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L'oubli est-il préférable à la mémoire ?

Publié le 22/02/2012

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   Ici, ne sommes-nous pas conduits vers la seconde signification du terme condition ? La mémoire est condition de la vie humaine: car liée à la situation même de l'être dans le monde. Dans une existence vouée au temps et à la mort, l'homme peut se sauver, créer des permanences. Il n'est pas seulement voué à être séparé de lui-même, mais aussi à se retrouver par la mémoire.    Ainsi la mémoire fait oeuvre de fidélité et nous permet de nous affirmer responsables de ce que nous fûmes. En un double sens et peut-être davantage encore que l'oubli, elle est condition de la vie humaine : elle la rend possible, elle l'unifie. Elle est liée à une condi tion humaine maîtrisée et pacifiée par l'esprit.    Ainsi, par un retournement, c'est la mémoire qui semble à la fois la condition de l'existence humaine et le signe même de notre situa tion dans le monde. Si, en premier temps (thèse), nous avons vu à l'oeuvre un oubli nous permettant de nous construire, un oubli lié à notre situation existentielle fondamentale, ici le souvenir s'affirme, constructeur de la personne, lié à la condition humaine en son vrai sens. Mais comment unifier le travail de l'esprit, comment comprendre cette double dimension spirituelle, celle de l'effacement et celle du souvenir ?

« fondamentale ? Le temps et la matérialité mettent en moi l'oubli.

Si j'étais une pure conscience, indépendante ducorps, de la matière et de la temporalité, je ne connaîtrais pas l'oubli.

Me situant au point de rencontre d'une double existence, spirituelle et matérielle, je suis quasi contraint d'ou blier : l'oubli représente mon lot et mon destin.En un nouveau sens, très fort, oublier désigne la situation fondamentale de l'existant humain incarné dans un corps et soumis à la temporalité. Néanmoins, cela signifie-t-il que mon autre dimension spirituelle - me souvenir - ne constitue pas à la fois unedonnée de base et une vertu efficace permettant la construction de la personne ? Nous nous interrogeons ici surl'oubli comme condition de l'existence.

Mais qu'en est-il de cet acte par lequel je me souviens ? N'est-il pas, luiaussi, constitutif de la création de la personne et véritable condition de la vie humaine ? Comment, en effet, pourrait-on ignorer ou occulter la dimension dissolvante de l'oubli ? Condition de l'existenceet du bonheur, de l'adaptation et de la vie, il représente aussi une angoissante déposses sion de nous-mêmes,contre laquelle devra lutter le souvenir, condi tion même de toute existence humaine, de tout rapport à l'esprit, detoute constitution de la personne.

Pour accéder aux valeurs, à la morale, à la fidélité, sachons nous souvenir.Quand l'oubli nous fait perdre le contact avec notre passé et notre histoire, alors nous dirons que se souvenir estcondition de la vie humaine et ce au double sens du terme condition : se souvenir désigne l'acte permettant des'unifier et de se retrouver, de rassembler sa propre image : pensons au souvenir salvateur décrit par Proust, àla « mémoire affective » gardant l'essence même du passé et nous apportant peut-être une promesse d'éternité. Ici le souvenir est condition de la vie humaine et de l'accès à l'esprit.

Tel est le sens de la recherche proustienne: l'artiste sauve le temps perdu ; l'art véritable fait oeuvre de mémoire.

Sans mémoire, nulle unité spirituelle à l'œuvre contre les forces de démolition temporelle, contre l'irréversible qui nous dépouille de nous-mêmes.

Par lamémoire affective, quand une impression passée revit en nous à travers une sensation présente, mais aussi parl'art véritable qui est mémoire, une tâche spirituelle authentique s'effectue.

Proust nous a montré, dans A la recherche du temps perdu , que la réalité authentique ne se forme et ne, se forge que par l'acte même de la mémoire.

Ce qui paraissait périssable, contingent, mortel, la mémoire lui donne profondeur, durée, réalité,consistance.

Elle transmute en une joie impérissable ce qui semblait promis à la mort.

L'art prolonge cet effort : iléternise, il transforme en « substance ». Le grand art est mémoire : il sauve les apparences, il les transmute en une essence éternelle.

Grâce à lui, lepérissable acquiert une di mension d'éternité.

Tel est le sens de l'œuvre proustienne, mais aussi de tout grand art(comme la musique) qui est mémoire spirituelle.

Souvenons-nous du Septuor de Vinteuil, dont nous parle tantProust : la musique est mémoire et apporte le secret du monde et des choses.

La mémoire véhicule unequintessence spirituelle. Ici, ne sommes-nous pas conduits vers la seconde signification du terme condition ? La mémoire est condition de la vie humaine : car liée à la situation même de l'être dans le monde.

Dans une existence vouée au temps et à la mort, l'homme peut se sauver, créer des permanences.

Il n'est pas seulement voué à être séparé de lui-même,mais aussi à se retrouver par la mémoire. Ainsi la mémoire fait oeuvre de fidélité et nous permet de nous affirmer responsables de ce que nous fûmes.

Enun double sens et peut-être davantage encore que l'oubli, elle est condition de la vie humaine : elle la rendpossible, elle l'unifie. Elle est liée à une condi tion humaine maîtrisée et pacifiée par l'esprit. Ainsi, par un retournement, c'est la mémoire qui semble à la fois la condition de l'existence humaine et le signemême de notre situa tion dans le monde.

Si, en premier temps (thèse), nous avons vu à l'œuvre un oubli nouspermettant de nous construire, un oubli lié à notre situation existentielle fondamentale, ici le souvenir s'affirme,constructeur de la personne, lié à la condition humaine en son vrai sens. Mais comment unifier le travail de l'esprit, comment comprendre cette double dimension spirituelle, celle del'effacement et celle du souvenir ? Reprenons, en effet, l'idée de condition de la vie humaine, au sens fort du terme, comme situation fondamentalede l'être dans le monde.

Ce qui éclaire cet être dans le monde, c'est le libre projet humain qui s'y transcende,s'efforçant de donner sens aux choses.

Or, oublier et se souvenir désignent deux modalités du pour-soi, deuxmanières d'être complémentaires de l'existence humaine.

Me projetant vers le futur, je décide d'effacer ou de faireoeuvre de mémoire, pour donner un sens aux choses.

Oublier et se souvenir sont des modes de cettetranscendance.

L'un et l'autre sont des conditions de la vie hu maine et sont liés à la condition de la vie humaine.Il semble donc impossible de privilégier l'oubli, comme semblait peut-être nous le suggérer l'intitulé du sujet, Qu'ilsoit conçu comme condition au sens premier (fait dont l'existence est indispensable pour qu'un autre fait soit) ouau sens second (comme situation), l'oubli ne saurait être privilégié aux dépens de la mémoire .

Oubli et mémoire, ces deux facettes de l'existence humaine, nous permettent de nous construire et de nous édifier. Bien plus, l'oubli, sous un certain angle, n'est que l'organe de la féconde mémoire, ce véritable travail spirituel. Ainsi, exister, c'est donner, par son projet, un sens à notre futur et aux choses.

Oubli et mémoire ne peuvent secomprendre que comme des « modes » de cet acte de transcendance libre, fécond, donneur de sens.

Comprissous cet angle, l'acte d'oublier ne saurait être séparé du souvenir : l'un et l'autre sont des façons d'apporter sensà notre vie, des conditions de l'existence humaine.. »

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