Aide en Philo

LEIBNIZ

Extrait du document

D'ailleurs, il y a mille marques qui font juger qu'il y a à tout moment une infinité de perceptions en nous, mais sans aperception et sans réflexion, c'est-à-dire des changements dans l'âme même dont nous ne nous apercevons pas, parce que les impressions sont ou trop petites et en trop grand nombre ou trop unies, en sorte qu'elles n'ont rien d'assez distinguant à part, mais jointes à d'autres, elles ne lais- P. sent pas de faire leur effet et de se faire sentir au moins confusément dans l'assemblage. C'est ainsi que l'accoutumance fait que nous ne prenons pas garde au mouvement d'un moulin ou à une chute d'eau, quand nous avons habité tout auprès depuis quelque temps. Ce n'est pas que ce mouvement ne frappe toujours nos organes, et qu'il ne se passe encore quelque chose dans l'âme qui y réponde, à cause de l'harmonie de l'âme et du corps, mais ces impressions qui sont dans l'âme et dans le corps, destituées des attraits de la nouveauté, ne sont pas assez fortes pour s'attirer notre attention et notre mémoire, attachées à des objets plus occupants. LEIBNIZ

« D'ailleurs, il y a mille marques qui font juger qu'il y a à tout moment une infinité de perceptions en nous, mais sans aperception et sans réflexion, c'est-à-dire des changements dans l'âme même dont nous ne nous apercevons pas, parce que les impressions sont ou trop petites et en trop grand nombre ou trop unies, en sorte qu'elles n'ont rien d'assez distinguant à part, mais jointes à d'autres, elles ne lais- P.

sent pas de faire leur effet et de se faire sentir au moins confusément dans l'assemblage.

C'est ainsi que l'accoutumance fait que nous ne prenons pas garde au mouvement d'un moulin ou à une chute d'eau, quand nous avons habité tout auprès depuis quelque temps.

Ce n'est pas que ce mouvement ne frappe toujours nos organes, et qu'il ne se passe encore quelque chose dans l'âme qui y réponde, à cause de l'harmonie de l'âme et du corps, mais ces impressions qui sont dans l'âme et dans le corps, destituées des attraits de la nouveauté, ne sont pas assez fortes pour s'attirer notre attention et notre mémoire, attachées à des objets plus occupants. Descartes avait associé inextricablement la perception et la conscience : il n'y a pour lui de perceptions que conscientes.

C'est cette thèse que conteste Leibniz dans ce passage de la Préface des Nouveaux Essais sur l'entendement humain.

Il y a des perceptions qui ne sont pas accompagnées de conscience et d'attention. Leibniz établit cette thèse en deux moments : il expose d'abord celle-ci dans la première phrase (jusqu'à « dans l'assemblage »), puis l'illustre et l'éclaire au moyen d'un exemple. 1.

Il y a en nous une infinité de perceptions inconscientes A.

La première phrase n'est pas une démonstration, mais l'exposition de la thèse de Leibniz.

II y a constamment en nous des perceptions qui ne sont pas accompagnées d'aperception et de réflexion, c'est-à-dire de conscience. L'aperception est en effet identique à la conscience, et la réflexion désigne le fait de penser à ses propres états de conscience. B.

Le philosophe donne ensuite la raison principale du caractère inconscient de ces perceptions, leur intensité trop faible.

En outre, les perceptions ne sont conscientes que si leur nombre est suffisamment restreint et si elles ne sont pas trop confondues : sans cela, l'esprit ne peut les appréhender que confusément, autrement dit, il est incapable de les distinguer. C.

Leibniz souligne dans la fin de la phrase le caractère actif de ces perceptions inconscientes, qu'il appelle parfois « petites perceptions ».

Même si elles ne sont pas consciemment perçues par l'esprit, elles agissent néanmoins sur lui et déterminent, avec les perceptions conscientes, ses volontés et ses actions.

Elles agissent confusément, puisque la confusion s'oppose à la distinction, c'est-à-dire à la capacité de distinguer consciemment. 2.

Les exemples de la chute d'eau et du moulin A.

Le deuxième mouvement éclaircit et justifie cette thèse au moyen d'exemples.

L'accoutumance, c'est-à-dire l'habitude, fait disparaître nos perceptions conscientes. B.

Mais la disparition des perceptions conscientes ne signifie pas la disparition intégrale des perceptions : les objets entendus précédemment continuent d'agir sur nos sens et, donc, contribuent à produire des perceptions dans l'âme. Leibniz fait ici référence à sa théorie du rapport du corps et de l'âme, c'est-à-dire à la thèse de l'harmonie.

Le corps n'agit pas directement sur l'esprit, mais Dieu a créé l'âme et le corps de telle sorte qu'il y ait une correspondance harmonieuse entre ce qui se passe dans l'un et ce qui se passe dans l'autre. C.

La fin du passage explique la disparition des perceptions conscientes : l'intensité n'est pas assez forte pour soutenir notre attention, si bien que celle-ci se porte sur d'autres objets.

L'esprit est fini, et son attention ne peut se porter que sur un petit nombre de perceptions, donc sur les plus vives. L'intérêt de ce texte est de montrer concrètement comment des perceptions inconscientes sont possibles : notre attention ne nous permet de prendre en considération qu'un petit nombre de perceptions. Discussion A.

Les petites perceptions expliquent nos actions Leibniz se sert des perceptions inconscientes pour montrer que les nombreux cas où nous croyons agir de manière arbitraire, sans que notre action soit déterminée par aucune cause, sont en fait des illusions : ce sont ces perceptions inconscientes qui expliquent pourquoi nous agissons ainsi.

La liberté ne peut donc consister en de tels actes dépourvus de cause.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles