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Lévinas: Visage et nudité

Publié le 24/03/2005

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Je pense plutôt que l'accès au visage est d'emblée éthique. C'est lorsque vous voyez un nez, des yeux, un front, un menton, et que vous pouvez les décrire, que vous vous tournez vers autrui comme vers un objet. La meilleure manière de rencontrer autrui, c'est de ne pas même remarquer la couleur de ses yeux! Quand on observe la couleur des yeux, on n'est pas en relation sociale avec autrui. La relation avec le visage peut certes être dominée par la perception, mais ce qui est spécifiquement visage, c'est ce qui ne s'y réduit pas. Il y a d'abord la droiture même du visage, son expression droite, sans défense. La peau du visage est celle qui reste la plus nue, la plus dénuée. La plus nue, bien que d'une nudité décente. La plus dénuée aussi: il y a dans le visage une pauvreté essentielle. La preuve en est qu'on essaie de masquer cette pauvreté en se donnant des poses, une contenance. Le visage est exposé, menacé, comme nous invitant à un acte de violence. En même temps le visage est ce qui nous interdit de tuer. Lévinas

Lévinas commence par opposer perception d'un objet et rencontre authentique d'autrui. Quand je pose l'autre comme objet, je le projette sur une surface d'objectivité: il  m'apparaît comme un tableau à décrire, une surface à observer et détailler, son unité éclate en autant de petits objets à commenter (les éléments du visage sont eux-mêmes réductibles à des unités plus petites: le coin de la bouche, etc.). Ce rapport est un rapport théorique qui ne me donne pas véritablement autrui: dans un processus de connaissance*, ma conscience s'assimile l'objet plutôt qu'elle ne s'ouvre à l'altérité du donné. En posant autrui comme objet, je reste seul.  La saisie véritable d'autrui (celle qui me fait vraiment sortir de moi et rencontrer une dimension irréductible aux simple données de l'expérience) ne donne pas une richesse d'éléments à décrire mais présente une pauvreté. L'autre se présente simultanément comme sans défense et invitation au respect : en effet, la possibilité physique de tuer autrui se donne en même temps que l'impossibilité morale d'accomplir cet acte. Autrui nous est livré dans une dimension éthique comme celui que je n'ai pas le droit de tuer.

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