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Le roman moderne, écrit André MALRAUX, est à mes yeux un moyen d'expression privilégié du tragique de l'homme, non une élucidation de l'individu. Commentez cette définition et montrez qu'elle convient exactement à la Condition humaine.

Publié le 22/02/2012

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Comprendre Malraux Comme la plupart des affirmations de ce genre, celle-ci gagne à être illustrée. A qui s'attaque l'écrivain ? Il a évidemment des noms sur les lèvres : quels sont les romanciers qui se sont donné pour tâche l'élucidation de l'individu, sinon les auteurs de romans d'analyse ? Ce type de roman étudie au microscope les sentiments des personnages, leurs passions. Il est dans la tradition de MONTAIGNE ou de LA BRUYÈRE. On pense à la Princesse de Clèves, aux Liaisons dangereuses, à Adolphe, à Dominique. STENDHAL et BALZAC eux-mêmes ne seraient-ils pas rattachés à ce groupe ? MALRAUX pouvait avoir en tête aussi des contemporains : RADIGUET, GIDE, etc. Ce dernier surtout pouvait constituer une cible de choix. « Le roman moderne » ne doit plus s'attarder à ces minutieuses descriptions d'un avare (Eugénie Grandet), d'un jaloux (Zaïde, de Mme DE LA FAYETTE), d'un amoureux (Dominique), d'un Gide, etc. Pourquoi? Sans doute pour deux raisons : a) Les grandes passions ont été terriblement vendangées, comme l'avait dit HUYSMANS dès 1884 (préface d'A rebours). Après STENDHAL et BALZAC, il ne resterait plus qu'un misérable grappillage. Notons que, pourtant, des romanciers continueront à se tenir dans le sillage de BALZAC; ils s'efforceront de circonscrire dans le champ des sentiments humains quelques lopins à peu près en friche (François MAURIAC, Genitrix, la Pharisienne, etc.; Julien GREEN, Adrienne Mesurat...). b) L'époque n'est plus à de telles descriptions. Quand le monde subit une inquiétante mutation, quand des millions d'hommes meurent, quand les religions et les valeurs sont battues en brèche, quand l'humanité se retrouve seule dans sa nuit, va-t-on détailler pendant trois cents pages les accès de jalousie et autres jeux de deux petits jeunes gens qui s'en vont pleurer sous les saules? Dérisoire! semble dire MALRAUX. Dans notre civilisation sans transcendance, tout homme maintenant est seul et attend la mort. Sûr d'être vaincu, il est en pleine tragédie. Voilà ce que l'artiste d'aujourd'hui doit exprimer. Solitude! Peur! Mort! Que faire de cette vie? MALRAUX annonce ici le théâtre d'Ionesco et de BECKETT. Lecture : S. BECKETT, En attendant Godot.
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« Il relaie donc la tragédie (qu'est-ce que le tragique ?).

Car la tragédie n'a connu que de brèves floraisons localisées, et elle végète au moment où parle MALRAUX.

Ses derniers reflets datent de STRINDBERG et de TCHEKHOV. Pourquoi privilégié? Sans doute parce que l'homme moderne est enfermé dans des fatalités psychiques (depuis FREUD), socio-économiques (depuis MARK), qui, s'ajoutant aux fatalités antiques suscitées par les passions, labêtise,...

aboutissent à une telle complexité que l'épaisseur romanesque devient un meilleur moyen d'expression quela simplicité théâtrale. Transition : Déjà BALZAC avait intitulé l'ensemble de son oeuvre romanesque la Comédie humaine.

MALRAUX choisit pour son roman un titre qui fait penser à PASCAL et nous entraîne vers le tragique. II.

La condition humaine et le tragique de l'homme Thème tragique : la solitude humaine (après l'obsession de la mort dans les Conquérants).

Les six héros se côtoient; pas de communion possible! La scène du préau n'en donne que l'illusion : à la fin, Kyo est étendumort, tandis qu'on emmène Katow.

Tchen, dans sa folie nihiliste, est seul.

Il en est de même du vieux Gisors,fatigué.

Les individus sont broyés par des nécessités (presque) aveugles.

C'est pourquoi BRASILLACH disait nepas connaître de désespoir plus désenchanté, plus « oriental » que celui de ce roman. En outre, l'origine cosmopolite des personnages souligne cruellement que cette solitude n'est pas un acquis de culture (on a dit qu'il y avait eu une vogue du nihilisme en Russie; cf.

les Possédés, de DOSTOIEVSKI), mais une réalité de la condition humaine.

Clappique fait le bouffon, Tchen est hanté par des forces obscures, Ferraicherche une vie plus intense dans l'érotisme (mais il retrouve sa solitude à la fin de la scène d'amour avecValérie), le commerce et la politique. Le plus lucide de tous est peut-être le plus seul : Kyo, qui s'aperçoit que sa femme est lointaine, en dépit de sa tendresse.

Pensez à l'importance du thème de la voix enregistrée, que Kyo trouve étrangère à celle qu'il seconnaît : l'homme est étranger à lui-même. 1. Caractère de violence pure et abstraite de la tragédie.2. Malraux a évité le pittoresque qui « divertit » : pas de peinture de l'Orient, de la foule chinoise, de la ville asiatique.

La foule est évoquée seulement comme un flot que remonte l'auto de Ferrai (IIe partie).On a l'impression de fourmis humaines et l'on retrouve ainsi l'une des grandes images tragiques du Livre de Job. a. Violence de la tension dramatique...

La concentration de l'action est quasi racinienne.

Tout se déroule en quelques jours (fin mars- début avril 1927); et la multitude des événements qui se succèdent donne l'impression d'une progression haletante.La suite funèbre des heures est rappelée de façon obsédante par les dates : 6 heures, 9 h 30, etc.

Et dès le début (He partie : Ferral chez le chef de police) est indiquée l'arrière-pensée de Chang Kai-chek : tous les protagonistes sont donc menacés de mort.

On pense aux tragédies raciniennes, où la catastrophe s'apprête, dès le lever du rideau, à s'abattre sur les personnages. c) Valeur symbolique de personnages qu'aucun « milieu » n'empêche de présenter un caractère général.

Chacun représente des « possibilités d'âme ». Atmosphère nocturne (cf.

Phèdre), où éclatent par moments de sombres lueurs d'incendie.

Songeons au magistral début du roman : Tchen dans l'ombre, regardant sa victime et les lumières de la ville.

Une autrescène nocturne se déroulera sous le préau de l'école : il s'agit de deux scènes marquantes du livre.

MALRAUXutilise des effets à la Georges de La Tour, par exemple quand Tchen se retrouve parmi les révolutionnairesaprès le meurtre (va-et-vient de la lampe, qui révèle ou cache les visages). 3. Alternance de deux styles.

Un peu comme Beethoven, MALRAUX passe souvent d'un style dramatique à des échappées lyriques : le bouillonnement des étoiles, le silence lunaire...

au-dessus de la Révolution.

Dans lespages sur la mort de Tchen, de Kyo, de Katow, le lyrisme est pressant.

Nous nous sentons entraînés par leromancier à participer au tragique, comme les spectateurs y étaient entraînés par le choeur antique; à cesinflexions s'ajoutent les lamentos d'Hemmelrich, qui, lui aussi, accompagne l'action de ses plaintes, comme lechoeur grec. 4. Fissure dans le pur tragique? La foule pense déjà à Kyo...

mort, comme les croyants prient.

Si l'on croit que les injustices qui ont amené cette tragédie vont disparaître, le tragique perd de sa pureté.

Kyo le croit.

Mais MALRAUX? 5. C'est sur cette ambiguïté que nous laissera le roman.. »

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