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MERLEAU-PONTY: Puisque les choses et mon corps sont faits de la même étoffe

Publié le 27/02/2008

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merleau
Puisque les choses et mon corps sont faits de la même étoffe, il faut que sa vision se fasse en quelque manière en elles, ou encore que leur visibilité manifeste se double en lui d'une visibilité secrète: « la nature est à l'intérieur », dit Cézanne. Qualité, lumière, couleur, profondeur, qui sont là-bas devant nous, n'y sont que parce qu'elles éveillent un écho dans notre corps, que parce qu'il leur fait accueil. Cet équivalent interne, cette formule charnelle de leur présence que les choses suscitent en moi, pourquoi à leur tour ne susciteraient-elles pas un tracé, visible encore, où tout autre regard retrouvera les motifs qui soutiennent son inspection du monde? Alors paraît un visible à la deuxième puissance, essence charnelle ou icône du premier. Ce n'est pas un double affaibli, un trompe l'oeil, une autre chose. Les animaux peints sur la paroi de Lascaux n'y sont pas comme y est la fente ou la boursouflure du calcaire. Ils ne sont pas davantage ailleurs. Un peu en avant, un peu en arrière, soutenus par sa masse dont ils se servent adroitement, ils rayonnent autour d'elle sans jamais rompre leur insaisissable amarre. Je serais bien en peine de dire où est le tableau que je regarde. Car je ne le regarde pas comme on regarde une chose, je ne le fixe pas en son lieu, mon regard erre en lui comme dans les limbes de l'Etre, je vois selon ou avec lui plutôt que je ne le vois.MERLEAU-PONTY

Dans son ouvrage  L’œil et l’esprit, dont ce texte est extrait,  Merleau-Ponty  s’attache à repenser la façon dont nous avons accès aux choses. Alors que la science nécessite de distinguer clairement un sujet et un monde objectivé, l’auteur retrouve ici la tradition phénoménologique (Husserl et Heidegger notamment). Selon elle, l’homme a toujours conscience « de quelque chose «, il est toujours « au  monde « de telle sorte qu’on ne puisse concevoir un sujet radicalement isolé des choses qui l’entourent.  L’homme, par son « corps «, est toujours en rapport avec les choses. Mais une peinture est-elle une chose comme les autres ? L’auteur entend  revenir ici sur la spécificité du tableau et le type de  connaissance qu’il nous donne.

Il lui faut d’abord rappeler le rapport que nous avons aux choses. Une fois ce rapport mis à jour, n’est-il pas nécessaire de repenser le statut de la peinture, considérée comme reproduction, imitation, de la chose ? Loin d’être considéré comme inférieur à une réalité objective, le tableau peut alors se dévoiler comme ce qui nous donne accès à un autre monde dans lequel nous sommes plongés.

 

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