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MALEBRANCHE: Les passions et la nature

Publié le 31/03/2005

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malebranche
Les hommes peuvent bien vaincre leurs passions par des passions contraires, ils peuvent vaincre la peur ou la douleur par vanité; je veux dire seulement qu'ils peuvent ne pas fuir ou ne pas se plaindre lorsque, se sentant en vue à bien du monde, le désir de la gloire les soutient et arrête dans leurs corps les mouvements qui les portent à la fuite. Ils peuvent vaincre de cette sorte ; mais ce n'est pas là vaincre, ce n'est pas là se délivrer de la servitude ; c'est peut-être changer de maître pour quelque temps, ou plutôt c'est étendre son esclavage ; c'est devenir sage, heureux et libre seulement en apparence, et souffrir en effet une dure et cruelle servitude. On peut résister à l'union naturelle que l'on a avec son corps par l'union que l'on a avec les hommes, parce qu'on peut résister à la nature par les forces de la nature... MALEBRANCHE

ordre des idées 1) A première vue on peut vaincre une passion par une passion contraire. - Exemple : les effets de la peur (la fuite) peuvent être empêchés par la vanité et l'orgueil (désir de gloire). 2) En réalité on ne vainc pas ainsi réellement les passions, on ne se délivre pas de leur esclavage, puisque a) on ne supprime pas la passion dont on empêche l'effet (la peur n'a pas disparue) ; b) on additionne les passions (à la peur s'ajoute la vanité). 3) En conséquence une telle maîtrise des passions n'est qu'apparente, et n'est donc qu'une fausse sagesse.

 

malebranche

« _ Pour illustrer cette dynamique des passions, Malebranche donne un exemple précis où la passion de la peur peutêtre dominée par la passion de la vanité.

En effet la peur pousse l'individu à fuir.

Or comme nous l'avons vu, celan'est pas digne de l'attitude du sage.

Aussi l'homme qui fuit s'attend à être blâmé et à susciter la moquerie desautres.

Une passion peut alors agir en sens opposé, c'est la vanité, c'est-à-dire le désir d'être reconnu et d'êtreestimé par les autres.

La vanité va nous pousser à faire des actes reconnus comme héroïques Aussi si elle estsuffisamment forte, celui qui avait peur se comportera comme un héros en risquant sa vie.

De même quelqu'un quisent en lui un désir injuste peut se retenir de commettre l'injustice par peur de la sanction. La question qu'on peut alors se poser est : est-ce que l'homme qui agit comme le sage est intrinsèquement sage ? La tenue d'un comportement extérieur résultant de l'équilibre des passions suffit- elle à définir la sagesse ? II Non, il ne suffit pas d'agir comme le sage pour être sage _ Malebranche annonce alors la thèse de notre texte qui se présente comme un jugement porté sur le premierexemple : l'homme qui se livre au combat par désir de gloire ne se délivre pas de sa servitude.

Ainsi il n'est pas plussage que celui qui fuit le combat par peur.

En effet si l'on appelle servitude le fait de se soumettre à la passion,c'est-à-dire de se soumettre à la loi de l'objet qui la provoque , alors agir par passion est toujours etnécessairement une servitude quelque soit le comportement qui en résulte.

On ne sort pas de l'ordre de la servitudeen combattant sa passion par une autre passion.

Comme le dit Malebranche « c'est peut-être changer de maîtrepour quelques temps », c'est-à-dire se soumettre à un objet différent, mais continuer à se soumettre.

Pourreprendre notre exemple, l'homme qui ne fuit pas le combat cesse d'être soumis à son instinct de survie, mais pourmieux se soumettre au regard d'autrui compris dans la gloire. _ Malebranche va plus loin dans sa thèse; il affirme « c'est étendre son esclavage ».

Cette affirmation peut semblerplus mystérieuse.

Car si l'on reste dans ordre des passions, en quoi l'esclavage résultant de la gloire serait-il plusgrand que celui qui résulterait de la première passion ,c‘est à dire la peur ? C'est que l'objet ne fait pas que changer: l'instinct de survie ne disparaît pas dans la soumission au regard d'autrui.

Il ne s'agit pas d'une substitution d'unepassion à une autre, mais d'une addition des deux passions Ainsi notre homme est soumis à la fois l'instinct desurvie et au regard d'autrui.

Finalement la gloire s'ajoute à la peur et notre homme est doublement esclave.

Le jeudes passions ne peut en aucun cas entraîner la délivrance de l'homme, mais ne fait que l'enchaîner davantage àmesure que se superposent les différentes attaches. La thèse de Malebranche est forte : la sagesse ne peu pas être acquise par la recherche d'un équilibre despassions.

Il n'y a donc aucune sagesse des passions; pour se délivrer de sa servitude, il faut accomplir une ruptureabsolue avec l'ordre passionnel. III La maîtrise des passions n'est qu'apparente et se réduit à une fausse sagesse _ L'avantage qu'acquiert celui qui reste au combat par vanité n'est un avantage qu'en apparence.

En effet commel'affirme Malebranche « il est sage heureux et libre » mai seulement au regard d'autrui puisque ce dernier estime quenotre homme a vaincu son instinct de survie.

Mais intérieurement, « il souffre d'une dure et cruelle servitude »puisque il a été déterminé par deux passions au lieu d'une et qu'il ne peut lui-même être dupe sur les raisons qui l'ontfait agir.

La servitude est d'autant plus dure et plus cruelle que se crée une dichotomie entre ce que manifestel'individu, et la manière réelle qu'il a de se conduire.

En effet l'individu qui parait aux yeux des autres sage estemporté dans un cercle vicieux puisque il est approuvé par les autres, alors que celui qui manifeste sa déterminationpar les passions peut être blâmé et puni, ainsi par la réprimande, il peut être aidé par autrui à s'extraire de l'ordrepassionnel. _ Il existe donc finalement une malédiction propre aux passions.

Cette malédiction consiste justement dans ce quisemblait au premier abord constituer une avantage : « on peut résister à la nature par les forces de la nature ».

Etcette possibilité de résistance et de jeu au sein des passions est sans doute ce qui nous enfonce davantage en sonsein et nous retient de rompre trop rapidement avec elles .

En effet s'il n'était pas possible d'avoir uncomportement acceptable aux yeux des autres en se laissant aller à ses passions, nous aurions une motivationcertaine à rompre avec elles.

Mais la capacité des passions à faire bonne figure nous enchaîne définitivement àelles.

Par conséquent le malheur de l'homme est qu'il « peut résister à l'union naturelle qu'il a avec son corps parl'union qu'il a avec les hommes » c'est-à-dire qu'il peut combattre les passions primitives par les passions sociales etparaître sage sans l'être véritablement. Conclusion L'homme peut en se servant du jeu des passions adopter extérieurement la conduite du sage.

Mais Malebrancheaffirme dans ce texte que la sagesse ne se définit pas par l'équilibre des passions, mais qu'elle réside plutôt dans lamanière dont on agit.

L'homme qui agit comme le sage n'est pas nécessairement sage s'il agit avec passion.

Le sageest celui qui s'est véritablement délivré de sa servitude, c'est-à-dire celui qu a su s'extraire de l'ordre passionnel et. »

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