est ainsi que commence le neuvième épître de Nicolas Boileau, écrivain français du XVII ème siècle. Contrairement à cette négation exceptive sonnant comme une affirmation péremptoire, tout l'enjeu de notre étude sera de trouver les limites de ceproblème : le terme "rien" ici, appelle à une certaine universalité des concepts de beauté et de vérité, mais la beauté est-elle vraiment quelque chosed'universel ? L'idée de vérité, qui induit celles de la Raison, de la Sagesse et de l'universalité, nous amène à nous poser une question fondamentale : le beauet le vrai sont-ils des symboles de la raison ?Nous allons donc essayer de définir les enjeux et les limites de ce sujet, en nous interrogeant d'une part sur l'universalité de la beauté; et d'autre part,sur le Beau et le Vrai comme symboles de la Raison.

De par son essence même, la Vérité est universelle, mais qu'en est-il de la beauté ?Selon Kant, philosophe allemand du XVIII ème siècle, "est beau ce qui plaît universellement et sans concept" : dès que l'on porte un jugement sur des objets uniquement d'après des concepts, on perd cette caractéristique d'universalité, puisque les concepts induisent indubitablement une certaine opinionpersonnelle, un point de vue plus ou moins particulier.Pour pouvoir concilier beauté et universalité, Kant évoque l'idée de "communicabilité" : cette notion est la modalité de l'Universel sans concept.

La"communicabilité" de Kant est le principe de partage d'idées, de goûts et d'émotions; et en les communiquant et les partageant, les hommes pourront alorsatteindre une certaine universalité de la Beauté et du Beau.Dans son Introduction à l'esthétique , Hegel écrit "le sentiment du beau est subjectif.

Ce n'est pas pour autant qu'il ne touche pas à l'universel (...) [l'oeuvre d'art] peut plaire à tout les hommes, pourvu que leur goût ait été éduqué.

L'art vise à exprimer, sous forme sensible, des invariants humains que lediscours rationnel n'est pas parvenu à formuler".

Pour Hegel, donc, le beau est à la fois subjectif et universel : ces deux notions, qui semblent antithétiques,coexistent dans le beau.

L'idée du beau et de la Beauté sont donc complexes à cerner : l'art n'est-il pas une « finalité sans fin », selon les mots de Kant ?Mais un autre problème se pose alors : cette notion si complexe qu'est la beauté ne serait pas, finalement, une imposture ? Dans Positions anti-culturelles , le peintre français Jean Dubuffet s'interroge sur la possible « imposture » de le beauté : « une explication donnée à cette incertitude est que la beauté, touten existant à coup sûr, est dérobée aux yeux de beaucoup de personnes.

Le discernement de la beauté nécessiterait un sens spécial, dont beaucoup neseraient pas dotés (...) S'il [l'Occident] prenait conscience que n'importe quel objet du monde est apte à constituer pour quiconque une base de fascinationet d'illumination, il ferait là une meilleure prise ».

Tout en posant la question d'une universalité de la Beauté, Dubuffet s'interroge non seulement sur laréalité de la Beauté, mais aussi sur la transcendance temporelle (« La culture d'Occident à chaque nouveau siècle proclame beau ce qui était proclamé laidau siècle précédent »).

Pour Dubuffet, la Beauté n'est donc pas universelle, elle est propre à chacun, se renouvelle de jour en jour, d'année en année.Dès l'Antiquité, les philosophes s'interrogent sur le beau, en essayant de le définir et d'en trouver au moins les limites : Platon, dans Hippias Majeur , retranscrit le dialogue entre Hippias (célèbre sophiste) et Socrate (philosophe grec et maître de Platon) dont le sujet est le beau.

Ils s'attachent à trouverune définition au « beau », et vont échouer en raison de leur incapacité à formuler une réponse qui englobe ce concept dans sa totalité.

Hippias propose troisréponses, toutes trois rejetées pas Socrate : le beau n'est ni une belle fille (car le beau serait ce qui ne convient qu'à Hippias), le beau ce n'est pas non plusl'or (le beau ne serait alors que l'utile appliqué à de bonnes fins, en un mot, ce serait l'avantageux), et le beau n'est pas non plus la richesse ni l'honneur.Kant, Hegel, Dubuffet et Platon mettent bien en relief la tension entre singulier et universel, tension au coeur de notre sujet.

Mais notre sujet s'intéresse aussi au concept de la Vérité : synonyme de la Raison et de la Sagesse.Pour Platon, la raison, c'est s'élever du point de vue particulier au point de vue universel, tandis que pour Descartes, la raison, c'est pouvoir distinguer levrai du faux.

Ces deux définitions montrent deux points de vue différents, mais qui se rejoignent : la Vérité doit être universelle et rationnelle.

Ces deuxconcepts ne s'appliquent néanmoins pas à la Beauté, et c'est justement pour cette raison que notre sujet est intéressant.

« Rien n'est beau que le vrai »implique une relation « vitale », essentielle, sans laquelle l'un ne pourrait exister sans l'autre : tout ce qui est beau est-il vrai ? Mais surtout, tout ce qui estvrai est-il beau ?Ces questions nous rappellent à la fois le dialogue entre Socrate et Diotime, au cours duquel cette dernière demande à Socrate : « Crois-tu que ce quin'est pas beau doive forcément être laid ? ».

Cette question, sorte de compromis au sujet qui nous intéresse, n'est pas sans nous rappeler Le Sophiste de Platon, dialogue entre Théétète et un Étranger, dont le but sera de trouver une définition du sophiste, « animal » difficile à cerner.Dans l'extrait 257c-257e, on peut lire : « admettons seulement que « non » ou « ne pas » placés devant les noms qui suivent indiquent quelque chose dedifférent de ces noms, ou, davantage, différent des choses en fonction desquelles ont été établis les noms émis après la négation (...) [une partie de l'autreopposée au beau] c'est ce que nous appelons « non beau », qui n'est autre chose que ce qui est différent de la nature du beau.

»Dans un autre discours de Platon, Phèdre (ou « De la beauté des Âmes » - titre déjà assez évocateur), Socrate explique, dans son second discours : « le délire est vraiment beau (...) au témoignage des Anciens, le délire l'emporte en beauté sur la sagesse ».

C es derniers mots sont très importants, car ilsamènent de nouvelles perspectives : la sagesse est certes belle, mais elle n'est pas LA Beauté; la sagesse et la Vérité ne constituent pas l'essence de laBeauté.

Ainsi, cette phrase de Boileau est beaucoup plus complexe qu'il n'y parait au premier abord : impliquant les concepts de Beauté et de Vérité, d'Universalité et de Raison, ce sujet recentre les limites de la relation entre Beauté et Vérité, sorte d'interconnexion qui est au centre de nombreusesthèses de philosophes tel qu'Ovide, qui, à travers le mythe de Pygmalion, nous expose une problématique essentielle dans l'art : l'art imite-t-il la nature ouproduit-il une autre réalité ?. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles