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L'irréalisme byzantin et son influence

Publié le 26/02/2010

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Il n'est pas aisé d'enfermer en peu de pages la définition et l'évolution de la peinture byzantine. La première difficulté vient du cadre historique dans lequel elle s'inscrit. Le mot même de " byzantin " appelle un commentaire, sinon des réserves, et peut-être parlerait-on plus justement d'art " chrétien d'Orient ". Chrétien, parce qu'il se constitue au moment où s'affirme le triomphe du christianisme, et que jusqu'au terme de son histoire il restera d'abord serviteur de l'idée chrétienne. Oriental, parce que l'époque de sa formation est justement celle où se relâchent les liens politiques de l'Empire romain, qui avait été, malgré toutes les atténuations qu'il faut apporter, un empire occidental ; celle où se réveillent les nationalismes orientaux, en Égypte, en Grèce, en Syrie et Palestine, en Asie Mineure, en même temps que les traditions artistiques locales ; celle enfin où l'ancienne Rome, sous la menace des barbares, se voit dépossédée de sa primauté au profit de la Nouvelle Rome, puisque tel est le nom que tout au long de son histoire portera Byzance, ville orientale par la géographie, par la population, par la langue. Le rôle propre de Byzance sera d'ailleurs considérable, et dans une large mesure justifie les expressions d'art " byzantin " et de " peinture byzantine ". Pendant onze siècles, la ville inaugurée en 330 par Constantin remplira son rôle de capitale d'empire comme aucune autre cité dans l'histoire ne l'a fait. Attaquée sans cesse et de tous côtés, elle résistera, et protégera de ses puissantes murailles la lente transmutation par le génie grec des influences nombreuses et diverses, dont la fusion formera la civilisation byzantine. Après avoir recueilli des mains défaillantes de Rome ce qui pouvait être sauvé de l'héritage antique, elle l'enrichira de toutes les forces nouvelles que sa gloire attirait vers elle. Il ne faut cependant pas oublier que son rôle, au moins dans les premiers siècles, fut surtout d'ordonner, d'harmoniser, de confronter, de susciter et méconnaître la part créatrice des provinces et des pays périphériques.

« une clientèle aristocratique où le goût de l'antiquité païenne et de la mythologie était resté vif, ont souvent adaptéà ce goût archaïsant le choix de leurs sujets : ainsi tout naturellement les miniaturistes illustrant les textesprofanes.

Enfin nous savons, malgré la perte immense que représente la disparition du décor des grands palais, quedes mosaïques et des fresques nombreuses et magnifiques étaient consacrées à ce que l'on pourrait appeler le cycleimpérial.

Mais s'agit-il bien d'art profane ? Plutôt d'un autre aspect de l'art religieux.

Il faut se souvenir quel'empereur byzantin n'est plus le magistrat que voulait être l'empereur romain.

C'est un souverain oriental, telqu'avaient été les grands rois de l'Orient ancien, revêtu d'un caractère sacré, incarnation terrestre de la divinité.

Ense mettant à son service, comme il l'avait fait déjà en Assyrie ou en Perse, l'art reste au service de la divinité.

Lesgrandes compositions montrant l'empereur couronné par Dieu, ou célébrant les victoires du prince toujourstriomphant, ou exaltant au moyen du vieux thème oriental de la chasse royale la force et la vigueur physique dusouverain, symbole encore de sa toute-puissance, sont en fait l'expression picturale d'une liturgie impériale qui est lecorrespondant et comme le reflet de la liturgie divine, comme se correspondent aussi la hiérarchie terrestre et lahiérarchie céleste, la cour de l'autocrator et celle du pantocrator. La peinture byzantine, transcendantale et irréaliste, est donc avant tout l'expression d'une théologie, divine ouimpériale.

Par là on pourrait dire, l'opposant à l'art classique comme à l'art du moyen âge occidental, qu'elle serattache à une conception orientale de l'art et de sa mission.

Et c'est la même opposition, ce sont encore descaractères orientaux, que l'étude de la technique, si nous avions le loisir de l'entreprendre, nous ferait découvrir : lacouleur prenant le pas sur le relief, les jeux d'ombre et de lumière tenant lieu de volume, la disparition progressive dela profondeur, la préférence de plus en plus nettement donnée à la valeur décorative et ornementale sur la formemodelée dans l'espace, bref, l'emploi d'une technique de " l'aplat " qui correspond en peinture à ce qu'est lechamplever en sculpture ou le cloisonné en émaillerie, et qui trouve dans la mosaïque son moyen d'expression le plusparfait. Mais il faut se garder du préjugé d'après lequel la peinture byzantine, soumise à une discipline stricte et à descontraintes rigoureuses, se serait de bonne heure figée dans une tradition, immobilisée dans un hiératisme où l'onretrouverait encore des caractères propres à l'Orient.

Ce préjugé est doublement injuste : parce qu'il y a dans lestyle, sinon dans l'iconographie, une extrême variété, et parce qu'au cours de son existence plus que millénaire lapeinture chrétienne d'Orient connaît une évolution dont les grandes étapes peuvent être aisément discernées. La variété du style, qui appartient en propre à l'artiste et que toutes les exigences de la commande ne peuvent luiôter, naît de deux oppositions : entre l'esprit grec et l'esprit oriental, entre l'art aristocratique et l'art populaire.

Lapremière exprime la dualité ethnique de l'Empire byzantin.

Les provinces baignées par la Méditerranée ont toujoursconservé quelque chose de la tradition grecque, la mesure dans les sentiments, la réserve dans l'expression, tandisque les provinces intérieures, celles par exemple de l'arrière-pays anatolien, sont imprégnées de l'esprit oriental, plusrude, plus violent, plus dramatique.

En ce sens on peut parler, sans exagérer toutefois l'importance de cettedistinction, d'un style grec et d'un style oriental, dont de bons exemples seraient les mosaïques de Daphni pour lepremier, les fresques de Cappadoce pour le second.

L'opposition entre l'art aristocratique et l'art populairecorrespond à une différence de clientèle, qui se comprend de soi-même, mais fut peut-être plus marquée dans l'artbyzantin que dans tout autre.

On en trouve les meilleurs exemples dans la peinture de chevalet, les icônes, lesminiatures : ainsi dans le contraste entre la somptueuse illustration des psautiers dits justement " aristocratiques ",grandes miniatures à fond d'or et en pleine page qui sont de véritables tableaux, et celle des psautiers populaires,simple illustration marginale, anecdotique et parfois même satirique.

Or, c'est le style aristocratique, celui desmosaïques de Kabrié Djami ou du ménologe de Basile II, qui a produit les chefs-d'oeuvre de la peinture byzantine ;mais c'est le style populaire, ou plus exactement c'est au fond la même chose le style monastique qui finit parl'emporter. Dans l'évolution de la peinture byzantine, et particulièrement de la décoration des églises, on peut distinguer quatreétapes essentielles : symbolique, historique, dogmatique, narrative.

La peinture " symbolique " est celle descatacombes, ou de monuments tels que le mausolée de sainte Constance : l'art chrétien, hostile alors à lareprésentation des personnages ou des sujets sacrés, emprunte au répertoire païen, alexandrin surtout, des motifsauxquels on savait prêter un sens symbolique, la colombe, le jardin plein de fleurs, le bon pasteur au milieu de sesbrebis, les vendanges, le pressoir.

Avec le triomphe du christianisme apparaît le décor " historique ", dont lesprincipes sont posés, à la fin du Ive siècle, dans la lettre fameuse que saint Nil écrivit à l'exarque Olympiodore, pourl'inviter à orner l'église qu'il venait de construire non plus avec des scènes de chasse ou de pêche comme il avait leprojet de le faire, mais avec des scènes empruntées à l'Ancien et au Nouveau Testament, afin de contribuer ainsi àl'édification des fidèles.

Ce puissant mouvement créateur s'étend sur le IVe, le Ve et le VIe siècles, et s'achève dansles grands ensembles décoratifs du règne de Justinien.

Tout fut remis en question, aux VIIIe-IXe siècles, par la criseiconoclaste, dont l'une des conséquences, je l'ai dit déjà, fut l'influence profonde exercée sur Byzance par l'artaniconique de l'Islam.

Mais les images devaient enfin triompher, et leur triomphe fut aussi celui de leur plus ardentdéfenseur, le parti monastique.

Une iconographie nouvelle naquit, fondée sur le respect des modèles anciens,chargée d'une signification théologique : la peinture devient " dogmatique ", et, plus encore que l'art chrétien,représente l'art de l'orthodoxie.

Sous les empereurs macédoniens, sous les Comnènes, elle produit des chefs-d'oeuvre tels que les mosaïques de Daphni et de Saint-Luc en Grèce, et exerce au loin son influence, à Venise, dansl'Italie méridionale et la Sicile normande, dans la Russie des princes de Kiev, dans la Bulgarie et la Serbie.

Puis, denouveau, tout est compromis par la quatrième Croisade, l'un des événements les plus funestes de l'histoiremédiévale.

Économiquement, politiquement, Byzance ne se releva jamais de sa ruine.

La dynastie des Paléologuesdevait cependant lui assurer deux siècles de survie, qui se trouvent être aussi deux siècles d'activité artistiqueremarquable.

Sans doute, l'appauvrissement est partout visible.

Mais en même temps naît un art plus libre, et dans. »

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