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Nos pensées passent-elles nécessairement par le langage pour s'exprimer ?

Publié le 27/02/2008

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DIRECTIONS DE RECHERCHE • Bien distinguer pensée « conceptuelle » et pensée « non conceptuelle ». En ce qui concerne la pensée conceptuelle, consulter notamment Discours sur l'origine de l'inégalité de Rousseau (première partie). • Peut-on concevoir des « systèmes de signes distincts correspondant à des idées distinctes » indépendants des langues ? Roland Barthes en doute : « II paraît de plus en plus difficile de concevoir un système d'images ou d'objets dont les signifiés puissent exister en dehors du langage : percevoir ce qu'une substance signifie, c'est fatalement recourir au découpage de la langue : il n'y a de sens que nommé, et le monde des signifiés n'est autre que celui du langage. » Extrait de : Degré zéro de l'écriture, p. 80. Pourtant ne peut-on constater que les hommes sont capables de constituer des « systèmes de signes » qui ne comportent pas nécessairement les deux articulations ni le caractère vocal spécifique des langues humaines (ces systèmes de signes étant le produit de la fonction symbolique ou fonction sémiotique)! • N'est-il pas aisé d'admettre qu'il existe des messages qui ne s'articulent pas en unités linguistiques : le meilleur de la production artistique par exemple (même s'il reste à voir, ici, si l'on a affaire à « des systèmes de signes »)? • De façon générale toute communication peut-elle être réduite à une communication linguistique ou de « type » linguistique ?
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« passe du langage en contemplant les réalités (et cependant si chez Platon le langage n'est qu'un moyen, il fautremarquer combien les subtiles analyses de termes et de concepts auxquelles il procède se passent souvent dans lechamp clos du langage).

De toute façon, Platon est en réaction contre les Sophistes chez qui le langage prime lapensée vraie.

Bien plus tard, Bergson privilégie aussi la pensée (antérieure, selon lui, au langage) mais va plus loin en faisant du langage ce qui la déforme par la simplification qu'il impose au réel.Il est vrai que, comme il le fait remarquer, le caractère arbitraire du langage faitque nous ne pouvons trouver les mots pour exprimer nos idées (d'où le terme d'« indicible »), et qu'à ce moment-là le langage trahit la pensée. Le langage sert à chaque individu pour trouver son rôle et sa place dans lasociété.

Les signes du langage sont à la fois généraux et mobiles.

Ils permettentaux objets de passer de l'ombre à la lumière, ils les font devenir choses.

Maispratiquant le langage, l'intelligence applique des formes qui sont celles-mêmesde la matière inorganisée.

Le langage pétrifie le monde, le durcit en le découpanten fonction de nos besoins et de nos habitudes.

De par sa généralité, il use desmêmes vocables, pour ce qui, chez chacun, est pourtant un état psychologiqueou un sentiment unique.

Chacun de nous a sa manière propre d'aimer et de haïr,et pourtant, nous sommes obligés de parler tous le même langage.

Il ne peutdonc que fixer l'aspect objectif et impersonnel de l'amour, ou de tout sentimentqui nous traverse.

La pensée authentique demeure donc incommensurable aulangage, dans lequel nous associons nos idées en les juxtaposant les unes auxautres, sans pouvoir exprimer leur compénétration ni leur lien intime.

Alors queles idées s'engendrent les unes des autres de manière vivante, le langage nepeutfaire autrement que les accoler les unes derrière les autres.

A l'égard du monde, les mots sont comme des étiquettes que l'on collerait sur les objets, et qui tout en les nommant, les dissimulent.Tous les mots, à l'exception des noms propres désignent des genres, soit des généralités. Mais cependant pour s'exprimer la pensée doit « passer par quelque chose », la « pensée à l'état pur » n'étant à lalimite plus qu'une faculté inactive, comment donc l'exprimer? Cela ne peut se faire qu'à travers des valeurs qui ne «passent » pas le langage : Bergson (proche au moins en cela de Heidegger) privilégie l'intuition qui nous permetd'entrer directement en contact avec l'être des choses (en supprimant l'intermédiaire du langage); or, tout d'abord,il semble difficile en cela de se séparer du langage (nous avons été élevés en lui, il modèle inévitablement notrevision des choses), et, de plus, l'intuition nous semble avoir un caractère un peu trop affectif pour comprendre cequ'on appelle la « pensée » : l'intuition permet des rapports entre des pensées singulièrement voisines dessentiments : en effet comprendre par intuition la pensée de quelqu'un qui ne l'a pas exprimée par le langage, c'esten fait se rapporter à travers lui à sa propre expérience, de caractère inévitablement affectif.

De plus ou cetteintuition est éphémère et insaisissable, ou cela se concrétise et se précise en nous (même inconsciemment) àtravers le langage (de même que, lorsqu'il y a sous-entendu ou malentendu, tout se joue en fait non entre la penséeet le langage qui l'exprime, mais entre le langage pensé et le langage prononcé).

Mais il est d'autres valeurs,apparemment distinctes du langage, que l'intuition : tout le courant du christianisme, du moins à la base, a été unetentative pour établir entre les hommes des rapports qui dépassent le stade social, c'est-à-dire le langage : d'oùl'exaltation de l'amour, de la charité, etc., qui, il est vrai, quoique ayant un contenu fortement affectif, font place àla pensée (de sorte qu'on ne trouve pas ces valeurs chez l'animal).

Mais on se heurte forcément au langage : nousavons vu en effet que le langage ne se limitait pas à la parole : gestes, regards, et même échanges divers (commel'a montré Lévi-Strauss) constituant des langages plus ou moins complets, plus ou moins précis; or des penséesd'amour, de charité, si elles veulent s'exprimer (c'est-à-dire se réaliser vis-à-vis d'autrui) sans passer par le langage,doivent recourir à des actes ou à des témoignages dont la nature a été codifiée en langage par la vie sociale; ainsi iln'est possible de comprendre l'amour d'un autre qu'à travers le langage (quel qu'il soit) qu'il vous applique.

D'ailleurs,même à ce stade le langage parlé reste primordial : il suffit de voir comment, à travers l'histoire, l'évolution (c'est-à-dire la spiritualisation et le raffinement, ou au contraire la « vulgarisation ») d'un sentiment comme l'amour se faitpar rapport au langage (amour brutal et langage fruste des premiers temps, amour courtois et raffinementslinguistiques au moyen âge, etc.) : dans notre rapport à la pensée d'autrui comme dans l'expression de notrepensée, il nous est impossible de sortir du langage.Nous venons d'étudier, il est vrai, la pensée consciente, mais la pensée inconsciente révélée par la psychanalyse (etqui est loin de se réduire à l' « instinct » animal) n'a-t-elle pas, vis-à-vis du langage, un statut particulier? Cettepensée, dit Freud, est primordiale, antérieure à la pensée consciente, et, en tant que réprimée par cette dernière,elle tend sans cesse à s'exprimer : elle le fait généralement de façon extérieurement désordonnée (lapsus, actesmanqués divers, névroses) et- par des signes qui semblent loin de constituer un langage.

Or des études plusprécises (essentiellement celles de Lacan) ont montré que l'inconscient lui-même est structuré comme un langagequ'il est possible de déchiffrer : là encore la pensée passe par le langage.

De plus le langage « parlé » n'est pas siloin puisque cet inconscient utilise (par exemple dans le rêve) des nuages sur lesquels nous posons des mots (père,mère) ce que ne peut faire l'animal (ce qui explique peut-être qu'il n'ait pas de véritable pensée inconsciente). Nous avons donc vu dans une première partie (et fait la critique) des idées qui posent la pensée comme capable des'exprimer autrement que par le langage : nous avons vu que cela est impossible, la pensée devant toujoursemprunter le détour du langage.

Or, afin de confirmer cette opinion, il s'agit peut-être de voir que le problème esten fait mal posé, puisqu'il semble affirmer la pensée comme antérieure au langage; or, si elle lui est fatalement liée,ne peut-ce être parce qu'en fait le langage crée lui-même la pensée.

L'exemple concret des « enfants-loups ». »

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