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Merleau-Ponty: Si la parole présupposait la pensée

Publié le 28/03/2005

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merleau
Si la parole présupposait la pensée, si parler c'était d'abord se joindre à l'objet par une intention de connaissance ou par une représentation, on ne comprendrait pas pourquoi la pensée tend vers l'expression comme vers son achèvement, pourquoi l'objet le plus familier nous paraît indéterminé tant que nous n'en n'avons pas retrouvé le nom, pourquoi le sujet pensant lui-même est dans une sorte d'ignorance de ses pensées tant qu'il ne les a pas formulées pour soi ou même dites et écrites, comme le montre l'exemple de tant d'écrivains qui commencent un livre sans savoir au juste ce qu'ils y mettront. Une pensée qui se contenterait d'exister pour soi, hors des gênes de la parole et de la communication, aussitôt apparue tomberait à l'inconscience, ce qui revient à dire qu'elle n'existerait pas même pour soi. Merleau-Ponty

 

questions indicatives Comment comprenez-vous « Si la parole présupposait la pensée « ? Comment comprenez-vous : « si parler c'était d'abord se joindre à l'objet par une intention de connaissance ou par une représentation « ? Comment Merleau-Ponty ,s'efforce-t-il d'établir que la parole ne présuppose pas la pensée, que parler ce n'est point d'abord se joindre à l'objet par une intention de connaissance ou par une représentation ? « L'exemple « des « écrivains « vous paraît-il probant ? En quoi Merleau-Ponty peut-il soutenir que c'est « une expérience de penser « ? Remarquer dans le texte : « une sorte d'ignorance « ; « elle (la pensée) progresse bien dans l'instant et comme par fulgurations «. En quoi ces remarques sont-elles importantes pour une compréhension exacte du texte ?  

 

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« Le texte de Merleau-Ponty s'efforce de préciser le lien existant entre la pensée et la parole.

Il réfute l'opinioncommunément admise d'une pensée indépendante et antérieure à son expression par le langage.

Pour démontrer cepoint de vue, l'auteur élève trois objections à cette hypothèse : d'abord une objection qui porte sur lefonctionnement interne de la pensée, ensuite un argument qui concerne le rapport de la pensée à l'objet extérieur ;enfin un argument qui touche à l'expérience du sujet lui-même. a) L'expression comme achèvement de la pensée On a longtemps pensé, pour des raisons liées à une métaphysique religieuse, que la pensée préexiste idéalement aulangage, qui n'en serait que le véhicule dans la communication.

En d'autres termes, le langage ne serait pour riendans l'élaboration de la pensée, il n'en serait que le serviteur.

Le cas des enfants sauvages, diverses observationssur la genèse de la pensée consciente ont permis de montrer qu'il existait sans doute un lien très étroit entre lelangage et la pensée.

Merleau-Ponty développe l'argument en insistant d'abord sur la nécessité pour la pensée detrouver une expression adéquate.

Tout se passe comme si la pensée ne trouvait son identité véritable qu'au termed'une mise en forme linguistique : l'approximation de langage serait considérée comme une insuffisance de la penséepar la pensée elle-même.

La recherche de l'expression appropriée est donc considérée par Merleau-Ponty commel'indice de la connexion entre langage et pensée. b) Les rapports de la pensée et de l'objetLe second argument de Merleau-Ponty porte sur le rapport entre la pensée et le monde extérieur.

L'homme neparvient à s'approprier psychiquement les objets qui l'entourent que s'il les nomme.

A la limite, penser serait donnerun nom à chacun des éléments qui nous environnent : « l'objet le plus familier nous paraît indéterminé tant que nousn'en avons pas retrouvé le nom ».

Comme le note le linguiste E.

Benveniste, le langage est la seule médiation quirattache l'homme à l'univers dans lequel il vit : nommer et comprendre deviennent des opérations identiques.

Lemonde extérieur ne devient un ensemble organisé que par l'action de l'homme qui y introduit des rapports, unecohérence logique.

Or, celle-ci n'est possible qu'au travers d'un langage : l'exemple, cité par E.

Benveniste, desrapports entre les catégories de l'Être selon Aristote et celles de la syntaxe grecque, paraît montrer qu'il existe plusqu'un lien entre la manière dont on pense et celle dont on parle.

Les catégories linguistiques paraissent exercer uneinfluence déterminante sur la perception de l'univers.

Ainsi le prisme des couleurs, et donc la vision que nous enavons sont liés au lexique que nous possédons pour les nommer. c) L'expérience du sujetL'auteur évoque enfin l'expérience du sujet lui-même lorsqu'il tâtonne pour donner forme à sa pensée dans lacommunication.

Selon Merleau-Ponty, le sujet ne prend totalement conscience de sa propre pensée que lorsqu'il laformule.

Toute pensée non encore mise en mots reste partiellement inconsciente.

L'intention de communication n'estpas suffisante pour donner à la pensée sa consistance.

Tel est le sens de l'exemple de l'écrivain : ce dernier a bienen lui une intention de communication, il se met à écrire, mais sans connaître le contenu de sa pensée : l'intentionprécède la constitution de la pensée, elle n'en est pas, à elle seule, l'intégralité.

Que dire alors de ce qui préexiste àla mise en forme de la pensée ? Merleau-Ponty évoque la progression par « fulgurations » de la pensée antérieure àl'expression.

Mais ce phénomène est de l'ordre de l'intuition instantanée : il disparaîtrait aussitôt dans le néant sansl'intervention du langage. 2 - Éléments de discussion a) L'autonomie de la penséeL'analyse de Merleau-Ponty pose le problème de l'identité ou la différence entre langage et pensée.

Considérer quela pensée ne peut exister sans le langage ne conduit-il pas à ce danger que souligne Sartre : la disparition del'individu au profit des structures linguistiques ?En d'autres termes, il faudrait analyser avec précision ce qui relève de la langue, en tant que structure extérieureau sujet, et la pensée qui se réapproprie individuellement la langue.

Dans la perspective structuraliste, le problèmene se pose pas vraiment puisque le sujet paraît s'effacer derrière la langue qu'il met en œuvre.

Dans la perspectivede Sartre, au contraire, il faut admettre une interaction entre les deux, et considérer que l'intention decommunication garde une autonomie par rapport à la langue. b) Une interactionSi, en effet, il faut parler pour penser, et inversement, il faut admettre que le processus est circulaire.

La pensée nepeut se constituer qu'au travers du langage, elle prend forme, s'élabore et prend conscience d'elle-même en separlant.

Mais le langage est lui-même une création de l'homme, il véhicule une pensée qu'il faut présupposer.

Parconséquent, dans les deux cas, l'antériorité doit être postulée, mais elle est en même temps impossible à admettreabsolument.Il faut supposer, par conséquent, que le rapport entre langage et pensée est un processus permanentd'intériorisation et d'extériorisation par le sujet qui produit sa pensée dans le cadre du langage, mais s'approprie lelangage en tant que donnée objective et le dépasse.

Cette interaction dialectique que propose Sartre s'oppose à lavision structuraliste qui tend à identifier les deux choses. c) La dimension inconscienteII resterait à analyser les liens qui existent entre langage et inconscient.

En effet, la structuration linguistique de lapensée inconsciente a été mise en évidence par divers psychanalystes.

Il n'est donc pas nécessaire que la pensée. »

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