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Le héros est-il celui qui fait l'histoire ?

Publié le 27/02/2008

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histoire
Il y a une ruse de la Raison, qui utilise les passions des grands hommes ; ce qu'ils accomplissent n'est qu'en apparence le produit de leurs intérêts. Autrement dit, il faut moins dire que le héros fait l'histoire qu'il n'est fait par l'histoire. L'universel se réalise de toute nécessité, en sorte que chaque nouvel état du monde n'est pas une pure création du grand homme. Celui-ci ne fait que faire advenir ce qui de toute façon est appelé à se produire. On peut donc aller jusqu'à dire que si César ou Napoléon n'avaient pas existé (ce qui en soi n'a pas de sens au sein de la problématique hégélienne), l'Esprit qu'ils incarnèrent ne s'en serait pas moins réalisé. Cela ne vient-il pas dès lors atténuer la grandeur de la figure du héros ? Si le héros n'est pas en dernière instance le véritable acteur de l'histoire, à quoi bon des héros ?   Il convient en effet de se demander si l'histoire est faite par quelques individus isolés ou si le moteur de l'histoire n'est pas en deçà de ces individualités qui ne seraient ni plus ni moins que les agents de la réalisation d'un processus dont ils ne sont pas à l'origine. L'historien, qui cherche à trouver des causes à telle ou telle situation nouvelle, à rendre intelligible le chaos, contingent des faits, met en avant un certain nombre d'événements et isole un certain nombre d'individus, qui permettent de ponctuer l'histoire. L'histoire comme récit se donne en effet à voir comme un défilé de dates et de noms, faisant des héros les acteurs des événements.
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« elle pas du désenchantement produit par la banalité de l'héroïsme, puisqu'aujourd'hui le héros est aussi bien lepersonnage médiocre d'un livre qu'un champion de tennis ou qu'un pompier amateur ? C'est ce culte de l'héroïsmequ'il conviendra en dernier ressort d'interroger.

Ne résulte-t-il pas d'un véritable besoin, qui permet d'expliquer, sinonde légitimer, notre soif d'héroïsme ? Le héros est au premier chef un homme qui a effectué une grande oeuvre, aux effets bénéfiques ou primordiaux pourle reste de ses concitoyens.

Il est l'homme d'action par excellence, son domaine est d'abord celui de la politique, etil est capable d'infléchir le cours de l'histoire.

Le héros se distingue en ce sens du génie, dont le domaine deprédilection est la théorie ou l'art, et du saint, qui appartient plus proprement à la sphère morale.

Il reste que lehéros n'est pas sans posséder certaines des qualités du génie et du saint, puisqu'il doit être inventif et agir dans lesens du bien.

Le héros est en effet un être doté de qualités exceptionnelles, qui le soustraient au commun desmortels : le discernement, l'esprit de décision, la bravoure doivent être son lot.

L'utilité du héros ne semble pouvoirêtre remise en cause, puisqu'il est celui qui, dans les moments confus de l'histoire, a une clairvoyance qui débouchesur une action efficace.

Le héros est prudent », au sens aristotélicien du terme.

Le prudent en effet (Éthique àNicomaque, livre VI, 8-13) est celui qui est capable d'une bonne délibération, qui agit en vue du meilleur des biensréalisables pour l'homme, et dont l'action porte sur des faits particuliers et individuels.

On voit par là que la prudencene peut être objet de science (la science ne porte que sur le général), et qu'elle ne peut s'acquérir que parl'expérience.

C'est ce qui fait que le prudent reste un être tout à fait singulier, bien au-dessus de l'homme ordinaire :l'héroïsme ne s'apprend pas.

Le Cid de Corneille nous donne, en la personne de Rodrigue, le type même du héros,faisant d'ailleurs coïncider la définition du héros comme personnage principal avec celle d'un grand homme d'action.

Le héros est capable de changer le cours de l'histoire et d'apporter du nouveau.

Il bouleverse l'ordre des chosesétablies pour introduire de nouvelles valeurs.

Il est celui qui, brisant le carcan d'une morale instituée, fait entrevoirla possibilité d'une morale nouvelle.

Si le héros, en tant qu'il est « prudent » est, ainsi que l'établit Aristote,nécessairement vertueux, il suit en effet qu'il sera non seulement un grand homme politique, mais encore un hérosmoral.

Dans Les Deux Sources de la morale et de la religion (chap.

1), Bergson distingue deux types de morale, lamorale close qui renvoie aux règles et aux lois qui garantissent le maintien social, et la morale ouverte qui dépassetoute société particulière pour s'étendre au genre humain dans son entier.

Or, si la morale close est d'autant plusparfaite qu'elle se ramène à des formules impersonnelles, la morale ouverte « pour être pleinement elle-même, doits'incarner dans une personnalité privilégiée qui devient un exemple » (PUF, p.

30).

La morale ouverte, qui est lamême chose que l'amour de l'humanité, ne peut donc s'incarner que dans des personnalités exceptionnelles, et c'estd'ailleurs ce qui augmente ses chances de pouvoir trouver un point d'application dans la morale close.

Les héros eneffet entraînent derrière eux les foules, et c'est parce que l'amour de l'humanité se fond dans l'individualité d'un seulhomme qu'il fonctionne comme un appel : « la vérité est qu'il faut passer à l'héroïsme pour arriver à l'amour.L'héroïsme d'ailleurs ne se prêche pas,`; il n'a qu'à se montrer, et sa seule présence pourra mettre d'autres hommesen mouvement » (p.

51).

Le héros est donc celui qui oriente l'humanité vers des destinées nouvelles, et qui estcapable de soulever les foules.

On peut ici songer à l'influence qu'eut Gandhi sur tout un peuple, et la place quetient aujourd'hui encore la philosophie de la non-violence dans les mentalités indiennes.

Le héros incarne donc l'idée de progrès, et les figures des grands hommes symbolisent les étapes du devenir del'humanité.

Pour Hegel, qui s'efforce de penser la contingence historique, l'Esprit est l'objet de l'histoire universelle.Celui-ci n'est pas toujours déjà là, mais s'auto-réalise, en sorte que l'histoire est la manifestation de la marchegraduelle par laquelle l'Esprit parvient à la pleine réalisation de lui-même.

L'histoire a donc un sens.

Or, l'Esprit abesoin de s'incarner, à chaque étape de son développement, dans un peuple, et en chaque peuple certains individussaisissent cet universel supérieur et font de lui leur but : « ce sont eux qui réalisent ce but qui correspond auconcept supérieur de l'Esprit.

C'est pourquoi on doit les nommer des héros » (La Raison dans l'histoire, chap.

II, 2, «les grands hommes »).

Les héros sont donc ces hommes qui veulent une chose juste et nécessaire, qui correspondà leur époque.

Contrairement au commun des hommes, ils savent ce que veut leur époque et mettent toute leurénergie au service de cette réalisation.

Les héros ne sont donc pas seulement des hommes courageux ou habiles, ilssont plus encore ceux qui portent à la conscience la nouvelle figure de l'Esprit et qui parviennent à la faire accepteraux autres individus ; c'est pour cela qu'Hegel en fait de véritables conducteurs d'âmes.

Cependant, si la marche de l'Esprit est nécessaire, comment soutenir que ce sont les héros qui font l'histoire ? Il y aune ruse de la Raison, qui utilise les passions des grands hommes ; ce qu'ils accomplissent n'est qu'en apparence leproduit de leurs intérêts.

Autrement dit, il faut moins dire que le héros fait l'histoire qu'il n'est fait par l'histoire.L'universel se réalise de toute nécessité, en sorte que chaque nouvel état du monde n'est pas une pure création dugrand homme.

Celui-ci ne fait que faire advenir ce qui de toute façon est appelé à se produire.

On peut donc allerjusqu'à dire que si César ou Napoléon n'avaient pas existé (ce qui en soi n'a pas de sens au sein de la problématiquehégélienne), l'Esprit qu'ils incarnèrent ne s'en serait pas moins réalisé.

Cela ne vient-il pas dès lors atténuer lagrandeur de la figure du héros ? Si le héros n'est pas en dernière instance le véritable acteur de l'histoire, à quoi bondes héros ? Il convient en effet de se demander si l'histoire est faite par quelques individus isolés ou si le moteur de l'histoiren'est pas en deçà de ces individualités qui ne seraient ni plus ni moins que les agents de la réalisation d'unprocessus dont ils ne sont pas à l'origine.

L'historien, qui cherche à trouver des causes à telle ou telle situationnouvelle, à rendre intelligible le chaos, contingent des faits, met en avant un certain nombre d'événements et isoleun certain nombre d'individus, qui permettent de ponctuer l'histoire.

L'histoire comme récit se donne en effet à voircomme un défilé de dates et de noms, faisant des héros les acteurs des événements.

Or, comme le souligne Braudel. »

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