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Merleau-Ponty: L'homme public

Publié le 29/03/2005

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L'homme public, puisqu'il se mêle de gouverner les autres, ne peut se plaindre d'être jugé sur ses actes dont les autres portent la peine, ni sur l'image souvent inexacte qu'ils donnent de lui. Comme Diderot le disait du comédien en scène, nous avançons que tout homme qui accepte de jouer un rôle porte autour de soi un « grand fantôme » dans lequel il est désormais caché, et qu'il est responsable de son personnage même s'il n'y reconnaît pas ce qu'il voulait être. Le politique n'est jamais aux yeux d'autrui ce qu'il est à ses propres yeux, non seulement parce que les autres le jugent témérairement, mais encore parce qu'ils ne sont pas lui, et que ce qui est en lui erreur ou négligence peut être pour eux mal absolu, servitude ou mort. Acceptant, avec un rôle politique, une chance de gloire, il accepte aussi un risque d'infamie, l'une et l'autre « imméritées ». L'action politique est de soi impure parce qu'elle est action de l'un sur l'autre et parce qu'elle est action à plusieurs. [...] Aucun politique ne peut se flatter d'être innocent. Gouverner, comme on dit, c'est prévoir, et le politique ne peut s'excuser sur l'imprévu. Or il y a de l'imprévisible. Voilà la tragédie. Merleau-Ponty

Peut-on avoir encore envie, au terme de cette lecture de Merleau-Ponty, de s'engager en politique? À notre époque bien des hommes de bonne volonté renoncent à un engagement réel au nom des risques encourus et de la pression dont ils seraient l'objet. Il y a en effet un coût à assumer, c'est pourquoi il est plausible de dire qu'il faut une réelle passion du pouvoir pour faire un bon homme d'État. Lorsque l'on dénonce la trop grande ambition d'un homme politique, lorsque l'on critique moralement sa soif de pouvoir, on néglige souvent que ce sont des armes assez nécessaires pour soutenir les pressions multiples dont ils sont l'objet. Les débats actuels autour des différentes immunités dont jouissent les responsables politiques gagneraient à tenir compte de ces éléments.

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« hésiter à mentir? Il ne se place pas exactement dans cette perspective puisqu'il ne raisonne pas en termesd'efficacité de l'action (Machiavel donne des conseils d'hypocrisie en vue de la conquête et de la conservation dupouvoir), mais en termes de conséquences secondaires d'une action ordinaire.

Il s'agit pour le responsable de ne passe soucier d'être aimé pour lui-même, de mettre entre parenthèses non pas ses convictions morales mais le souci del'estime morale qu'on lui portera.Ce qui se dessine ici c'est la distinction ferme entre la poursuite effective des buts d'action et le désir d'une maîtriseesthétique de l'action : l'homme politique doit faire des choses et non pas travailler à sa statue.Après avoir souligné qu'il y avait là une responsabilité de la part du politique, Merleau-Ponty s'attache à montrer quecette tentation de l'esthétique est de toute façon vouée à l'échec en raison de la disparité des situations: il y a unfossé radical entre l'exercice de la fonction politique et les conséquences pour les citoyens concernés, entre lesgestes administratifs et ce qu'ils suscitent : fossé qui souvent réveille un sentiment de révolte contre les «technocrates » pour qui une signature n'est pas plus douloureuse qu'une autre.

Merleau-Ponty souligne bien cecontraste par l'idée de « mal absolu » ; sans même aller jusqu'aux exemples historiques d'horreur totalitaire, on peutciter bien des exemples d'actes administratifs anodins qui suscitent des bouleversements.À cette disparité, qui fait que l'homme politique doit faire son métier sans espérer être vraiment compris en tant quepersonne, s'ajoute un élément encore plus frustrant et qui peut devenir désespérant ou tragique: après avoirfortement insisté sur le fait que le responsable doit assumer ses responsabilités, Merleau-Ponty souligne que la gloireest partiellement imméritée et que l'action, assumée en son nom propre par le responsable, ne dépend pourtant pasentièrement de son vouloir.

L'homme public n'agit jamais seul mais toujours avec des collaborateurs et des équipes,également dans des assemblées dont le vote peut lui être contraire.

Il est le point de mire de multiples pressionsplus ou moins justifiées et relayées parfois pardes groupes puissants.

D'où la nécessité de compromis, le risque de compromissions et surtout que le sens du projetéchappe à celui qui l'a lancé ou s'y associe.

Bien souvent le texte final d'une loi ou d'un accord est difforme parrapport au projet initial, en raison de pressions politiques ponctuelles ou de blocages idéologiques.

L'hommepolitique, s'il peut lutter pour maintenir le sens de son action, ne doit pas fuir devant cette possibilité.Partant d'un jugement apparemment sévère sur l'attitude de l'homme politique, l'auteur décrit en fait une conditiondont on perçoit de plus en plus nettement qu'elle réclame un tempérament bien trempé et qu'elle peut vite devenirtragique : l'homme doit renoncer à la tentation de se montrer sous son costume public; il doit s'attendre àl'ingratitude du public; il doit assumer des interactions qu'il n'a pas lui-même voulues; enfin, il doit répondre de cequ'il n'aurait jamais pu prévoir.

Pour les personnes privées, il est normal de ne pas tout savoir.

Théoriquementl'homme politique a les moyens humains (« ses services ») d'en savoir assez pour agir correctement.

Il est toujourstrès délicat d'invoquer la fatalité, puisque justement le responsable est perçu par le public comme celui qui doitdéfinir ce qui arrivera. Conclusion Peut-on avoir encore envie, au terme de cette lecture de Merleau-Ponty, de s'engager en politique? À notre époquebien des hommes de bonne volonté renoncent à un engagement réel au nom des risques encourus et de la pressiondont ils seraient l'objet.

Il y a en effet un coût à assumer, c'est pourquoi il est plausible de dire qu'il faut une réellepassion du pouvoir pour faire un bon homme d'État.

Lorsque l'on dénonce la trop grande ambition d'un hommepolitique, lorsque l'on critique moralement sa soif de pouvoir, on néglige souvent que ce sont des armes asseznécessaires pour soutenir les pressions multiples dont ils sont l'objet.

Les débats actuels autour des différentesimmunités dont jouissent les responsables politiques gagneraient à tenir compte de ces éléments. MERLEAU-PONTY (Maurice).

Né à Rochefort-sur-mer en 1908, mort à Paris en 1961.Il fut professeur à l'Université de Lyon, à la Sorbonne, et, à partir de 1952, au Collège de France.

Disciple deHusserl, il fonda avec Sartre Les temps modernes.

Il s'est surtout occupé de philosophie psychologique, et s'estintéressé à l'existentialisme dans ses rapports avec le marxisme. Oeuvres principales : La structure du comportement (1941), Phénoménologie de la perception (1945), Humanisme et terreur (1947), Sens et non-sens (1948), Eloge de la philosophie (1953), Les sciences de l'homme et laphénoménologie (1953), Les aventures de la dialectique (1955), Signes (1961).. »

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