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L'explication par analogie. Ses diverses formes. Sa valeur. ?

Publié le 23/06/2009

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Ainsi que l'a bien montré Émile Meyerson, la loi fondamentale de la pensée est le principe d'identité. Dans la diversité qui se présente à lui, l'homme cherche l'identique. Ne trouvant que des individus différents les uns des autres, il ne peut constater de véritables identités. Alors, cette identité qui n'existe pas, il la fait; il identifie : pour lui, expliquer, c'est identifier. Toutes les parcelles d'une certaine matière jaune, résistante et malléable, il les appelle du même terme : c'est de l'or. Toutes les parcelles d une substance de propriétés analogues mais blanche, il leur attribuera également un même nom : ce sera de l'argent. A l'or et à l'argent, ainsi qu'au cuivre, au plomb, etc., il donnera un même nom qui rappelle les propriétés communes à ces substances : le nom de métal Identifier le divers paraît à première vue contradictoire : l'esprit a beau affirmer; après son affirmation, les choses resteront ce qu'elles étaient; si elles étaient vraiment diverses, elles resteront diverses. Aussi n'est-ce pas les choses que le savant identifie, mais une idée : il ne dit pas que la pépite découverte par un chercheur d'or est identique au louis que le paysan conserve jalousement dans son bas de laine; il dit seulement que les propriétés physico-chimiques du louis et celles de la pépite sont identiques : l'identité de ces résultats légitime son identification. Malheureusement, il est des cas dans lesquels ce contrôle n'est pas possible. Par exemple, je puis bien affirmer que Pierre a le même caractère que Jean : il me sera pratiquement impossible de vérifier rigoureusement cette assertion. Tandis, en effet, que je puis faire agir sur deux parcelles d'or le même acide dans des circonstances identiques, je ne pourrai jamais réaliser cette identité pour expérimenter sur Pierre et sur Jean. A plus forte raison une expérimentation scientifique sera-t-elle incapable de contrôler si la situation de la France actuelle est la même que celle de l'empire Romain d'il y a vingt siècles ou de l'Allemagne d'hier. Dans ces cas, l'esprit procède toujours par identification : il dira : Pierre a le même caractère que Jean; nous sommes dans là même situation que l'Allemagne il y a dix ans. Mais si on nous demandait des précisions nous serions obligés d'avouer qu'il n'y a entre Pierre et Jean, entre l'Allemagne et la France, rien d'identique : il n'y a que des analogies; nous ne donnons de Pierre et de la France qu'une explication analogique. En quoi consiste cette explication analogique dont nous faisons un si fréquent usage ? Quelles sont ses diverses formes et quelle est sa valeur ?

« et par là mieux comprendre.

Mais, nous l'avons dit, parler métaphoriquement, c'est parler par analogie.Ces! par analogie encore que le philosophe se représente l'âme et Dieu.

Nous n'avons en effet l'idée propre que dumonde matériel.

Nos idées ne peuvent nous faire comprendre l'âme et Dieu que grâce aux analogies qu'il y a entre lamatière et l'esprit, entre la créature et le créateur:L'âme (animus), l'esprit (spiritus), c'est au sens propre, le vent, le souffle.

Mais le vent est dans le monde matérielce qu'il y a de moins matériel : voilà l'analogie qui a fait choisir les mots animus et spiritus pour désigner ce qui n'estpoint matériel.

Les opérations de l'âme; elles aussi, sont représentées par des images empruntées au monde matériel: comprendre, c'est saisir dans son ensemble; expliquer, c'est déplier ou déployer; la conception est, au senspropre, un phénomène biologique, et lorsque Louis Lavelle écrit : « Les idées nous appartiennent juste comme nosenfants...; nos enfants vivent devant nous et non pas pour nous, d'une vie dans laquelle la nôtre se reconnaît et seprolonge, mais qui pourtant nous dépasse et nous émerveille », il ne fait que développer l'analogie, un peu oubliée,impliquée dans les mots concept et conception.De même, appliqués aux créatures et appliqués à Dieu, les termes n'ont qu'un sens analogue.

La bonté et la justicedivines ne sont pas la bonté et la justice humaines : il n'y a entre elles qu'une ressemblance, l'attitude de Dieu àl'égard de l'homme juste est celle de l'homme à l'égard de celui qu'il estime juste.

Mais Dieu reste Dieu et l'hommen'est qu'un homme et on ne saurait transporter en Dieu tout ce que le psychologue observe en l'homme : le divin etl'humain ne sont pas du même ordre; entre les deux ordres, il n'y a que des analogies.

Cependant ces.

analogiesrestent précieuses : elles sont le seul moyen pour l'homme de s'élever jusqu'à la connaissance de Dieu, de lecomprendre dans une certaine mesure et de l'expliquer.Mais expliquer a un sens plus précis et plus étroit ; « expliquer un objet de connaissance, c'est montrer qu'il estimpliqué par une ou plusieurs vérités déjà admises ».

On explique un théorème de géométrie en faisant voir qu'il estimpliqué dans un théorème déjà démontré.

On explique un fait d'expérience physique ou chimique en montrant qu'ilétait impliqué dans ses antécédents, qu'il n'est qu'une conséquence naturelle et nécessaire de ces antécédents.Expliquer c'est donc identifier.

m Expliquer par analogie ne consistera pas à parler strictement, à identifier, puisqueentre deux faits analogues il y a ressemblance et non identité.

L'explication par l'analogie se ramène à un simplerapprochement de faits dont l'un, assez clairement connu, projette une certaine clarté sur l'autre.

On voit donc ladifférence qu'il y a entre l'explication ordinaire ou par identité et l'explication par analogie.

Dans le premier cas5 nousdécouvrons, entre le fait nouveau à expliquer et le fait ancien, un élément identique; dans le second cas, il nous estimpossible d'isoler cet élément identique, et nous devons nous contenter d'une ressemblance.Pour faire saisir cette différence, prenons deux exemples analogues.Voici un homme à qui est familier le principe de la machine à vapeur et qui ne connaît pas le moteur à explosion queje me propose de lui expliquer.

Je lui dirai : « Le moteur à explosion, c'est comme la machine à vapeur; dans les deuxcas le déplacement du piston est produit de la même manière, par des gaz sous pression.

» J'ai isolé ce qu'il y ad'identique dans le moteur à explosion et dans la machine à vapeur.

Pour compléter mon explication, je devraimontrer comment, malgré cet élément identique, un moteur à explosion diffère de la machine à vapeur.

Cela me serafacile : « Dans la machine à vapeur, les gaz sous pression sont produits par l'évaporation de l'eau dans la chaudière;tandis que dans le moteur à explosion, ils résultent de la combustion d'un mélange détonant dans le cylindre lui-même.

» Ayant montré ce qu'il y a d'identique et ce qu'il y a de différent dans les deux machines, je les aiparfaitement expliquées.Supposons, au contraire, que je veuille expliquer la colère ou la passion au moyen des analogies que me suggère lelangage et que je compare le passionné à une chaudière sous pression.

Une chaudière sous pression, quand oncontinue de la chauffer, explose, à moins qu'une soupape de sûreté ne s'ouvre au moment critique, ou bien que saforce ne soit utilisée pour un travail quelconque.

Ces comparaisons peuvent bien m'éclairer, mais je ne pourrai jamaisles pousser à bout et préciser où .est la ressemblance entre une chaudière sous pression et un individu passionné,découvrir un élément identique.

Car la pression des gaz dans le cylindre de l'auto et la pression des gaz dans lecylindre de la locomotive sont de même nature : je puis les mesurer avec le même manomètre et exprimer leur valeuravec la même unité de mesure.

Au contraire, quand nous passons de la chaudière à l'âme humaine, nous noustrouvons dans un ordre tout différent : il n'y a entre les deux ordres qu'une certaine ressemblance et nous sommesincapables d'isoler, même par abstraction, une propriété commune à la pression de la vapeur et à la passionhumaine.L'explication par analogie se ramène donc non à une identification vraie, mais à un rapprochement de la chose àexpliquer et d'une chose déjà expliquée.Dans un sens plus profond, expliquer c'est encore donner la raison des choses, c'est-à-dire indiquer ses causes ouses motifs.Toute explication s'appuie sur le principe de raison suffisante : tout ce qui est a sa raison d'être, et sur un de sesdérivés, le principe des lois : les mêmes causes, dans les mêmes circonstances, produisent les mêmes effets.Remplaçons l'identité par la ressemblance, et nous aurons le principe de l'explication par analogie : des causessemblables, dans les mêmes circonstances, produisent des effets semblables.Ce principe est d'un usage constant dans la pensée pratique.

La majorité de nos jugements sont la conclusion deraisonnements par analogie : notre estime est acquise d'avance à l'enfant d'une famille dont nous estimons lesparents; il suffît même, parfois, qu'un inconnu se déclare originaire d'un village qui nous est cher pour que s'établisseen nous un préjugé en sa faveur.Mais, les psychologues modernes l'ont bien montré, il n'y a pas, en réalité, deux façons de penser, et lecheminement de la pensée scientifique est fait de tâtonnements comme le cheminement de la pensée vulgaire.Cependant c'est en biologie que le raisonnement par analogie a joué un rôle important et a été l'instrument denombreuses découvertes.

On sait qu'il y a analogie entre les divers organes des êtres vivants, c'est-à-dire qu'ilexiste entre leurs formes d'étroites corrélations.

Étant donnée cette analogie, le biologiste peut conclure de l'un deces organes qu'il connaît à l'autre qu'il ignore.. »

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