Devoir de Philosophie

Les progrès scientifique et technique dépendent-ils seulement de l'expérience ?

Publié le 23/09/2009

Extrait du document

scientifique

  Les physiciens actuels attendent beaucoup du nouvel accélérateur de particules, le LHC du CERN à Genève. Pourquoi ? Parce que capable d’atteint de très hauts niveaux d’énergie, il permettra de tester de tester des hypothèses de physique fondamentale que jusque là, faute d’expériences appropriées, on était incapable de départager. On a bon espoir que ces progrès scientifiques entraîneront par la suite des progrès technologiques, comme la conception d’ordinateurs quantiques, bien plus performants que nos PC et Mac actuels. Cet exemple montre que l’expérience, en tant qu’elle est une source de connaissance sur la réalité extérieure, permet une évolution continue en terme de précision et de complexité des théories scientifiques, c’est-à-dire des progrès scientifiques, qui trouvent eux-mêmes des applications techniques, c’est-à-dire dans des objets qui servent les fins pratiques de l’homme.

  Mais il n’aurait pas été possible de construire cet accélérateur de particules sans de grands progrès dans le domaine des supraconducteurs. Cela montre que les expériences scientifiques modernes ne sont pas seulement productrice de technologie mais aussi des effets des progrès techniques. En outre on trouve de nombreux exemples d’expériences qui ont été réalisées avec succès sans provoquer de progrès théoriques ou techniques parce qu’elles étaient abordées avec des concepts inadéquats. On connaît par exemple la diffraction de la lumière par le prisme depuis la fin de l’Antiquité, mais ce n’est qu’à la fin du XVIIe siècle avec Newton que cette expérience donna naissance à l’optique moderne. Cela remet en cause jusqu’à la notion de « progrès « scientifiques pour expliquer l’évolution des sciences : d’une part on ne constate pas d’évolution constante et régulière, et d’autre part parfois les avancées se font d’abord sur le plan techniques avant d’être pris pour objet d’expériences par les scientifiques, ce qui contredit l’idée que cette évolution ne se ferait que dans un seul sens, de la théorie à l’application technique.

  Le problème à résoudre ici est donc de savoir quel est le moteur de l’évolution scientifique : est-ce que toute avancée théorique relève d’abord d’une avancée expérimentale, est-ce que ces avancées scientifiques entraînent ensuite des progrès techniques ? Est-il l légitime de décrire cette évolution comme un progrès ?

scientifique

« change les concepts de base de ces énoncés, on reconfigure la théorie, et on a affaire à une révolutionscientifique. B./ Or il arrive qu'une expérience réalisée grâce à de récents progrès techniques échoue à faire évoluer les théories,et donc à provoquer un progrès scientifique.

Ainsi par exemple les premiers chimistes anglais, comme Priestley,avaient déjà réussi à isoler l'oxygène du reste des composants de l'air.

Mais ils ne le reconnurent pas comme un gazà part entière, seulement comme une forme dérivée de l'air ambiant, l'air « déphlogistiqué ».

C'est Lavoisier, à la findu XVIIIe siècle qui fit le premier l'hypothèse que l'air qui nous entoure n'était pas à un élément simple mais composéde plusieurs gaz simples.

Il avait ainsi abandonné le modèle de recherche des chimistes du XVIIe siècle, qui étaithérité d'Aristote et ressemblait encore pour beaucoup à celui des alchimistes, c'est-à-dire transformer les quatreéléments (l'eau, la terre, le feu, l'air) les uns dans les autres, et a forgé un nouveau modèle de recherche : l'analyseexpérimentale qui consiste à décomposer les éléments apparemment simples en éléments plus simples pour ensuiteles recomposer.

Ce qui a produit le progrès scientifique ici ce n'est ni le progrès technique, ni l'expérience, mais lechangement conceptuel de modèle de recherche et de scientificité qui a permis l'émergence de nouvelles théorieschimiques.

C./ Ces modèles de recherches, qui emploient des concepts et de méthodes fondamentaux, sont ce que l'historiendes sciences T.S.

Kuhn a appelé dans La Structure des révolutions scientifiques , des « paradigmes.

» Ils constituent le programme de recherche suivi par la majorité de la communauté scientifique d'une époque donnée etpermettent le fonctionnement de la science « normale » en distinguant ce qui est valide scientifiquement de ce quine l'est pas.

Or ces changements conceptuels ne se font de manière continue et progressive, mais au contraire demanière rapide et brusque.

On peut donc affirmer : 1.) que les changements conceptuels et théoriques sont toutaussi nécessaires à l'évolution du savoir scientifique que l'expérience ; 2.) que cette évolution ne se fait pas demanière progressive mais oscille entre des périodes de progressions continues (science normale) et de rapideschangements (révolutions scientifiques).

Mais alors, ne faut-il pas admettre qu'il est illusoire de rechercher un moteur essentiel des progrès scientifiques ettechniques, puisqu'ils dépendent aussi bien de l'expérience que des révolutions conceptuelles et des avancéestechnologiques ? Mais quelle est alors la spécificité du rôle de l'expérience dans cette évolution des sciences ? III./ Codépendance entre la technique, le théorique et l'expérimental A./ Comme on l'a dit, si une expérience n'est pas expliquée par une théorie, celle-ci peut l'englober soit en ajoutantde nouveaux énoncés au corps d'énoncés déjà constitué, soit en reformulant ces énoncés à partir de nouveauxconcepts fondamentaux.

Or qu'est-ce qu'un concept ? C'est une notion dotée d'une définition qui englobe un certainnombre d'objets réels en fonction de cette définition.

Comme l'explique Bachelard, dans le troisième chapitre de La Formation de l'esprit scientifique , « pour englober des preuves expérimentales nouvelles, il faudra alors déformer les concepts primitifs.

» Ainsi, lorsque Herschel, en 1800, s'aperçut à l'aide de thermomètres qu'il y avait des rayonslumineux qui n'étaient pas visibles (les infrarouges) mais provoquaient tout de même une augmentation de chaleur, ildéforma le concept de lumière au point qu'il englobe maintenant les rayonnements non visibles.

B./ L'expérience joue donc bien un rôle primordial en ce qu'elle déforme les concepts scientifiques et provoque ainsile progrès théorique.

Mais l'expérience qui permet cela n'est pas l'expérience commune.

Comme le dit Bachelard, lamanière scientifique de penser les concepts en les déformant « cherche dans l'expérience des occasions pourcompliquer le concept , pour réaliser les conditions d'application que la réalité ne réussissait pas.

C'est alors qu'on s'aperçoit que la science réalise ses objets, sans jamais les trouver tout faits.

La phénoménotechnique étend la phénoménologie.

Un concept est devenu scientifique dans la proportion où il est devenu technique, où il estaccompagné d'une technique de réalisation.

» Or ces techniques de réalisation des concepts ne peuvent êtreconçues qu'à partir de théories scientifiques déjà mathématisées et éprouvées.

L'expérience d'Herschel par exemple,ne pouvait être conçue qu'à partir de thermomètres très précis qui supposent une connaissance théorique desphénomènes calorifiques, et requérait aussi de mettre en place un jeu de prisme en suivant les lois de la diffractionétablies par Newton un siècle plus tôt.

C./ Autrement dit, on ne peut rendre compte de l'évolution scientifique à partir de l'expérience qu'en admettant cestrois points : 1.) c'est l'expérience scientifique et non l'expérience commune, directe, qui permet les avancéesscientifiques et techniques, 2.) ce type d'expérience suppose à la fois des connaissances techniques et théoriques,3.) il y a donc une codépendance et un cercle vertueux entre expérience, technique et théorie : une nouvellethéorie permet de dessiner de nouvelles expériences à partir de nouveaux instruments techniques, cette expériencepermet une avancée conceptuelle et théorique et technologique, qui permettent une nouvelle théorie, etc.

S'il semble donc illusoire de vouloir désigner l'expérience comme unique responsable des progrès scientifiques ettechniques, il faut lui reconnaître une place particulière, car en tant qu'expérience scientifique elle condense à lafois les derniers progrès théoriques et techniques.

Ainsi les sciences apparaissent bien moins comme des édificesthéoriques séparées de l'expérience et de la technique que comme des activités qui font la synthèse entre ces troiséléments.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles