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Les sens ne sont-ils pas suffisants pour nous fournir toutes nos connaissances ?

Publié le 22/02/2012

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[Introduction] Les sens semblent être la fonction de notre rapport au monde et à nous-même la plus simple, la plus précoce, la plus universelle : outre que nous semblons la partager avec tous les animaux, elle est présente au moins dès la naissance ; avant même que le nouveau-né ne puisse se déplacer et entreprendre la moindre exploration, il est en relation avec le monde et avec lui-même par la sensation ; du fait de la sensation, il n'est jamais sans rien savoir de la réalité. On peut dire, de façon simplifiée, que grâce à elle le monde paraît se donner de lui-même à nous, se présenter lui-même à nous, voire se rendre présent lui-même en nous, sans que nous n'ayons rien à faire, à la différence des situations où nous nous efforçons de prendre connaissance de lui scientifiquement, d'agir de façon maîtrisée et technique sur lui, ou même seulement de nous déplacer et d'aller au-devant de lui pour l'explorer ou enquêter : c'est ce qui permet de caractériser la sensibilité comme réceptivité et passivité pures. Les sens semblent ainsi nous fournir des connaissances de la façon la plus simple, la plus naturelle, la plus ancienne, la plus constante ; mais toutes nos connaissances nous sont-elles fournies par les sens ou bien certaines ne semblent-elles pas venir d'autres sources (la tradition et l'instruction, la réflexion, le raisonnement, le calcul, etc.) ? Et, même dans les connaissances qui nous viennent par les sens, tout nous vient-il des sens et par les sens, ou bien faut-il reconnaître que ce qui vient proprement des sens et par les sens doit être élaboré ou rendu possible ou accessible par une autre fonction de l'esprit (comme ce que l'on appelle la raison, l'entendement, l'intelligence, ce qui semble être le cas de façon évidente quand il s'agit des élaborations scientifiques), voire une autre fonction vitale comme la capacité du déplacement volontaire et réglé (comme c'est visible dans les conduites d'exploration, d'enquête, de découverte : même si l'on accepte, par hypothèse et provisoirement, que la connaissance qu'on y acquiert soit le fruit de l'expérience sensible, il a fallu, dans ce cas, aller chercher cette expérience sensible, elle n'est acquise, par nature ici, qu'au terme d'une exploration et d'une recherche, qui ont dû avoir leurs propres principes d'organisation et où la sensibilité perceptive et réceptive n'est pas tout). Pour se demander si les sens ne sont pas suffisants pour nous fournir toutes nos connaissances, il faut d'abord apercevoir dans quelle mesure et de quelle manière ils nous fournissent des connaissances et quelle est la nature des connaissances qu'ils nous fournissent ; ensuite, il faut examiner si d'autres sortes de connaissances n'échappent pas par principe à toute possibilité d'expérience par les sens, relevant ainsi d'autres fonctions de l'esprit (une « raison pure », un « entendement pur ») ; si c'était le cas, les sens ne nous fourniraient pas toutes nos connaissances. Mais, même si ce n'était pas le cas (dans le cas où aucune connaissance véritable ne paraîtrait pouvoir être fournie par la raison ou l'entendement seuls), il faudrait encore examiner si les sens seuls en sont capables, ou bien si toute connaissance, lors même qu'elle exige un rapport à une réalité que seuls les sens rendent possible, n'exige pas aussi de mettre en oeuvre des fonctions rationnelles (relevant de la raison) ou intellectuelles (relevant de l'entendement).

« même son procédé pour s'efforcer d'atteindre l'objectivité de l'objet) ce qui procède cas par cas (c'est comme celaqu'elle évite la généralisation hâtive) : elle ne généralise que progressivement, en répétant l'expérience.

Mais on abeau répéter l'expérience autant de fois que l'on veut, on n'obtiendra que du général et pas de l'universel.

Laprudence méthodologique de l'expérimentaliste le revendique : la généralisation du résultat de l'expérience ne vautque pour ce qui a été précisément expérimenté, puisque, selon son principe, seule l'expérience démontre.

Or enmathématiques, ce n'est pas le général mais l'universel qui est obtenu ; c'est qu'il est obtenu par une démonstrationqui ne se fonde pas sur des cas et des exemples mais sur des principes qui sont plus hauts que tout, valentuniversellement, et dont la nécessité s'impose à l'esprit par elle-même indépendamment de tous les exemples et lescas particuliers (par exemple le principe de non-contradiction : on ne peut affirmer que la même chose soit et nesoit pas ; ou bien encore : la partie ne peut être plus grande que le tout ; etc.).

La démonstration mathématiqueest « hypothético-déductive », c'est-à-dire qu'elle montre que, si tel principe nécessaire est posé, telle propositions'en suit nécessairement : elle transfère la nécessité absolue des principes aux propositions ainsi démontrées sanspasser par des exemples.

Les objets sur lesquels porte la connaissance mathématique n'existent pas (malgrécertaines apparences) dans la réalité à laquelle on a accès par les sens, mais ils sont entièrement définis et élaboréspar les principes à partir desquels la connaissance de leurs propriétés est démontrée ; ils n'existent pas autrement,même si c'est l'observation de la réalité sensible qui a pu susciter cette élaboration proprement créatrice, et mêmesi cette observation en confirme les résultats, en y correspondant constamment (mais confirmer n'est pasdémontrer). [Transition] L'existence même des mathématiques semble être la preuve la plus évidente que toutes nos connaissances, mêmescientifiques, ne sont donc pas fournies par les sens.

Il est vrai que, dans la mesure où les mathématiques portentsur des objets qui ne sont pas donnés dans la réalité extérieure mais que le mathématicien se donne lui-même parun acte de l'esprit de façon purement rationnelle (bien que non arbitraire), on peut dire aussi qu'elles ne sont pasune science, du moins pas au même sens que les autres (qui étudient la réalité donnée) ; elles semblent plusproches de la pensée pure rationnelle que d'une connaissance objective.

Mais, si l'on met de côté maintenant lesmathématiques, dans le domaine des savoirs scientifiques objectifs, l'expérience sensible est-elle la conditionnécessaire et suffisante de toute connaissance ? [II-2] [Même dans les autres sciences, comme les sciences fondées sur l'expérience, toutes lesconnaissances ne viennent pas de l'expérience sensible] [Transition] Or, même dans les domaines de réalité que l'on explore dans les sciences qui se fondent sur l'expérience sensible(sciences de la nature, telles que la physique ou la biologie), il y a toujours de l'inaccessible à l'expérience à unmoment donné, et l'on ne peut soutenir que les sens suffisent à nous procurer toutes nos connaissances. [II-2.1] En effet, d'abord, même s'il n'y a pas de connaissance objective qui ne corresponde pas à une expériencesensible, tout ce qui nous est donné par une expérience sensible n'est pas objectif : il y a aussi du subjectif etmême de l'illusion, et pour en séparer ce qui est objectif, il faut des moyens extérieurs aux sens (réflexion etméthode). [II-2.2] Si l'on considère le domaine des choses sensibles dont nous acquérons la connaissance par l'expérience, il ya du toujours plus grand et plus éloigné, et nous formons, à partir de ce que nous connaissons par expérience, l'idéede l'infiniment grand : l'idée de monde, d'univers, comme ce qui comprend tout et qui est, en ce sens, plus grandque tout, infiniment grand.

Or, ce qui est infini échappe à l'expérience sensible, qui est toujours déterminée etdélimitée.

Le monde lui-même, bien qu'il soit l'ensemble de tous les objets qui peuvent être vus et dont on peut fairel'expérience, ne peut être vu lui-même ; il ne peut, comme tel, faire l'objet d'une expérience fondée sur les sens,d'une expérience d'ensemble, mais seulement d'un ensemble d'expériences (dont la liaison ne peut se faire au moyend'une seule expérience, mais d'une construction théorique raisonnée).

Son statut est celui d'une idée et non d'uneréalité dont on pourrait avoir l'expérience, et c'est donc une idée qui sert d'horizon ultime de coordination desconnaissances et des recherches sur l'univers, lors même qu'elles sont fondées sur l'expérience. [II-2.3] Mais ce n'est pas seulement l'idée du tout de l'expérience possible, qui est inconnaissable au moyen del'expérience sensible (ce qui concerne la limite de la science et de la métaphysique), c'est au coeur même del'expérience, y compris scientifique, que les limites de l'expérience apparaissent constamment.

En effet, ce qui semontre dans l'expérience sensible d'un objet quelconque cache en même temps tout ce qui, en lui, ne se montre pas(qui est derrière, dessous, à l'intérieur, etc.

; il y a toujours du plus petit, du plus grand, du plus lointain), qui ne sevoit pas et qui, au mieux, donne l'idée d'y aller voir - c'est cela même le ressort et la condition de possibilité de larecherche scientifique.

Les sens ne suffisent pas à nous procurer toutes nos connaissances, parce que le réel ne selivre pas tout entier aux sens, il faut aller le chercher et avec d'autres instruments que les sens.

Pour pouvoir levoir, il faudra inventer le moyen d'y aller voir, concevoir une nouvelle méthode, construire un matériel expérimentalnouveau.

L'expérience scientifique est bien une expérience sensible, d'une certaine manière, mais pas seulement :c'est grâce à l'ensemble des concepts, des théories, des instruments méthodiquement élaborés, que les sens sontmis en relation avec le réel qui, sans cela, ne serait pas « sensible », pas perceptible, pas accessible, et, donc, pasconnu objectivement. [II-2.4] Les sens ne peuvent nous fournir toutes nos connaissances parce que l'on ne peut ramener la connaissance. »

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