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Nietzsche et la critique du concept de vérité

Publié le 22/04/2005

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nietzsche
Tu vois maintenant une erreur dans cette chose que tu aimas autrefois comme vraie ou comme probable : tu la rejettes loin de toi et tu te figures que ta raison vient de remporter une victoire. Mais peut-être cette erreur, jadis, alors que tu étais un autre -on ne cesse jamais d'être un autre- t'était-elle aussi nécessaire que tes « vérités » d'aujourd'hui ; c'était une sorte de peau qui te cachait, te voilait bien des choses que tu n'avais pas encore le droit de voir- c'est ta nouvelle vie, ce n'est pas ta raison qui t ‘a tué cette idée : tu n'as plus besoin d'elle, elle s'effondre sur toi, et sa déraison vient au jour, elle sort en rampant comme un ver. Quand nous exerçons notre critique, ce n'est pas arbitrairement, ce n'est pas impersonnellement, c'est, souvent au moins, parce qu'il y a en nous une poussée de forces vivantes en train de dépouiller leur écorce. Nous nions et nous sommes obligés de le faire parce qu'il y a quelque chose en nous qui VEUT vivre et qui VEUT s'affirmer, quelque chose que nous ne connaissons, que nous ne voyons peut-être pas encore !... Donnons ce bon point à la critique. Nietzsche
nietzsche

« remporte une victoire lorsqu'elle rejette les erreurs d'hier.2.

Reconnaissons, grâce à la valeur de la critique, ce quelque chose qui s'affirme en nous, comme poussée deforces vivantes.

C'est elle qui nous oblige à nous dépouiller des vérités passagères. 1) NIETZSCHE expose tout d'abord le point de vue de son interlocuteur supposé, lecteur qu'il interpelle avecvéhémence (« Tu vois ») tout au long du texte.

C'est le temps supposé du discours, au présent même del'interpellation (« tu vois maintenant ») qui suggère un passé révolu (« que tu aimas autrefois »).

Exposé avecironie comme un progrès où le maintenant comme postérieur est toujours supérieur à l'autrefois (commeantérieur).

Ce qui fait que ce qui est vu comme erreur du passé permettrait de connaître la vérité du présent.C'est le temps qui transformerait le vrai supposé en erreur reconnue.

Passage où l'on va de ce qui sans douteétait abordé seulement sous l'angle de l'affectif (« que tu aimas »), à ce qui est vu maintenant comme unevéritable connaissance, marquée par le sceau de l'évidence (« tu vois »).Mais NIETZSCHE fait percer le doute.

Bien sûr nous brûlons aujourd'hui ce que nous avons adoré hier (« tu larejettes loin de toi »).

Mais l'homme n'est-il pas, dans ce mouvement apprécié comme un progrès, le jouet del'imagination ? NIETZSCHE ne dit pas à son lecteurs : « Tu sais » ou « tu penses ».

Mais « tu te figures ».Cette imagination provoque l'illusion.

alors le lecteur supposé que représente NIETZSCHE un instant, avancel'argument de la raison : c'est le temps, le progrès qui apportent une meilleure connaissance.

C'est donc une «victoire » de la raison que de se débarrasser des opinions du passé et de les dénoncer comme des erreurs.NIETZSCHE dénonce la dialectique trop bien construite sur l'opposition passé/présent ; erreur/vérité.

De même,il dénonce l'opposition illusion du passé/raison du présent.

La dénonciation n'a rien de brutal.

C'est uneinsinuation (« Mais peut-être »).

Pour NIETZSCHE tout se joue, à chaque fois, au présent, tout en mêmetemps que le flux sans cesse nous emporte.

C'est une erreur de croire que le passé est une erreur.

C'est uneerreur de croire que le présent est vérité.A dire vrai, et c'est cela la dimension nihiliste de NIETZSCHE, il n'y a ni erreur, ni vérité.

Le passé n'a pas moinsde valeur que le présent, le présent n'a pas plus de valeur que le passé.

Tout a la même valeur, sans valeur,que le flux de la vie emporte (« on ne cesse jamais d'être un autre »), ce qui fait songer à Héraclite.Et même, ce qui est erroné ce n'est pas l'erreur, mais plus fondamentalement, la dénonciation de l'erreur ! EtNIETZSCHE de se livrer un temps à l'apologie des erreurs, car toute erreur dit-il est « nécessaire », non pas,bien sûr, en tant que telle, mais dans le rapport qu'elle entretient avec nous ; plus justement dans le rapportque nous entretenons avec elle.

L'erreur est une « peau », elle est un « voile ».

La vérité est nue (commel'imagine la tradition populaire, tout au moins n'a-t-elle pas besoin d'artifices).

La vérité disaient les Grecs est «aléthéia », autrement dit ce mouvement qui supprime l'oubli, qui dévoile ce qui est recouvert par l'illusion.Ce ci est exprimé en toutes lettres : l'erreur est « une sorte de peau qui te cachait », « qui te voilait bien deschoses ».

Mais, en ce qui concerne le passé, il n'est en réalité, pense NIETZSCHE, ni vrai, ni faux.

Il en estdonc de même du présent, il n'est ni plus vrai, ni plus faux : il est nécessaire, en étant, ô paradoxe apparent !relatif à ce que nous sommes à un moment donné.

Ainsi va la vie, dans son flux perpétuel… Ce qui met encause profondément les croyance qui seront les nôtres demain, et que l'on voudra bien sûr à tout prix fairepasser pour des « vérités ».NIETZSCHE n'a pas de mots trop durs pour dénoncer, de manière sarcastique, ces vérités surgies avec lemouvement même de la vie, qui nous fait brûler ce que nous adorions hier.

L'image est poussée en sonextrême.

La vérité d'hier « s'effondre », comme le ferait la vieille peau du serpent accomplissant sa mue, inutileet flasque.

Mais ce n'est même ps d'un serpent dangereux qu'il s'agit, simplement d'un ver (« elle sort enrampant comme un ver »).

Formulation dialectique, qui montre à la fois la profondeur et la vanité des choses ;tout doit se retourner comme un gant, tout a son contraire et son opposé dérisoire.

Ce qui est raison est enmême temps son contraire, mais la raison est vieille et morte : ce qui apparaît comme neuf, ce qui se dépouilledes vieilles peaux, des vieux habits, c'est la « déraison ». 2) Nous sommes capables de procéder à la critique de nos erreurs (du passé et du présent).

Mais nous noustrompons lorsque nous croyons que cette critique est impersonnelle, et qu'elle se rattache à la raison engénéral.

Au contraire, comme NIETZSCHE l'indique, c'est notre critique, elle nous appartient en propre.

Ellen'est ni impersonnelle, ni arbitraire.

Il y a une vérité en nous, qui ne prend pas la forme d'un discours, mais quiest « une poussé de forces vivantes en train de dépouiller leur écorce ».

Ainsi NIETZSCHE reprend-ilimplicitement l'image de la verdeur de la vie, de l'arbre et de l'écorce, du serpent et de sa mue.

Quelque chosequi est en nous (alors que la raison à laquelle nous tentons de nous raccrocher est strictement extérieure),mais pourtant qui nous dépasse, qui est plus fort que nous, le flux même de la vie, qui sourd de partout dans lanature.Alors, « nous nions ».

Mais cette négation n'a rien de négatif.

Bien au contraire, elle est notre façon à nousd'accepter (difficilement il est vrai) l'élan même de la vie.

L'élan secret, mais tout puissant du vouloir-vivre.

Leredoublement du « veut (« veut vivre », « veut s'affirmer »), le redoublement du quelque chose, cherche àtraduire dans un style lyrique l'énergie de cette poussée.

Certes ce quelque chose n'est pas nommé, peut-êtreparce que c'est « quelque chose que nous ne connaissons pas », peut être même c'est quelque chosed'innommable.

Car peut-on donner un nom au vouloir ?D'où l'apologie brève que NIETZSCHE fait de la critique.

Lorsqu'elle n'est pas liée à l'activité de la raison, elleest bonne, parce qu'elle nous permet de pressentir qu'il y a des forces qui nous mènent, elle nous permet dereconnaître le vouloir-vivre qui nous traverse de part en part.

Elle ouvre la possibilité d'un hymne à la vie.. »

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