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Le manque est-il la condition nécessaire et suffisante au désir ?

Publié le 27/02/2008

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  - Mais bien que le désir soit dynamique pure, il reste chez Hobbes caractérisé par le manque : c?est bien la peur de perdre ce qu?on a dans le présent qui justifie cette tension ininterrompue du désir. Tout comme dans le discours de Diotime dans Le Banquet de Platon, le désir semble bien irrémédiablement lié à la pénurie ; et si ce n?est plus un manque réel qui justifie le désir, c?est désormais un manque imaginaire, ou la peur de manquer. C?est précisément cette conception qui est renversée par Spinoza, qui montre que si l?appétit « n?est pas autre chose que l?essence de l?homme », « Le désir est un appétit dont on a conscience. » Or, Spinoza renverse la conception traditionnelle du désir : ce n?est pas le manque d?un objet jugé comme étant bon ou comme un bien qui explique le désir, mais c?est au contraire parce que nous désirons telle chose que nous la jugeons bonne (Ethique, livre III, théorèmes VI, VII et scolie du théorème IX). Par exemple, nous n?aimons pas une personne parce qu?elle est belle, mais nous la jugeons belle parce que nous l?aimons.   - En plaçant le désir au c?ur de l?essence de l?homme (Spinoza reprend aussi à Hobbes le concept de « conatus » pour caractériser son caractère dynamique), Spinoza s?oppose à toute une tradition qui conçoit le désir comme manque. En poursuivant son geste, Deleuze et Guattari montrent que le manque n?est pas la cause du désir, qu?il n?est ni sa condition nécessaire et suffisante ni même sa simple condition suffisante, mais qu?au contraire il n?est que dérivé par rapport au désir : « Si le désir est manque de l?objet réel, sa réalité même est dans une « essence du manque » qui produit l?objet fantasmé. Le désir ainsi conçu comme production, mais comme production de fantasmes, a été parfaitement exposé par la psychanalyse (?). Bref, quand on réduit la production désirante à une production de fantasme, on se contente de tirer toutes les conséquences du principe idéaliste qui définit le désir comme manque, et non comme production, production « industrielle ». (?) Ce n?est pas le désir qui s?étaie sur les besoins, c?est le contraire, ce sont les besoins qui dérivent du désir ; ils sont contre-produits dans le réel que le désir produit.

« Si nous supposons un monde dans lequel aucun être conscient et désirant ne serait présent, pourrions-nousaccorder un sens à cet univers ? Pourrions-nous lui accorder une valeur quelconque ?Nous aurions affaire à un univers dans lequel tout se situerait sur le même plan, à un monde qui n'existerait pourpersonne et qui pour cette raison ne serait l'objet d'aucune sélection, d'aucun choix.C'est donc pourquoi sens et valeur ne peuvent être considérés comme des êtres en soi, des Idées, existant par soi,mais comme la création, la production de la conscience et du désir.

Ce renversement instaure un relativisme radical,lequel renvoie toute morale qui se voudrait absolue à son statut d'illusion.

Dieu ou la Nature n'ont pas de morale: iln'est de morale qu'humaine. C'est pourquoi nous pouvons considérer avec Spinoza que: "«Nous ne nous efforçons à rien, ne voulons, n'appétonsni ne désirons aucune chose parce que nous la jugeons bonne; mais, au contraire, nous jugeons qu'une chose estbonne parce que nous nous efforçons vers elle, la voulons, appétons et désirons.»Nous ne désirons pas une chose parce que nous la jugeons bonne mais nous la jugeons bonne parce que nous ladésirons.

Le désir produit ses objets et n'est pas produit par eux.

Spinoza opère une véritable révolutioncopernicienne en invalidant la thèse (platonicienne) d'une objectivité absolue des valeurs.

Les choses ne sont pasbonnes en elles-mêmes, pour elles-mêmes, mais relativement à notre désir et à notre constitution.Pourquoi les hommes intervertissent l'ordre des choses ? Pourquoi tiennent-ils la représentation d'une fin jugéebonne comme cause première du désir ? Réponse: comme pour l'illusion du libre-arbitre, par ignorance des causes dudésir.

L'illusion est le fruit d'une conscience partiale, partielle qui se croit totale. Par exemple, j'ai conscience de vouloir habiter une maison.

Donc je crois que l'habitation est cause finale de mondésir.

Je nourris l'illusion qu'il existe un objet désirable en soi.

En réalité, j'oublie que c'est le désir d'une plus grandecommodité, d'un plus grand confort qui n'a poussé à concevoir la maison comme moyen adéquat à mon désir. Remontant la chaîne de tous mes désirs, je m'aperçois qu'ils ne sont que des modalités d'un désir premier de seconserver et de persévérer dans son être.

Spinoza rattache le désir ou conatus à cet effort.

Le conatus ne serésume pas pour autant à l'instinct de conservation car l'homme ne se résume pas à la simple survie biologique maisexprime l'essence dans toute sa richesse et sa complexité.

Persévérer dans son être, c'est tendre à se réaliser,s'épanouir, à actualiser son essence. Le désir est bien l'essence de l'homme.

Tous nos désirs particuliers ne sont que des modes d'expression et deréalisation de ce désir premier de persévérer dans notre être.

Tout désir est donc au fond désir de soi.

Cet obscurobjet du désir, c'est moi-même.

En poursuivant son geste, Deleuze et Guattari montrent que le manque n'est pas la cause du désir, qu'il n'est ni sacondition nécessaire et suffisante ni même sa simple condition suffisante, mais qu'au contraire il n'est que dérivé parrapport au désir : « Si le désir est manque de l'objet réel, sa réalité même est dans une « essence du manque » quiproduit l'objet fantasmé.

Le désir ainsi conçu comme production, mais comme production de fantasmes, a étéparfaitement exposé par la psychanalyse (…).

Bref, quand on réduit la production désirante à une production defantasme, on se contente de tirer toutes les conséquences du principe idéaliste qui définit le désir comme manque,et non comme production, production « industrielle ».

(…) Ce n'est pas le désir qui s'étaie sur les besoins, c'est lecontraire, ce sont les besoins qui dérivent du désir ; ils sont contre-produits dans le réel que le désir produit.

Lemanque est un contre-effet du désir, il est déposé, aménagé, vacuolisé dans le réel naturel et social.

» ( L'Anti- Œdipe , pp.33-35). Conclusion Si le désir semblait, de prime abord, requérir le manque comme condition nécessaire, sinon suffisante, puisqu'il fallaitencore que l'on jugeât l'objet désirable comme constituant un bien – puisque personne ne désire le mal, et quepersonne ne se plaint de se manquer de ce qu'il ne considère pas être un bien –, on conçoit ainsi, au contraire, ennous appuyant sur le renversement conceptuel opéré par Spinoza et Deleuze, que le manque ne suffit pas àexpliquer ni à déterminer le désir.

Le manque n'est pas la cause du désir, et l'essence du désir ne réside pas dans lemanque, qu'il soit réel ou imaginaire.

Au contraire, le manque n'est qu'un effet résiduel, secondaire et accidentel dudésir : c'est le désir qui est premier, et non le manque.

Ce n'est que parce qu'il y a du désir qu'il y a ensuite dumanque, et non l'inverse.

Pour Deleuze, ontologiquement parlant, le désir prime sur le manque.. »

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