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L'esprit européen ?

Publié le 27/02/2008

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esprit

Rien de plus difficile que de saisir l'âme d'une époque ou l'esprit d'une civilisation. Réalités à la fois confuses et riches qui se dérobent aux définitions ou en débordent les limites. Ne croyons point cependant que ce que nous - avons peine à saisir - n'existe pas, et méfions-nous d'une certaine paresse de la pensée claire qui voudrait nier ce qui lui échappe. L'esprit européen, non seulement nous le sentons, mais nous le sentons menacé, et nous devinons obscurément le vide qu'entraînerait sa disparition. Cherchons donc, sinon à le définir en toute rigueur du moins à le décrire dans ses principaux aspects, et pour cela, voyons conformément à l'analyse de Paul Valéry ce qu'il doit aux apports romains, grecs et chrétiens.

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« exemple.

Rappelons là les pages de Nietzsche sur l'esprit dionysiaque et l'esprit apollinien : au jaillissement tumultueux des instincts symbolisés par l'ivresse de Bacchus vient sesuperposer la volonté d'ordre représentée par Apollon, dieu de la mesure et del'harmonie.

Nietzsche se plaignait que le second eût trop complètementtriomphé du premier.

Faut-il le regretter ou s'en réjouir ? Notons en tout casque dans l'héritage grec c'est bien l'équilibre apollinien qu'a recueilli l'espriteuropéen. c) Le sens de l'humanisme.

Ainsi, la Grèce nous enseigne non pas à refusermais à dominer le monde des instincts.

L'esprit, selon l'image de Platon, est lecocher qui ne tue point mais dirige les passions.

Il s'agit pour la sagesseantique d'élucider les forces obscures que chacun trouve en soi, de prendreleur mesure au lieu de subir leur impulsion.

C'est là le refus des mystiquestroubles.

Plus de dieux à tête d'animal.

Au fétichisme de l'Inde et de l'Egyptesuccède l'Olympe peuplé de dieux qui sont des hommes parfaitement hommes.Première apparition de l'humanisme.

L'homme n'est plus un fragment del'univers balloté par ses remous, mais une unité maîtresse d'elle-même, unempire dans un empire.

Situons l'effort grec en disant qu'il règle les relationsde l'homme avec lui-même, de sa raison avec ses instincts.

Dans l'Européen,la Grèce a formé l'être moral. 3) Ce que l'esprit européen doit au christianisme : a) Transition.

Les apports de la Grèce et de Rome se combinent assez facilement.

Il s'agit toujours sur le plan moralou sur le plan social d'un humanisme éclairé par la raison.

Mettons au premier plan l'idée d'autonomie, volonté de netrouver qu'en soi sa propre loi.

On peut donc parler d'une civilisation gréco-latine, que rappelle bien le vieux dicton :« La Grèce conquise conquit à son tour son farouche vainqueur.

» Mais la première rencontre de l'esprit antique etdu christianisme aboutit aux persécutions qui culminèrent précisément au temps des empereurs romains les pluspénétrés de philosophie grecque.

Evénement lourd de sens qui nous annonce sans doute l'originalité et mêmel'antagonisme de l'apport chrétien, relativement aux précédents. b) Le sens de l'amour.

Le christianisme affirme la fraternité de tous» les hommes, fils d'un même père.

A cet égard, ilcouronne l'universalisme amorcé par l'antiquité.

Le droit romain ne rapprochait les hommes qu'en fonction de leursactes; il connaissait les citoyens, mais il ignorait l'être intérieur.

La raison grecque ne rapprochait Que les sages,d'où malgré ses efforts, la froideur aristocratique, le manque de rayonnement du stoïcien, face aux ignorants et auxinsensés.

La charité chrétienne discerne en tous, citoyens et esclaves, doctes et ignorants, une communauté degrandeur et de misère.

Même déchéance et même vocation, dont la prise de conscience réunit les hommes en unseul corps. d) Le sens du mystère.

Si la charité chrétienne prolonge l'effort de l'antiquité vers l'universalisme, le mystèrechrétien constitue au contraire l'élément de tension.

Le christianisme définit l'homme comme l'image de Dieu, formuledont il faut saisir les conséquences.

Dieu est un être infini, transcendant et incompréhensible, qui dépasse touteidée que nous essayons de former de lui.

Dire que l'homme est son reflet c'est affirmer au fond de nous desprofondeurs insoupçonnées qui peuvent se révéler soudainement en bouleversant toutes nos conceptions de la vie.Le chrétien est engagé dans une perpétuelle « conversion », c'est-à-dire dans un retournement qui substitue «l'homme nouveau » au « vieil homme » et lui montre le mal (là où il voyait auparavant le bien.

D'où une inquiétude etune docilité qu'un penseur "chrétien, Kierkegaard, a fortement soulignées en examinant l'exemple d'Abraham quireçoit de Dieu l'ordre inhumain de sacrifier son fils.

Nous trouvons une analyse analogue de la soumission religieusedans ces lignes d'un penseur non chrétien, A.

Huxley : « La religion consiste en l'abandon total du moi à un Dieu quin'est pas seulement gentleman puritain fort vertueux et considérablement agrandi, mais un être d'un ordretotalement différent, incommensurable avec l'homme même en ce qu'il a de plus élevé et de plus juste.

» Hors detoute systématisation théologique, situons l'apport chrétien en disant qu'il sauvegarde l'ouverture de l'homme sur lemystère.

Dans l'Européen, le christianisme a formé l'être spirituel. Conclusion On ne saurait trop insister sur l'opposition, au sein de l'esprit européen, oies apports gréco-romains et chrétiens.D'un côté, une volonté d'autonomie qui résume la sagesse antique.

De l'autre une soumission à un dieu intérieursupérieur et incompréhensible qui centre la sainteté chrétienne sur l'idée d'hétéronomie.

Heureuse tension del'humanisme qui risque toujours de fermer l'homme aux profondeurs inconnues et de la mystique qui risque toujoursde l'ouvrir à l'invasion tumultueuse des dieux inférieurs.

N'est-ce point grâce à leur perpétuel dialogue que P.

Valéry— ou Bergson — pouvait reconnaître dans la civilisation européenne la présence des mystiques non point les plustimides mais les plus lucides.. »

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