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Nietzsche: glorification du travail

Publié le 21/04/2005

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nietzsche
Dans la glorification du "travail", dans les infatigables discours sur la "bénédiction du travail", je vois la même arrière-pensée que dans les louanges adressées aux actes impersonnels et utiles à tous : à savoir la peur de tout ce qui est individuel. Au fond, on sent aujourd'hui, à la vue du travail - on vise toujours sous ce nom le dur labeur du matin au soir -, qu'un tel travail constitue la meilleure des polices, qu'il tient chacun en bride et s'entend à entraver puissamment le développement de la raison, des désirs, du goût de l'indépendance. Car il consume une extraordinaire quantité de force nerveuse et la soustrait à la réflexion, à la méditation, à la rêverie, aux soucis, à l'amour et à la haine, il présente constamment à la vue un but mesquin et assure des satisfactions faciles et régulières. Aussi une société où l'on travaille dur en permanence aura davantage de sécurité : et l'on adore aujourd'hui la sécurité comme la divinité suprême ... Nietzsche

questions indicatives    Fonction des guillemets pour l'expression « bénédiction du travail « ?  Quels sont les différents arguments dont fait état Nietzsche, pour affirmer qu' « un tel travail constitue la meilleure des polices « ?  Quel est le fondement, en dernière analyse, selon Nietzsche, de cette société du « travail « ?  Quelles sont les valeurs qui y sont ainsi subordonnées, voire niées ?  Que pensez-vous de l'analyse de Nietzsche, et notamment de l'analyse du fondement de cette société ?  Fonction des guillemets pour « travailler « ? (Ce texte est extrait d'Aurore, écrit entre 1879 et 1881.)  Qu'est-ce qui (ou qui) est visé par ce texte ?  En quoi ce texte présente-t-il un enjeu philosophique, et n'est pas un essai de sociologue ou d'historien ?

  • Constat

On glorifie le travail : Dans la glorification du « travail «, dans les infatigables discours sur la « bénédiction du travail«, entendu comme le dur labeur du matin au soir.

  • Explication (je vois) de cette glorification (= thèse centrale)

Elle est fondée sur une arrière-pensée qui est la peur de tout ce qui est individuel et le désir social d'assurer avant toutes choses la sécurité.

  • Justification de cette thèse

- Constat: ce travail épuise h force nerveuse, et ainsi empêche le développement de la raison, des désirs, du goût de l'indépendance.

- Conséquence: ce travail constitue donc la meilleure des polices, tenant chacun en bride.

nietzsche

« moyen pour les dépouiller de leur être individuel.

Il faut remarquer la spécificité du point de vue de Nietzsche: il ne s'agit pas pour lui de défendre les travailleurs en tant que tels, mais de voir, derrière le travailleur,l'individu. Introduction L'apologie du travail a été stigmatisée par Nietzsche à plusieurs reprises dans son Oeuvre.

Déjà dans leGai Savoir , l'auteur nous fait part de la conception moderne du travail, suivant laquelle les hommes travaillent en vue d'abolir l'ennui et surtout en vue d'un but lucratif.

Le travail, dès lors, loin de s'atteler auplaisir que recherche l'individu, ne reste qu'un moyen pour lui d'accroître ses gains.

Par ailleurs, cet extraitissu d' Aurore (L.

III) présente l'idée centrale selon laquelle le travail est un instrument supplémentaire de l'Etat pour lui permettre d'assujettir l'individu, en le confondant dans l'illusion de l'utilité sociale.

Aussi,Nietzsche souligne cette thèse que le travailleur est contrôlé, qu'il participe par son labeur quotidien à lasécurité volontairement établie par l'Etat.

L'enjeu de ce texte est de montrer en quoi une fois de plus leprincipe d'individualité est mis à l'écart au profit d'une idéologie naissante, celle du capitalisme : « Se trouverun travail pour avoir un salaire : - voilà ce qui rend aujourd'hui presque tous les hommes égaux dans les payscivilisés ; pour eux tous le travail est un moyen et non la fin ; c'est pourquoi ils mettent peu de finesse auchoix du travail, pourvu qu'il procure un gain abondant » ( Gai Savoir , §42).

Les deux principaux temps du texte nous permettront d'engager une analyse concernant d'abord la déshumanisation de l'homme par letravail, ainsi que sa part symptomatique en tant que ce qui est chez lui une répression des instinctssupérieurs le conforte dans un système sécurisant, système de substitution au regard de l'inquiétante « mortde Dieu ».

I.

La déshumanisation par le travail a.

Nietzsche cherche à retracer la généalogie des valeurs prônées par notre civilisation.

Il ne condamne pas le travail en général, mais le travail pénible et impersonnel qui, jour après jour, vide l'individu de sesressources physiques et intellectuelles.

On reconnaît bien là une indication à l'étymologie du travail commeeffort et comme pénibilité.

Cependant, le travail est perçu et conçu comme l'activité par laquelle l'hommedevient pleinement humain.

Nietzsche s'est attaqué à l'idéologie dominante plaçant l'activité pénible aucentre de la vie humaine.

Car l'homme a fondamentalement besoin de se détacher de la pure matière.

Il nepeut par essence poursuivre indéfiniment un effort tendant à réaliser des fins extérieures, c'est-à-dire desfins qui ne le concernent pas.

Dès lors, dans Humain, trop humain , Nietzsche invite à voir aussi ce caractère dépassable du travail à travers des activités plus épanouissantes pour l'individu telle que la danse.

Laglorification du travail est l'outil idéologique permettant de rendre acceptable pour tout un peuplel'exclusivité du travail.

On comprend alors que cette glorification exclusive du travail est un moyen derestreindre l'envergure de l'homme. b.

De plus, on constate le masque discursif qui vient freiner l'individu dans la quête de soi.

C'est ce discours « sur la bénédiction du travail » qui conditionne en l'homme cette équation simple de typetravail=nécessité, et qui pire encore lui interdit d'accéder à ses désirs.

On le voit bien, le travail est nonseulement conçu comme pénible, mais aussi comme entrave à tout ce qui peut grandir l'homme au-dessus desa condition « trop humaine ».

Ainsi, une société qui ne proposerait comme seul horizon aux individus qui lacomposent que le travail aurait pour effet de maintenir ces individus dans une condition subalterned'esclaves de la vie et des besoins.

Le travail condamne à demeurer dans le cycle production/consommation,cycle qui demeure nettement en deçà des aspirations nietzschéennes : « un tel travail constitue la meilleuredes polices, il tient chacun en bride et s'entend à entraver puissamment le développement de la raison, desdésirs, du goût de l'indépendance ».

Et au-delà de ce constat, il apparaît pourtant que tout ce procès deconditionnement reflète le procès de la décadence, de l'uniformisation des masses, procès qui en privantl'homme de ses facultés supérieures et créatrices, le rabaisse au simple rang d'animal castré.

II.

Une valeur de substitution : « La sécurité de l'emploi » a.

« La glorification du travail » va de pair avec la sacralisation de l'ordre social.

Anéanti par son labeur, le travailleur n'a ni idée ni loisir de commettre des infractions ou de se révolter contre l'ordre établi.

Pourl'auteur cette apologie du travail, quand elle se place à une échelle politique, est dangereuse car le travailest alors utilisé comme une police.

Celui qui travaille est contrôlé : on sait ce qu'il fait à certaines heures,et, d'autre part, l'énergie dépensée lors du travail n'est pas dépensée dans d'autres domaines qui pourraientmenacer l'Etat.

De fait, le travail « consume une extraordinaire quantité de force nerveuse et la soustrait àla réflexion, à la méditation, à la rêverie, aux soucis, à l'amour et à la haine, il présente constamment à lavue un but mesquin et assure des satisfactions faciles et régulières ».

Cette thèse de Nietzsche, aussisurprenante qu'elle puisse apparaître à l'époque, s'est révélée historiquement juste dans certainessituations : dans une forme particulière du stalinisme, le Stakhanovisme, l'individu ne travaille pas que pour leprestige de son Etat.

Il est prêt à faire sacrifice de son temps, de son énergie, pour se mettre au service del'Etat.

Ce système nie l'individu ainsi que son droit à la liberté. b.

La sécurité que procure le travail reflète ce côté rassurant que l'homme entretenait lorsqu'il voyait en un Dieu absolument extérieur l'étalon de toutes ses actions.

Le travail, nouveau visage de la « divinitésuprême », caractérise la perpétuation de la maladie qui ronge l'individu : le refus de la vie.

Cette nouvelleidole, ce nouvel opium du peuple après la religion, traduit encore une fois la faiblesse de l'homme, et le. »

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