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L'illusion est-elle réductible à l'erreur ?

Publié le 24/05/2009

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illusion

La difficulté de ce sujet réside dans son apparente clarté. En effet la tentation peut être grande de répondre immédiatement non à la question posée en assortissant cette réponse de simples exemples. Si l'on procède ainsi, l'on ne tardera pas à tourner en rond. Nous conseillons non seulement d'analyser, dans différents contextes, le concept d’« illusion «, mais encore d'étudier, ne serait-ce que succinctement, le concept d’« erreur «. C'est même par l'étude de ce dernier concept que nous suggérons de commencer. Ensuite, nous pensons qu'il serait bon de progresser de façon régulière dans l'analyse de l'illusion en partant de l'illusion sensible et de l'illusionnisme pour aboutir au rapport métaphysique entre le jeu et l'illusion.

illusion

« signifie pas qu'ils en soient privés car il n'est pas dans leur nature d'en posséder.

Tel n'est pas le cas de l'hommechez qui l'absence de jambes n'est plus une simple négation mais une véritable privation.

L'erreur apparaît comme «une privation de quelque connaissance qu'il semble que je devrais posséder » (ibid.).

Il faut donc poursuivrel'analyse.

Comment Dieu, qui est tout-puissant et « veut toujours ce qui est le meilleur » a-t-il pu donner à l'homme« quelque faculté qui soit imparfaite en son genre » (ibid.)? Pourtant l'homme se trompe.

Alors? Alors il convientd'abord de faire justice à Dieu de l'erreur.

Le responsable de l'erreur, ce n'est point Dieu, c'est l'homme.

Cette façonde procéder, qui est loin de desservir, comme on pourrait le croire au premier abord, la cause de l'homme, Leibniz,l'étendant au problème du mal, lui donnera un nom qui est aussi le titre d'un de ses livres : la Théodicée [du grectheos : dieu et dikè : justice].

Nous ne pouvons, sous peine d'allonger trop notre texte, entrer dans les détails desarguments avancés par Descartes.

Nous constatons donc ce point sans rigoureusement l'établir car il nous fautavancer.

Que l'erreur vienne de l'homme et non de Dieu ne nous dit pas encore pourquoi l'homme se trompe.

Qu'est-ce qui, chez l'homme, rend possible l'erreur? En poursuivant son analyse, Descartes découvre que les erreurs del'homme ont leur source dans le « concours de deux causes », la puissance ou faculté de connaître (l'entendement)et la puissance ou faculté « d'élire » (la volonté).

Il faut ici se montrer attentif.

Descartes précise bien que c'est du« concours » de ces deux facultés que naissent mes erreurs? » : « C'est à savoir de cela seul que la volonté étantbeaucoup plus ample et plus étendue facultés parfaites.

L'entendement seul ou la volonté seule ne sont pas causesdes erreurs de l'homme.

C'est seulement lorsque l'homme fait marcher ensemble ces deux facultés qu'il peut setromper.

Mais à quelle occasion y a-t-il collaboration de l'entendement et de la volonté ? A l'occasion du jugement.C'est donc le jugement qui, en rassemblant les deux facultés, donne lieu à l'erreur.

Allons jusqu'à dire que lejugement est pour Descartes le lieu où l'erreur est possible.

Mais comment au juste l'erreur se produit-elle ? « D'oùest-ce donc que naissent mes erreurs ? » : « C'est à savoir de cela seul, de cela seul que la volonté étantbeaucoup plus ample et plus étendue que l'entendement, je ne la contiens pas dans les mêmes limites, mais que jel'étends aussi aux choses que je n'entends pas; auxquelles étant de soi indifférente, elle s'égare fort aisément, etchoisit le mal pour le bien, ou le faux pour le vrai.

Ce qui fait que je me trompe, et que je pèche » (ibid.) L'erreurnaît ainsi, au niveau du jugement, d'une discordance entre l'entendement et la volonté, laquelle consiste «seulement en ce que pour affirmer ou nier, poursuivre ou suivre les choses que l'entendement nous propose, nousagissons en telle sorte que nous ne sentons point qu'aucune force extérieure nous y contraigne » (ibid.).

La volontéest liberté.

Mais l'homme, précisément parce qu'il possède en lui ce libre arbitre, peut en faire un mauvais usage si la« connaissance de l'entendement » ne précède plus « la détermination de la volonté ».

Récapitulons.

L'erreur serencontre dans la sphère du jugement.

Mais si l'on peut dans cette sphère rendre raison de l'erreur, en va-t-il demême pour l'illusion ? L'illusion est-elle réductible à l'erreur?Pour le savoir, examinons d'abord ce que l'on appelle l'illusion sensible, c'est-à-dire l'illusion qui intervient au niveaudes sens.

L'illusion d'optique en est un cas privilégié.

Un bâton parfaitement droit, une fois plongé dans l'eau,m'apparaît cassé.

Je sais bien que ce phénomène est dû à des lois optiques relativement simples, mais vais-je direen le voyant que je me trompe et que je suis dans l'erreur ? De même, je sais pertinemment que le soleil n'est pasen réalité tel qu'il m'apparaît, mais là encore, suis-je dans l'erreur lorsque je perçois le soleil ainsi? Pourrais-jed'ailleurs le percevoir autrement ? Dans une de ses Fables, La Fontaine a repris ces deux exemples fort classiques.Écoutons-le :J'aperçois le soleil : quelle en est la figure? [la forme] Ici-bas ce grand corps n'a que trois pieds de tour; Mais si je levoyais là-haut dans son séjour,Que serait-ce à mes yeux que l'oeil de la Nature ? Sa distance me fait juger de sa grandeur;Sur l'angle et les côtés ma main la détermine.(I) En ce qui concerne l'exemple du soleil, cf.

Descartes.

Troisième Méditation: «Je trouve dans mon esprit deuxidées du soleil toutes diverses; l'une tire son origine des sens (d'après celle-ci, dit Descartes, le soleil apparaît«extrêmement petit »)...

l'autre est prise des raisons de l'astronomie (le soleil se révèle alors être « plusieurs foisplus grand que toute la terre »).

Descartes ajoute : « ...

et la raison me fait croire que celle qui vientimmédiatement de son apparence est celle qui lui est le plus dissemblable.

»Cf.

aussi Spinoza, Éthique.

Livre II.

Proposition 35.

Scolie.

(Pour la signification du mot scolie, cf.

dans ce livre p.185.)L'ignorant le croit plat : j'épaissis sa rondeur; Je le rends immobile, et la terre chemine.Bref, je démens mes yeux en toute sa machine : Ce sens ne me nuit point par son illusion.Mon âme, en toute occasion,Développe le vrai caché sous l'apparence;[...]Quand l'eau courbe un bâton, ma raison le redresse : La raison décide en maîtresse.(Fables, Livre VII, 18 : Un animal dans la lune.)Nous constatons en lisant cet extrait de la fable qu'il repose sur une opposition entre ce qui est et ce qui apparaît.L'être des choses, leur vérité, est masqué par les apparences.

Mais la raison, jugeant souverainement, fait tomber lemasque, dément la perception confuse et rétablit la vérité.

La Fontaine qui à plusieurs reprises dans ses Fablesprend ses distances par rapport à Descartes, notamment en ce qui concerne le problème de l'animal-machine, sesitue ici dans une perspective qui, pour ne pas être strictement cartésienne, est néanmoins assez proche des vuesde l'auteur du Discours de la Méthode.

Car s'il est vrai que la raison redresse le bâton, il faut bien comprendre qu'untel redressement et qu'une telle rectification n'interviennent qu'au niveau du jugement.

Au niveau de la perceptionen effet, le bâton ne peut pas m'apparaître autrement que cassé.

C'est là, à ce niveau, que se situe l'illusionsensible.

Le démenti que le jugement apporte à l'illusion peut certes empêcher celle-ci de me nuire, autrement dit dem'induire en erreur, mais il ne peut en aucun cas l'empêcher d'exister.

On aura beau m'expliquer les raisons pourlesquelles le bâton m'apparaît cassé, j'aurai beau entendre ces raisons, je ne pourrai pas faire que le bâton nem'apparaisse pas cassé.

Prenons un dernier exemple : celui des droites de Müller-Lyer.

Il s'agit de deux segments dedroite qui sont, par construction, rigoureusement de même longueur.

Mais, de par l'orientation des flèches, ils sont. »

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