Devoir de Philosophie

L'unanimité peut-elle être un critère de la vérité ?

Publié le 09/04/2009

Extrait du document

L'interrogation qui nous retient porte sur l'unanimité, dont nous nous demandons si elle peut être un critère de la vérité. Ici l'unanimité désigne l'identité d'opinions ( ou d'intentions ) entre tous les membres d'un groupe, c'est-à-dire une concordance totale de ceux-ci dans leur façon de voir. Quant à la vérité, dont l'unanimité pourrait peut-être témoigner, il s'agit de la valeur du jugement fidèle à son objet, et donc du rapport de conformité, de concordance, entre l'objet et sa pensée. Parler de l'unanimité comme critère possible de la vérité, c'est donner à y voir un indice capable précisément d'indiquer que la vérité est atteinte, et de la distinguer ainsi clairement de l'erreur. Ainsi donc, d'une identité d'opinions entre tous les membres d'un groupe, on nous demande si on est en mesure et en droit d'inférer que l'on est dans le vrai, que l'on y a accès. Autrement dit, il s'agit de savoir si on peut reconnaître la valeur d'un jugement fidèle à son objet au consentement de tous à la tenir pour tel.    Demander si l'unanimité peut être un critère de la vérité, c'est présupposer que le problème de savoir si l'on dit vrai ait préoccupé les philosophes. De fait, le souci de ne pas se tromper est la préoccupation essentielle de la recherche philosophique. Or nous vivons à une époque, démocratique, où la seule autorité qui soit reconnue est celle qui bénéficie de la reconnaissance collective. On comprend dès lors que l'on se demande aujourd'hui ce que peut valoir l'unanimité, et si l'on peut s'y fier.    Dans la question de savoir s'il est possible, et même légitime, de reconnaître la vérité au seul consentement, il y va du sérieux de la propension que nous avons de juger de la valeur d'une vision des choses au fait qu'elle est communément partagée.    Pour pouvoir répondre à la question posée, il convient de se demander tout d'abord en quoi l'unanimité est susceptible de jouer le rôle de critère de la vérité, puis d'examiner si elle est en mesure de remplir correctement ce rôle.  

« discours, un texte, qui serait juge de toute parole et qui pourrait recueillir l'adhésion de tous.

Or ce discours estcelui du dialogue, qui s'achève lorsque les interlocuteurs en présence sont en mesure de tomber d'accord.

On voitainsi l'unanimité servir de tremplin au philosophe, pour s'élever, au-delà du simple assentiment de ceux qui sontprésents, et affirmer que le discours qu'il tient est le discours par excellence, qui correspond au réel.

On peuttoutefois se demander si un tel critère est suffisant pour nous assurer de dire vrai. On peut penser que la vérité implique l'unanimité.

Mais la réciproque est-elle vraie ? Peut-on tirer de l'unanimité uncritère de la vérité qui en soit vraiment un, c'est-à-dire qui permette réellement de décider si, oui ou non, nousdisons vrai lorsque nous prétendons le faire ? L'unanimité est-elle quelque chose à quoi l'on puisse reconnaître laprésence de la vérité ? On peut douter en effet que l'unanimité suffise à nous assurer de dire vrai.

Prenons l'exempled'une idée qui faisait l'unanimité chez les Grecs autrefois, l'idée selon laquelle la terre était le centre du mondeautour de laquelle tournerait le soleil.

Ainsi on parlait de géocentrisme, théorie que tout le monde tenait pour vraie.Or, Copernic, au XVIe siècle, opposera à cette théorie une représentation "héliocentrique", selon laquelle la terretourne autour du soleil.

Et il s'avérera qu'il avait raison.

Cet exemple montre que tout le monde peut se tromper etque l'unanimité ne peut pas nous garantir contre l'erreur.

On aurait pu citer l'exemple du point de vue selon lequel laterre était plate, alors que plus tard il fut prouvé qu'elle est ronde. Certes, l'unanimité permet d'être en présence d'opinions conformes entre elles, mais comment prétendre qu'elle sontconformes à ce qui est, qu'elles sont vraies ? Lorsque je prends acte du respect nécessaire de l'exigence deconformité entre énoncés convergents que je tiens pour vrais, ce respect a trait à la "forme" et non à la "matière"des idées, autrement dit à l'accord des opinions entre elles et non à l'accord entre la réalité et le consentement quenous en avons.

En effet, comment pouvons-nous être sûrs que tout le monde ne soit pas dans l'erreur, alors quel'expérience et le passé ont déjà prouvé que tel pouvait être le cas ? L'expérience des erreurs collectives passéesprouve qu'il est tout à fait possible que tout le monde puisse se tromper et soit dans l'erreur, tout en prétendant lecontraire.

Ainsi, lors de la seconde guerre mondiale, même si Hitler et tous les nazis prétendaient que les juifs,considérés comme une race inférieure, devaient être éliminés afin de sauvegarder et de purifier la race aryenne,avaient-ils pour autant raison ? Le consentement qu'il ont recueilli alors a-t-il attesté qu'ils étaient dans le vrai ?Grâce à la propagande, cette idée avait pratiquement fait l'unanimité dans le peuple allemand, alors que ce n'étaitqu'un prétexte, pour trouver rapidement une solution à la crise économique.

Dans ce cas précis, était-il légitime dereconnaître la vérité grâce au seul critère de n'unanimité ? Il eut fallu vérifier si ce consentement était aussiconforme à ce qui est et non à ce que chacun pensait et voulait.

Ainsi l'unanimité pouvait limiter la prétendue véritéaux exigences et aux désirs de chacun, sans chercher à dire ce qui est.

Par ailleurs, certaines rumeurs, nous lesavons, peuvent faire l'objet d'un consentement général et ne pas dire pour autant la vérité.

Quant à la démocratie,supposant la loi de la majorité, et reposant selon Rousseau sur la volonté générale, c'est-à- dire de tous, elle futaussi l'objet d'une critique virulente chez Platon, qui s'opposait à cet idéal politique des Grecs de son temps.

Eneffet, il ne voyait pas la raison pour laquelle la majorité aurait toujours raison. En outre le critère de l'unanimité se heurte à une autre objection : la vérité reconnue à l'unanimité ne saurait êtreque provisoire.

Ce qui fait effectivement l'unanimité aujourd'hui, ne la fera peut-être plus demain.

Autrefois, lesGrecs étaient tous d'accord pour considérer l'orage comme une malédiction des dieux.

Pourtant, grâce à au progrèsdes sciences, l'homme a réalisé que l'orage n'est qu'un phénomène électrique, qu'il est capable d'expliquerrationnellement.

Par conséquent, ce qui faisait l'unanimité hier, cessait de la faire plus tard en s'avérant être faux.. Enfin, insuffisant, le critère de l'unanimité peut aussi nous amener, par confiance innée, à nous en remettreaveuglement à un consentement au sein d'un groupe, sans nous soucier de vérifier si cela correspond effectivementà ce qui est.

Ainsi risque-t-on de sombrer dans les préjugés, en se disant que tout le monde pense comme nous, etdonc que cela doit sûrement être vrai.

Notre activité de penser serait alors sacrifiée, car nous accepterions troprapidement celle des autres, sans même réfléchir et chercher les contredire. Par conséquent, il est évident que le critère d'unanimité n'est pas suffisant mais qu'il est provisoire, d'autant plusqu'il peut être source d'erreur.

Aussi serait-il préférable de le compléter par le critère de conformité entre ce quenous disons et ce dont nous parlons, critère qui permettrait de confirmer sa nécessité.

Somme toute l'unanimitéserait davantage une source possible de certitude, qu'une garantie vérité, en ce qu'elle nous apporterait la cautiondu point de vue des autres. Nous avons découvert que l'unanimité est, certes, un critère nécessaire à la détention de la vérité, mais qu'il n'estpoint suffisant, puisque, à lui seul, il ne peut nous assurer de dire vrai, d'autant plus que l'expérience démontre qu'ilest parfois source d'erreur.

Il semble donc bien que nous soyons dans l'incapacité de prouver la vérité, à l'aide de ceseul critère.

Il nous faut par conséquent prendre du recul à l'égard tout accord unanime au sein d'un groupe, enexerçant une vigilance critique permanente, en nous demandant si nous sommes véritablement dans le vrai. En radicalisant notre interrogation, nous pourrions aller jusqu'à nous demander s'il est possible de reconnaître lavérité, et s'il en existe un critère pleinement opératoire : l'homme n'est-il pas condamné à ignorer s'il dit vrai ? Belleleçon d'humilité !. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles