Devoir de Philosophie

Le regard de l'autre chez Sartre

Publié le 27/02/2008

Extrait du document

sartre
S'il y a un Autre, quel qu'il soit, où qu'il soit quels que soient ses rapports avec moi sans même qu'il agisse autrement sur moi que par le pur surgissement de son être, j'ai un dehors, j'ai une nature ; ma chute originelle c'est l'existence de l'autre ; et la honte est - comme la fierté - l'appréhension de moi-même comme nature, encore que cette nature même m'échappe et soit inconnaissable comme telle. Ce n'est pas, à proprement parler, que je me sente perdre ma liberté pour devenir une chose, mais elle est là-bas, hors de ma liberté vécue, comme un attribut donné de cet être que je suis pour l'autre. Je saisis le regard de l'autre au sein même de mon acte, comme solidification et aliénation de mes propres possibilités. SARTRE

Dans ce texte de L’Etre et le Néant, Sartre envisage les rapports du sujet avec autrui, et plus précisément les conséquences de l’existence d’autrui pour la liberté qui définit le sujet. Dans L’Etre et le Neant, Sartre pense les rapports d’un sujet avec autrui sur le mode de la lutte, du conflit, dans la lignée de Hegel, mais alors que pour ce dernier l’affrontement avec autrui aboutit à la construction de ma conscience, pour Sartre, il s’agit d’un conflit indépassable qui consiste dans le fait qu’autrui aliène ma liberté. Les rapports avec autrui sont alors pensés à partir des expériences révélatrices que sont la honte et la rencontre du regard d’autrui. Dans ce texte, le problème que pose Sartre tient à l’impossibilité, face à autrui, d’être perçu comme un sujet : en effet, autrui se présente à moi comme un sujet, qui ne peut être un sujet, c’est-à-dire constitué par une liberté, que s’il me réduit au statut d’objet. Faut-il dire alors que l’existence autrui fait de moi une chose, et m’empêche d’exister à part entière ? Que signifie l’affirmation selon laquelle autrui fait de moi une nature, et comment vivons-nous alors notre liberté à travers cette nature, sous le regard d’autrui ?

sartre

« pas à moi-même comme une nature possédant telles et telles caractéristiques : seul autrui, seul un regard extérieurpeut m'objectiver ainsi et me donner une définition que moi-même que je ne connais pas, puisque je nem'appréhende pas de cette manière.

Autrui produit donc bien une dépossession, une aliénation de ce que je suis :or, cette aliénation a pour effet de me figer dans un jugement, et donc de me déposséder de ma liberté, parlaquelle, sans autrui, je peux me définir par mes projets. 3° Autrui fige ma liberté de sujetLe texte fait alors intervenir la notion de liberté : faut-il penser qu'autrui supprime ma liberté, alors même que la liberté est, pour Sartre, ce qui définit l'existence humaine ? Le texte lève cette ambiguïté en affirmant quel'objectivation et l'aliénation produites par l'existence d'autrui ne sont pas totales : c'est-à-dire qu'elles ne font pasde moi totalement une chose sans liberté, et donc sans humanité.

Mais elles me dépossèdent de cette libertécomme elles me dépossèdent de mon être, car autrui s'approprie en quelque sorte ma liberté pour affirmer la siennepropre.

Par le jugement qu'autrui porte sur moi, il transforme mon pouvoir de liberté, c'est-à-dire de me transformeret de transformer le monde, en un attribut figé : je ne suis plus un être qui a du pouvoir sur le monde, qui peut sedéfinir à chaque instant par des actes nouveaux.

Au contraire, face à autrui, je deviens un ensemble dedéterminations, de jugements figés qu'autrui a porté sur moi.

Je possède toujours ma liberté, mais dans le regardd'autrui, je ne suis pas défini par cette liberté, mais par un ensemble d'attributs.

Autrement dit, je ne deviens pasréellement une chose par la simple apparition d'autrui, je suis toujours un être libre, mais c'est la dans la manièredont autrui me perçoit que ma liberté est figée.

De mon point de vue, tout est toujours possible par ma liberté, quiconsiste justement à me soustraire à toute détermination.

Mais du point de vue d'autrui, je suis défini par un acte,celui pendant lequel autrui me regarde et me juge, pensant, par exemple, « cette personne est jalouse » : pour moi,la jalousie peut qualifier mon acte, mais ne définit pas pour autant mon être, qui ne se réduit pas à cela.

Mais pourautrui, je vais désormais être défini par cette détermination qui enferme mon être.

C'est ce que signifie l'expression« solidification et aliénation de mes propres possibilités » : le regard d'autrui me fige et me dépossède de mesprojets qui peuvent s'opposer à une telle détermination. Conclusion Ce texte met en avant les transformations que le fait de vivre sous le regard d'autrui opèrent sur mon être. Cela ne consiste pas à affirmer qu'autrui, par le simple fait d'exister, change réellement la nature de mon être, maisplutôt qu'il fait apparaître un décalage irréductible entre ce que je suis pour moi-même et ce que je suis pour autrui.Parce que les relations avec autrui ne peuvent pas, pour Sartre, être envisagées autrement que sur le mode d'unelutte où chacun veut faire de l'autre un objet pour s'affirmer comme sujet, l'autre comme sujet libre fait de moi unenature définie de manière figée par un jugement porté sur mes actes.

Autrui ne peut pas me considérer comme unêtre libre qui peut se transformer à chaque instant et qui se définit par ses projets : il ne peut me percevoir qu'àtravers mes actes, qui, de son point de vue, définissent ma nature une fois pour toutes.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles