L'IDÉE DE « MATIÈRE » DE L'OEUVRE D'ART ?

Aristote est commode au philosophe débutant, à l'honnête homme inquiet de la langue et de la dialectique du penseur professionnel, mais ouvert aux choses de l'esprit : Aristote est au ras du sens commun. Empruntons-lui quelques notions. La pierre, l'arbre sont, disait-il, produits naturels ; la maison, la table, la tunique, produits artificiels. Les uns sont de la nature, les autres de l'homme. Or l'oeuvre d'art est d'abord oeuvre de l'homme, et l'artiste d'abord ouvrier. Faire une oeuvre, fabriquer, ce n'est pas nécessairement faire une oeuvre d'art, mais faire une oeuvre d'art, c'est toujours oeuvrer.  Qu'est-ce donc qu'une œuvre ? Faire une maison avec des pierres, des briques ou du ciment armé, faire un complet veston avec un tissu écossais, faire des cuillères et des fourchettes avec de l'argent ou du vermeil, c'est, pour l'entrepreneur, le tailleur ou l'orfèvre, donner à une matière une certaine forme. L'oeuvre, dirait toujours Aristote, est un composé de matière et de forme, la forme étant imposée à la matière par l'action de l'homme, action dirigée par une idée. La glaise ou le marbre, la toile et les couleurs, sont au sculpteur et au peintre ce que le tissu est au tailleur et le vermeil à l'orfèvre. L'artiste comme l'ouvrier informe la matière.