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L'inaliénabilité de la liberté comme fondement du droit. Étude du Livre I, chapitre IV du Contrat Social de Jean-Jacques Rousseau

Publié le 22/02/2012

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Introduction Le Contrat Social de Rousseau, publié en 1762, s'interroge sur les conditions de possibilité d'établissement d'un pouvoir politique légitime, c'est-à-dire d'un pouvoir capable de garantir la liberté et l'égalité des citoyens. Il s'agit pour le philosophe de trouver le fondement logique d'une autorité capable de protéger le droit fondamental et naturel de l'homme, sa liberté, qui fonde sa qualité d'homme. Le problème qu'il se pose est donc le suivant : Comment l'entrée de l'homme dans l'état civil et sa soumission à une autorité peuvent-elles garantir sa liberté ? En posant comme principe premier de toute organisation politique la liberté de l'homme, Rousseau pourra montrer que seul un pacte engageant la totalité des citoyens de façon réciproque peut garantir la liberté et l'égalité de chacun, le fondement de tout corps politique s'établissant à partir du contrat social dont la souveraineté populaire et la volonté générale sont le principe. Faisant de la liberté le droit premier et inviolable de l'homme, Rousseau commence par montrer que le droit ne saurait être fondé sur une quelconque autorité naturelle d'un homme, tous les hommes naissant libres et égaux, ni sur la force ; seules les conventions établissent la légitimité politique. Néanmoins seule une convention prenant le respect de la liberté de l'homme comme principe premier sera légitime ; de fait, le chapitre IV, intitulé De l'esclavage, attaque la thèse absolutiste (Grotius, Hobbes et Pufendorf) d'une servitude volontaire et contractuelle, qui fait du pacte social un pacte de soumission et entend légitimer l'aliénation de sa liberté par l'homme. Rousseau va ainsi poser l'inaliénabilité de la liberté comme fondement du droit.
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« Dans le paragraphe suivant Rousseau reprend la même démarche pour critiquer cette fois-ci la thèse de l'hérédité del'esclavage.

De la même façon que le fait de l'esclavage, c'est-à-dire l'existence d'hommes capables d'aliéner leurliberté, ne permet pas de justifier un tel acte pour un peuple entier et ne fonde donc en aucun cas un droit, lasoumission de certains hommes à un régime illégitime ne devrait pas maintenir une telle situation car chaque hommenaît libre et est libre de décider pour lui-même du destin de sa liberté.

Ici Rousseau renforce sa défense de laliberté, puisque après avoir relié la folie et la servitude, soit la liberté et la raison, il relie directement l'humanité del'homme à sa qualité d'homme libre en en faisant un droit naturel.

La formule « ils naissent hommes et libres »souligne l'inséparabilité de l'humanité d'un individu et de sa qualité d'être libre.

Reprenant ce qu'il a déjà développéau chapitre second, il montre alors, contre Aristote qui affirmait l'existence d'esclave par nature, que nul hommen'est esclave de naissance car tout homme naît naturellement libre, la liberté étant son droit le plus originel etfondamental.

Si le père peut prendre des décisions au nom de l'enfant jusqu'à ce que celui-ci ait atteint l'âge deraison, il ne peut en aucun cas lui prendre sa liberté car celle-ci est un don naturel, une qualité intrinsèque de touthomme.

De plus, si l'autorité parentale est justifiée par la loi de nature qui exige des parents qu'ils s'occupent deleurs enfants le temps où il ne leur est pas encore possible de se préserver seul, c'est la même loi de nature quidonne à tout homme sa liberté : vouloir abuser de l'autorité que la position parentale accorde au père en aliénant laliberté de son enfant serait donc contre-nature et ne légitimerait plus son autorité, elle-même relevant d'un droitnaturel.

Les expressions « en leur nom », « pour leur conservation » et « pour leur bien être » soulignent par ailleursqu'il s'agit plus ici d'un devoir que le père a envers son enfant que d'un droit, tout en indiquant bien la nature de leurrelation : une relation qui ne doit avoir pour but que l'intérêt de l'enfant dont la liberté est déléguée au père.

Unefois devenu adulte l'enfant ne doit plus rien à ses parents, et le lien qui unit une famille n'est plus alors naturel maisconventionnel, or Rousseau démontre justement que seule une convention reposant sur le libre accord des deuxparties est légitime.

De fait, pour qu'un gouvernement « arbitraire », c'est-à-dire au sein duquel l'homme aurait faitle choix de déposer ses droits, sans garantie ou contrepartie, soit légitime, cela requiert que chaque homme et lepeuple en son ensemble ait librement décidé d'y adhérer, or Rousseau vient de démontrer qu'une libre décision nepeut mener à une pareille décision qui est un acte de folie. La dignité de l'être humain, et ce qui le distingue d'une simple chose ou d'un animal, est donc d'abord sa liberté quis'exprime dans sa raison et que seul il possède en propre.

On voit bien ici que, là où la tradition philosophique reliaitprincipalement la nature humaine à la raison, Rousseau place en premier plan la liberté de l'homme.

C'est ainsi queRousseau peut écrire « renoncer à sa liberté c'est renoncer à sa qualité d'homme, aux droits de l'humanité, même àses devoirs ».

Plus qu'un simple droit naturel, la liberté est de ce qui fonde l'humanité de l'homme et le distingue dureste des vivants ; c'est elle qui lui permet, une fois sa raison développée, de se maintenir en vie, d'user de saraison, de faire des choix, donc renoncer à celle-ci voudrait dire renoncer à sa qualité d'homme.

Il ne s'agit pas d'unsimple droit mais surtout d'un devoir qu'il a envers lui-même.

Cette célèbre formule sera reprise dans la déclarationuniverselle des droits de l'homme et inscrit dès lors la pensée rousseauiste à l'origine de la pensée politique moderneet de la tradition démocratique.

Rousseau ajoute qu' « il n'y a nul dédommagement possible pour quiconque renonceà tout », soulignant une fois encore qu'aucune contrepartie ne saurait être reçue contre la liberté, celle-ci n'ayantpas de prix.

Renoncer à sa liberté c'est donc renoncer à « tout » c'est-à-dire à toute vie proprement humaine.L'inaliénabilité de la liberté est donc un droit naturel, qui fonde le droit politique et permet la moralité humaine, carseul un être capable de décider d'une volonté libre peut être reconnu comme un être moral c'est-à-dire responsable.Par ailleurs, c'est seulement si l'homme se reconnaît comme un être libre par nature qu'il pourra accorder cettequalité aux autres et agir moralement.

Il faut donc que la liberté soit reconnue comme le droit fondamental del'homme au niveau du droit naturel comme du droit politique.

La liberté est ainsi la clé de voûte de tous lessystèmes, de la loi naturelle, de la loi morale et surtout de la loi politique car seule une convention reposant sur lelibre accord des deux parties mérite ce nom.

Penser un contrat de soumission entre « une autorité absolue » et «une obéissance sans bornes », n'est pas penser une convention mais un pacte absurde et vain que l'absence delogique rend nul : en effet, abandonner tous ses droits à un autre individu c'est abandonner le droit de revendiquerses droits en cas d'injustice (car alors le maître n'aurait aucun intérêt à employer les droits de l'esclave contre lui)et renoncer à se considérer comme sujet car tous mes droits sont désormais entre les mains d'un autre.

C'est doncse nier comme sujet de droits, donc comme homme et se donner comme chose.

Outre l'absurdité logique d'un telacte, mise en exergue par la formule répétitive et volontairement lourde « ce droit de moi contre moi-même est unmoi qui n'a aucun sens », Rousseau souligne une fois encore que la liberté est le seul droit inaliénable de l'homme carle choix d'instaurer une relation conventionnelle part d'elle et ne peut donc l'abolir en même temps. Ces trois paragraphes permettent à Rousseau de fonder les bases de sa pensée politique en faisant de la liberté lacondition même de l'homme, et de la réciprocité libre la condition d'une convention légitime.

Le problème auquel il luifaut maintenant répondre est de savoir comment trouver un système légitime dans lequel l'homme consente à sesoumettre à l'autorité de la loi sans pour autant devoir abandonner sa liberté.

C'est le contrat social, conçu commeun pacte non plus de soumission mais comme un pacte de « chacun avec tous », comme une véritable convention,qui va lui permettre de pouvoir penser un système dans lequel la liberté reste la pierre de touche.

En effet, ce n'estque si la convention part d'une décision librement consentie qu'elle sera juste ; par ailleurs, seul un acte réciproquepermet un accord juste.

On voit déjà se profiler la solution rousseauiste qui consistera à faire résider la légitimitépolitique dans l'acte collectif par lequel chaque individu déléguant sa liberté en même temps que les autres, aucunne se donne à aucun en particulier et tous se donnent ensemble pour fonder le corps social et obtenir une libertépolitique garantie par le droit.

Cette pensée fonde non seulement le courant politique moderne mais aussi la penséedémocratique de l'homme que l'on retrouvera dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et du Citoyen.. »

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