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N'y a-t-il de compréhension de l'homme que par les sciences humaines ?

Publié le 27/02/2008

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N'y a-t-il de compréhension de l'homme que par les sciences humaines ?

• La formation des sciences humaines nourrissait l'espoir de parvenir à connaître scientifiquement l'être humain. Puisque la philosophie a la réputation de se contredire interminablement, n'allait-on pas enfin pouvoir, grâce à ces nouvelles sciences, établir un savoir positif sur l'homme ? Pourtant, cette positivité des sciences humaines n'est-elle pas limitée ? Expliquer n'est pas comprendre. Ne pourrait-on pas faire le voeu d'une compréhension plus intime de l'individu ?

« • Bien avant l'apparition officielle des sciences humaines, Kant a marqué les limites d'un savoir scientifique que l'on prétend appliquer à l'homme.

Opérant une distinction fondamentale, dansl'être humain, entre le caractère empirique (soumis à diverses causalités et entant que tel scientifiquement observable et explicable) et le caractèrerationnel (qui définit les lois auxquelles il obéit, et notamment celles de lamoralité), Kant signale que le premier pourra sans doute être analysé entermes de causalité et de déterminisme comme tout phénomène de la nature,mais que, pour ce qui est du second, on doit commencer par constater que laraison, dans l'homme, n'obéit à rien d'autre qu'elle-même : il devient enconséquence illusoire de prétendre aborder scientifiquement l'homme dans satotalité.• On doit en conséquence, toujours selon Kant, distinguer deux niveauxd'anthropologie : l'une, dite « pragmatique », concerne le caractère empiriqueet peut avoir un aspect scientifique, mais la seconde, dite « philosophique »,est consacrée au caractère rationnel et suppose l'élaboration d'une théorie dela sagesse qui ne peut évidemment plus rien avoir de scientifique.• Cette distinction kantienne a valeur d'avertissement, mais on pourrait à larigueur penser que, précisément, les efforts de compréhension que déploientles sciences humaines en tiennent compte, dès lors qu'elles ne prétendentplus enserrer l'homme dans une explication ni dans le déterminisme.

Restecependant à vérifier, pour répondre complètement à Kant, qu'elles constituentbien une véritable anthropologie.• Or on rencontre ici de nouvelles difficultés, tenant à la fois à l'hétérogénéitédes méthodes particulières des sciences humaines et à la multiplicité des disciplines en cause.

Il est en effetpossible de s'interroger, comme l'a fait Georges Canguilhem, sur la prétendue « unité » de la psychologie, qui semblebien, dans ses diverses tendances, se référer non seulement à des méthodes très différentes, mais aussi — ce quiest sans doute plus grave — à des valeurs peu compatibles.

On peut de la même façon s'interroger sur l'unité duchamp que cherchent à couvrir l'histoire, la sociologie ou l'ethnologie.

À cette première difficulté vient s'en ajouterune seconde, également sérieuse, qui tient à la multiplication croissante des disciplines elles-mêmes : par exemple,évoquer globalement l'ethnologie n'a pas grande signification, puisqu'il s'agit d'un ensemble de recherches dont lesdomaines sont étonnamment variés — des sociétés « primitives » ou traditionnelles aux groupes urbains, de lapaysannerie classique à la population des banlieues, etc.• Cette multiplication des disciplines s'accompagne nécessairement d'un découpage de plus en plus prononcé de «l'homme » : chaque discipline en étudie, ou en « comprend » si l'on veut, une facette mais se pose le problème del'unification ou de la synthèse de toutes ces analyses.• Or on constate que, lorsqu'il s'agit de procéder à une telle synthèse, les sciences humaines en viennent à sedisputer la première place.

À la fin des années 1920, l'école des Annales affirme ainsi que c'est l'histoire qui est seulecapable d'utiliser les renseignements venus des autres disciplines pour constituer une approche globale de l'homme.Mais cette prééminence ne tarde pas à lui être contestée, soit^par un sociologisme d'inspiration marxiste, soit par lapsychanalyse, quand ce n'est pas par la linguistique structurale ou la sémiotique...

Il apparaît ainsi que la synthèsedes recherches est inlassablement différée, ne serait-ce qu'en raison de cette concurrence entre les « sciences »qui prétendent comprendre l'homme.

En fait, on s'aperçoit que ce dernier est introuvable ; on n'en repère que desaspects partiels, dont l'addition semble impossible. III.

La nécessité de l'approche philosophique • C'est pourquoi, puisque les sciences humaines reconnaissent elles-mêmes que l'homme est un « objet » trèsparticulier dans la mesure où il vit dans un univers de significations et de valeurs qu'il n'en finit pas de produire et demodifier, on peut admettre que sa compréhension la plus profonde ne peut être que celle qui tient compte enpriorité de ces significations et de ces valeurs.• Or, le discours capable de prendre en compte de telles significations ou valeurs est et reste le discoursphilosophique.

Non que la réflexion sur les valeurs soit par définition la spécialité de la philosophie, ou qu'elle s'ytrouve même prioritaire, mais plus globalement parce que, en s'interrogeant sur la totalité (sur l'être), la philosophieintègre l'existence de l'homme dans un questionnement la reliant à tout ce avec quoi elle est en relation : nonseulement le monde extérieur et la nature, mais l'autre et la société, la temporalité et la situation dans l'espace,etc.

Ainsi, une anthropologie philosophique s'esquisse dès que l'on s'interroge sur la signification de l'existencehumaine — comme le fait par exemple Georges Bataille — alors que cette interrogation globalisante reste hors deportée des sciences humaines.• C'est de surcroît parce que chaque philosophe participe, par définition, de l'homme ou de l'humanité en général,qu'il est immédiatement de plain-pied avec les problèmes d'interprétation de l'homme.

On dira que, bien entendu, lesociologue ou l'historien est aussi un homme et que, en conséquence, il devrait de la même façon être en prisedirecte sur l'interprétation des situations humaines.

Mais ce qui distingue le philosophe du spécialiste en scienceshumaines, c'est qu'il n'est pas animé par une volonté de scientificité et que, au heu de commencer par définir —toujours de l'extérieur pour présenter le plus de garantie possible en matière d'objectivité — Un « objet homme », ils'immerge au contraire totalement dans l'universalité de l'humain sans chercher à s'en extraire si peu que ce soit. Conclusion • Parallèlement à sa signification méthodologique, le terme « compréhension » oriente vers la capacité à considérer. »

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