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LE PESSIMISME DE SCHOPENHAUER

Publié le 23/12/2009

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schopenhauer
Schopenhauer est né le 22 février 1788 à Dantzig. Sa mère, fille d'un magistrat n'a que dix-neuf ans. Elle fera plus tard une carrière de romancière. Son père, un riche négociant de quarante ans, donne au futur philosophe le prénom d'Arthur — parce que ce prénom est le même dans toutes les langues européennes — afin que son enfant devienne un véritable « citoyen du monde «. A neuf ans Arthur va passer deux ans au Havre pour apprendre le français. A quinze ans il fait un grand voyage avec ses parents (Paris, la Hollande, l'Angleterre ; il passe six mois à Londres et parlera l'anglais aussi bien que le français). Au retour Arthur entre dans une école de commerce pour prendre un jour la succession de son père. Le père du philosophe meurt en 18o5 (peut-être se suicide-t-il). Tandis qu'Arthur reste à Hambourg pour continuer ses études commerciales, sa mère s'installe à Weimar, anime un cercle littéraire où fréquentent Goethe, et un certain Karl Fernow, critique d'art qui insiste beaucoup auprès de Madame Schopenhauer pour que le jeune Arthur que le commerce ennuie se consacre à des études classiques. A di' neuf ans Arthur entre au Lycée de Gotha où ses résultats sont très brillants. A l'Université de Gottingue le philosophe Schulze lui révèle Platon et Kant, l'orientaliste Maier l'initie aux religions orientales. C'est à l'Université d'Iéna qu'en 1814, à l'âge de 25 ans, il est reçu docteur avec une thèse sur la Quadruple racine du principe de raison suffisante. Après sa thèse il s'installe à Weimar auprès de sa mère, fréquente Goethe et discute avec lui de philosophie (s le soleil n'existerait pas lui dit-il un jour si nous ne le voyions pas ! C'est plutôt nous, répondit Goethe, qui n'existerions pas si le soleil ne nous voyait pas «). Arthur critique la frivolité de sa mère, ses dépenses excessives et se brouille avec elle. A partir de 1814 (et bien qu'elle ait vécu encore plus de vingt ans) il ne la reverra plus jamais. Il passe quatre ans à Dresde. C'est là qu'il écrit son chef-d'oeuvre Le Monde comme, volonté et comme représentation. Il le publie à trente ans, en 1818. L'ouvrage n'a aucun succès. L'éditeur est contraint de mettre au pilon la quasi-totalité des exemplaires. Les cours qu'il fait à l'Université de Berlin en 1819 (où il a été habilité comme privat-docent) n'intéressent personne et Schopenhauer (qui désormais multiplie ses sarcasmes contre les professeurs) renonce à l'enseignement. A partir de 1833 il habite toujours Francfort, vivant de ses rentes avec son chien Atma dans un petit cabinet de travail orné d'une statue de Boudha et de portraits de chiens (ce cabinet de travail a été depuis transformé en musée). L'Académie des Sciences de Drontheim ayant mis au concours cette question : «La liberté de la volonté est-elle prouvée par le témoignage de la conscience ?« Schopenhauer voit couronner son mémoire, mais le mémoire qu'il écrit en 184o sur le fondement de la morale pour répondre à une question posée par l'Académie de Copenhague n'est pas apprécié. Il publiera sans succès les deux mémoires, en 1841 sous le titre : Les deux problèmes fondamentaux de l'éthique. Ce sont de petits et brillants essais, rédigés pour le grand public en 1851 (les Parerga et paralipomena, Accessoires et restes) qui lui vaudront la gloire. En 1859 une nouvelle édition du Monde comme volonté et comme représentation remporte un succès prodigieux et s'épuise en quelques semaines ! On vient alors du monde entier lui rendre visite à Francfort ! Il meurt en 186o, en pleine gloire. Ce philosophe pessimiste n'avait d'ailleurs jamais douté de son succès : «Le temps, disait-il dans sa jeunesse est un galant homme .«

schopenhauer

« Qu'est-ce que cette volonté ? On peut la considérer comme absolue liberté, puisqu'elle est un premiercommencement, puisque c'est par elle que tout existe et qu'il n'y a rien avant elle pour la déterminer.

Mais elle n'arien à voir avec le « libre arbitre » des philosophes.

Elle n'est pas un pouvoir de choix entre des possibles.

Elleressemble plutôt à ce que Spinoza avait appelé « la tendance de chaque être à persévérer dans son être » à ce queNietzsche appellera après Schopenhauer la « volonté de puissance ».

Cette volonté est une puissance aveugle, lapuissance même de la vie universelle ; antérieure au principe de raison, elle est « grundlos », sans fondement, ellen'a pas d'intention, elle exclut toute finalité. Unité de la volonté Dans le miroir spatio-temporel de notre représentation, l'unité de la volonté se brise, un peu comme un objetcontemplé à travers une coupe de cristal à facettes nous semble multiplié en plusieurs exemplaires.

Le vouloir-vivre,vu dans son essence, nous apparaît multiple.

Le monde n'est-il pas composé en apparence d'une multituded'individus qui naissent, croissent, meurent ? Pourtant les individualités ne sont, comme le pensent les Hindous quedes apparences fugitives.

Cette illusion de la multiplicité des individus est en quelque sorte le péché originel de notrereprésentation qui nous offre un monde réfracté à travers les prismes subjectifs de l'espace, du temps, de lacausalité, bref à travers l'intellect qui pense par le principe de raison et d'individuation.

Alors que le vouloir-vivre estpartout, fondamentalement identique à lui-même, je vois les individus multiples dans l'espace, se succédant dans letemps.Si le temps n'est qu'une illusion, on conçoit l'opposition de Schopenhauer à tous les philosophes de l'histoire — quiont le tort de prendre le temps au sérieux —et notamment à Hegel.

L'erreur de tous ces philosophes c'est de n'avoirpas su comprendre Kant, d'avoir pris le temps pour une réalité, d'avoir confondu le phénomène et la chose en soi.Pour Schopenhauer l'avenir et le passé ne sont que des représentations mentales « c'est le présent seul qui est laforce de toute vie ».

Schopenhauer le répète inlassablement : « La volonté de vivre se manifeste elle-même dans unprésent sans fin, car celui-ci est la forme de vie de l'espèce, laquelle ne vieillit pas mais reste toujours jeune ».Chaque espèce est comme une idée platonicienne indestructible et toujours présente, thème éternel sur lequel lesindividus successifs brodent leurs manifestations éphémères.Schopenhauer exprime son intuition fondamentale par des métaphores très brillantes dont certaines sont restéescélèbres : Les individus, dit-il,sont à l'espèce immuable, « comme les gouttes pulvérisées dans la chute d'eaurugissante, avec la vitesse de l'éclair, sont à l'arc-en-ciel dont elles sont le support et qui reste immobile ».

Etconsidérez l'insecte, qui prépare soigneusement une cellule ou un nid pour sa larve du printemps.

Ne ressemble-t-ilpas à un homme qui le soir dispose méticuleusement ses vêtements sur une chaise, apprête son petit déjeuner dulendemain et s'en va dormir paisiblement ? « Tout cela serait impossible si l'insecte qui meurten automne n'était pas en soi et d'après son essence véritable, le même que celui qui éclot au printemps, commel'homme qui s'éveille au matin est le même que celui qui s'est couché le soir.» Voyez ce chien qui jappe joyeusementà vos pieds.

C'est le chien éternel, dans la vérité de son essence.

C'est pour cela « qu'il se présente à nos yeuxavec tant de vivacité et dans sa vigueur première comme si ce jour était son premier jour ».

Les ombres individuellesde l'espèce n'ont cessé de naître et de disparaître mais « le chien éternel est là, devant nous, intact ». Le malheur de la vie Cependant la forme spatio-temporelle de notre représentation entretient l'illusion de l'individualité — etparticulièrement de notre individualité personnelle —C'est une telle illusion qui engendre l'égoïsme, l'égoïsme qui faitque chacun de nous a tendance à se prendre pour le vouloir-vivre tout entier et à tenir les autres pour rien.

Il y ades hommes, dit Schopenhauer, qui seraient capables de tuer leurs, semblables seulement pour cirer leurs bottesavec la graisse du mort !C'est ainsi que nous sommes les esclaves du vouloir-vivre qui prend en nous l'apparence illusoire d'une volontéindividuelle.

Nous luttons sauvagement entre nous pour conquérir des richesses et des honneurs que le mort nousarrachera bientôt.

Nous sommes les esclaves du désir, de ce désir qui est toujours souffrance — souffrance dubesoin tant qu'il n'est pas satisfait, souffrance de l'ennui quand nous avons pu obtenir ce que nous désirions — « Lavie oscille comme un pendule de la souffrance à l'ennui ».

D'ailleurs le besoin ne cesse de renaître de ses cendres et« la satisfaction que le monde peut donner à nos désirs ressemble à l'aumône donnée aujourd'hui au mendiant et quile fait vivre assez pour être affamé demain ».

L'amour sexuel est une duperie, la nature pour arriver à ses fins a paréd'une volupté brutale et fugitive l'union des sexes ; bien vite l'illusion s'évanouit, le charme que nous trouvions ànotre partenaire s'efface ; nous comprenons que nous avons été les esclaves du vouloir-vivre, que ceux que nousavons engendrés, comme nous, désireront, souffriront, se reproduiront sans savoir pourquoi (et c'est le sentimentobscur de notre asservissement au vouloir-vivre aveugle qui provoque la honte ordinairement liée au désir et àl'assouvissement sexuels).

Et pourtant nous continuons à vouloir, à nous faire souffrir, à lutter pour des biensimaginaires, comme si la postérité de Sisyphe se disputait furieusement les morceaux du rocher.Le pessimisme fondamental de Schopenhauer est donc tout proche de celui des religions asiatiques, etparticulièrement du bouddhisme plus encore que du brahmanisme.

Les bouddhistes n'ont-ils pas déclaré que c'est ledésir qui est le mal radical ? Tout désir provient d'un manque, d'une insatisfaction, donc d'une douleur.

Le bien(fugitif et décevant) de l'un n'est d'ailleurs acquis que par le mal de l'autre.

Faut-il donc se suicider ? Non,répondSchopenhauer, car l'homme qui se suicide bien loin de s'opposer au vouloir-vivre est plus que quiconque sonesclave.

On se suicide d'ordinaire parce qu'on a perdu sa fortune ou parce qu'on croit avoir absolument besoin d'unefemme qui ne veut pas de nous.

L'homme qui se suicide est mécontent de sa vie, mais non de la vie.

Il est attachéaux biens illusoires de ce monde, c'est parce que ceux-ci lui échappent qu'il se tue.

« Tous les hommes », a ditPascal après saint Augustin, « cherchent le bonheur, même ceux qui vont se pendre ».

Ainsi le candidat au suiciden'est pas un homme qui refuse le vouloir vivre.

C'est encore le vouloir-vivre — tout à la fois irrésistible et absurde. »

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