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Le travail fait-il l'essence de l'homme ?

Publié le 24/07/2010

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travail

Etre humain, c'est posséder de nombreuses qualités distinctives. Chacun éprouve son humanité en pensant, en parlant, en vivant dans des sociétés régies par des lois, etc. Or, comme le remarque Marx, les hommes « eux-mêmes commencent à se distinguer des animaux dès qu'ils commencent à produire leurs moyens d'existence «. Est-ce à dire que le travail soit le propre de l'homme ? Savoir si le travail est l'apanage de l'homme, c'est se demander si c'est en travaillant que l'être humain réalise son humanité – sa finalité la plus haute –, et se distingue de tous les autres êtres. L'humanité n'est pas pensable en termes scientifiques. Un homme n'est pas un objet physique gisant dans le monde. On ne peut pas non plus se contenter de l'assimiler à un être vivant livré à des déterminismes biologiques. Il est un sujet. Une réalité capable d'« autoréflexion « et d'autodétermination. Le travail est-il le moyen de réaliser cette subjectivité ? Permet-il à l'individu d'accéder à la conscience de soi et à la liberté ? Pour qu'une conscience libre émerge, l'homme doit s'affranchir des forces naturelles inconscientes, et donc de l'instinct. Il doit être capable de réfléchir et de se donner à lui même ses propres règles. Il doit s'arracher à la nature. Travailler permet-il cela ? Le travail pourrait bien humaniser l'individu en l'inscrivant dans la culture. Encore faut-il que cette activité procède du monde de l'esprit, qu'elle ne soit par réduite à la seule satisfaction de besoins naturels, et qu'elle n'assujettisse pas l'homme aux mécanismes de la nature.

travail

« prolongement de l'action du moi.

Il n'est mû que par la volonté et les efforts d'un sujet.

La machine, quant à elle,est un ensemble de mécanismes.

Lorsqu'elle est un automate, elle se « meut de soi-même », selon les termes deDescartes.

Elle diffère profondément d'un simple instrument.

Elle est un outil « autonomisé ».

Elle est capable d'«autoactivité ».

La substitution d'un tel dispositif à l'outil traditionnel est déterminante.

D'abord, le machinismeengendre une division accrue du travail.

En l'absence d'ensembles totalement robotisés, il faut utiliser des machinesimparfaites qui ne se suffisent pas totalement à elles-mêmes.

Une main-d'oeuvre doit pallier cette insuffisance.

C'estainsi que le travail à la chaîne apparaît.

Certes, cela permet une augmentation de la productivité.

Maintenant,comme Marx l'a mis au jour, le travail salarié est devenu une marchandise.

Les travailleurs vendent leur force detravail contre un salaire.

Seuls les propriétaires des instruments de production bénéficient de cette situation.Ensuite, dans l'univers industriel, un ouvrier ne travaille plus comme un artisan.

Sa tâche est répétitive.

Il est soumisau rythme de la machine.

L'univers technique est une création humaine.

Malgré cela, une fois qu'il est établi, ilparticipe au mécanisme naturel.

Il devient en quelque sorte indépendant de la volonté des hommes.

Il impose sespropres règles.

D'une certaine manière, il asservit l'homme à un déterminisme mécanique sur lequel il n'a aucuneprise.

Le travailleur ne se trouve-t-il pas ainsi ramené à la nature ? N'est-il pas animalisé ? Toujours est-il que sonhumanité n'est pas respectée ! Enfin, dans cette situation, le producteur peut-il se reconnaître et être reconnudans la forme produite ? Les objets créés artisanalement sont toujours singuliers.

Tel artisan, utilisant tel instrumentde telle manière, produira une chose dont l'aspect est reconnaissable.

Les amateurs d'antiquités le savent fort bien.Un meuble ancien, par exemple, est unique.

Ses caractéristiques permettent de le rattacher à un atelier déterminé.Or, avec l'emploi des machines, la forme est standardisée.

Dans le cours ordinaire de nos vies, commentdifférencions-nous concrètement les produits que nous voulons acheter ? Nous les identifions par le moyen designes – les marques – que leur appliquent les entreprises qui les fabriquent.

Évidemment, derrière ces signes, il y ades travailleurs.

Toutefois, si ces hommes et ces femmes étaient licenciés et remplacés, les objets créés seraient-ilstrès différents ? Par le truchement de ces objets, nous n'apercevons pas la présence au monde de sujetsreconnaissables.

Dès lors, en quoi le travail permet-il la manifestation d'une conscience libre ? Avec le machinisme lecaractère humanisant de l'acte de production devient problématique.

Ceci dit, en droit, ce progrès technique permetde travailler moins.

On comprendra que, dans cette perspective, ce soit la réduction du temps de travail qui puisseparaître humaine.

N'est-ce pas le loisir qui est propice à l'épanouissement de la personne ? D'ailleurs, au-delà desseules tâches mécanisées, n'y a-t-il pas dans toute activité laborieuse une contrainte qui détourne l'homme de savraie nature ? Une vie véritablement humaine n'est-elle pas autre chose qu'une vie essentiellement productive ? Ausens courant, un loisir est un passe-temps, une distraction.

Incontestablement, ce n'est pas en cette voie quel'homme réalise son humanité.

Certes, se distraire est agréable.

Cependant, les enfants manquent souvent dediscernement et, précisément, ils privilégient ce qui leur semble plaisant.

Être homme c'est refuser de s'en tenir àd'infantiles pulsions.

Ce n'est pas dans le divertissement, la paresse ou l'oisiveté, que nous réalisons la perfection denotre essence propre.

Néanmoins, le travail pourrait bien, lui aussi, faire obstacle à cette réalisation.

« Ce qui estpropre à chacun, du fait de la nature, écrit Aristote, a aussi un caractère de supériorité et d'agrément parfait pourchaque individu.

Ce qui est propre à l'homme, c'est donc la vie de l'esprit, puisque l'esprit constitue essentiellementl'homme.

Une telle vie est également parfaitement heureuse.

» Le bonheur consiste à réaliser pleinement son Qu'est-ce qu'un travail de l'esprit ? L'homme ne devient-il homme que parmi les hommes ? être.

Aussi l'être humain, en tantqu'esprit, doit cultiver son intellect pour accomplir ce qui lui est propre et accéder à la félicité.

Par conséquent, nedoit-il pas se détourner du travail ? Transformer le monde naturel, c'est prendre en considération les besoinscorporels.

Cette activité ramène l'homme à la nature et le détourne de sa nature.

Cela ne signifie pas qu'il faillecondamner le travail.

Produire est utile.

Mais justement, c'est en s'arrachant à la sphère où tout est voué àl'utilisation et à la consommation que l'homme découvre son humanité.

N'est-il pas l'unique être capable de s'engagerdans une vie contemplative ? N'est-il pas le seul qui soit à même de consacrer un temps au savoir, indépendammentde tout intérêt immédiat ? Ici, il n'est question, ni de divertissement, ni de paresse ou d'inaction.

Pourtant, c'est leloisir que nous rencontrons à nouveau ! Car un loisir (skholè), c'est aussi un temps consacré à ce qui n'est pasimmédiatement utile.

À ce niveau, le travail n'apparaît pas comme étant le propre de l'homme.

D'une part, dans lesfaits il est souvent aliénant.

D'autre part, en travaillant l'individu se consacre à la production des moyens de sonexistence, et il se détourne de ce qui constitue la finalité la plus haute de son être : la vie de l'esprit.

Le loisirauquel nous invite Aristote trouve sa pleine expression dans l'exercice de la pensée philosophique.

En effet, seull'homme peut philosopher.

Une chose et une bête étant dénuées de capacité de réflexion, elles ne sauraient aspirerau savoir, et, comme l'écrit Platon, « aucun des dieux ne philosophe et ne désire devenir savant car il l'est ».

Orcultiver son esprit, n'est-ce pas travailler ? Le philosophe ne saurait souffrir la servitude.

Sa réflexion suppose lacritique.

Le libre examen.

Celui-ci n'est pas assimilable à une pure spontanéité.

Qui peut prétendre penser librementsans se donner beaucoup de peine ? D'abord, la pensée philosophique permet de s'arracher à l'opinion, au préjugé,etc.

En ce sens, cette activité transforme quelque chose dans l'esprit qui pense.

Ensuite, cette transformationpasse par la mise en oeuvre d'« outils » fabriqués à cette fin.

Le philosophe ne doit-il pas forger des concepts, desreprésentations intellectuelles, pour parvenir à bien penser le réel ? Enfin, pour cultiver son esprit, l'homme estobligé de se discipliner.

Il doit vaincre sa paresse naturelle et son animalité.

Dans cette mesure, les progrès de laraison supposent l'effort.

Aristote a certes raison en affirmant que l'acte producteur ne réalise pas ce qu'il y a deplus haut en nous.

Toutefois, le loisir dont il nous parle passe par une discipline sans laquelle le développement denos facultés naturelles est impossible.

Il y a bien là un travail.

Au surplus, ne faut-il pas admettre que le propre del'homme, au commencement de son existence, se ramène à bien peu de choses ? Par nature, c'est-à-dire en dehorsdes apports de l'existence sociale, l'homme ne parle pas, ne pense pas.

Il est incapable de se représenter son êtreet le monde.

Il n'est, selon les termes de Rousseau, qu'un « animal stupide et borné ».

Au départ il n'est rien.

Sanature est un néant.

Lorsqu'il vient au monde, il est seulement perfectible.

Son esprit n'est qu'une pure virtualité.C'est par la culture qu'il progresse, que ses facultés se développent, et qu'il actualise ainsi les attributs del'humanité.

Une telle approche nous invite à soutenir, d'une part, que l'homme se définit par la liberté, et, d'autrepart, que la réalisation de cette liberté requiert une culture.

Parce que naturellement il est seulement perfectible,. »

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