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Le droit peut-il s'opposer aux traditions ?

Publié le 27/02/2008

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Si les sociétés sans écriture, sans État, donc sans droit, sont dites traditionnelles, est-ce à dire que le droit et tes traditions sont nécessairement opposés? Les traditions existent en toute société. Les civilisations traditionnelles se distinguent par te fait qu'elles en font leur principal fondement. Qu'est-ce qu'une tradition? Terme d'origine latine [tradere: «faire passer à un autre», «remettre»), il désigne la transmission de connaissances ou de manières de faire. Le propre de la tradition est de tirer son autorité de son fait: s'il faut lui obéir, ce n'est pas en vertu de raisons ou d'arguments mais parce que «c'est comme cela», sinon depuis toujours, au moins depuis très longtemps. Le sujet invitait donc à rencontrer le problème de la place que la raison juridique peut reconnaître à un fondement qui n'invoque que le fait de l'usage. Le droit doit-il toujours pouvoir justifier rationnellement ses dispositions? Ou bien peut-il s'appuyer sur la coutume?
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« Dans ces conditions, on peut en venir à suspecter l'idée d'une efficacité du droit.

Quel pouvoir une règle abstraitepeut-elle exercer sur la conduite des hommes? La condition de son efficacité ne serait-elle pas qu'elle se conformeaux usages en vigueur? L'efficacité du droit serait alors un trompe-l'œil: les lois n'ordonneraient pas la vie socialemais ne seraient au contraire que la traduction, le reflet juridique des pratiques existantes; elles ne commanderaientpas tant aux hommes ce qu'ils doivent faire que ce qu'ils font déjà.

L'instance juridique ne ferait ainsi quesanctionner les normes sociales et n'entretiendrait l'illusion de sa puissance qu'en légalisant les plus répandues.Si la condition du droit est de redoubler l'usage, il faut en tirer la conséquence que l'institution juridique ne peut allercontre la tradition.

Elle ne dispose en effet alors d'aucune force créatrice et ne peut, pour changer, qu'accompagnerl'infléchissement des mœurs.

L'idée même d'un droit révolutionnaire, dans cette perspective, paraît contradictoire:en rupture avec la substance des us et coutumes, il se réduit à une abstraction que seule la violence peut espérerimposer.

Ce droit, sans le bras armé de la Terreur, est condamné à rester vain. 2.

Le droit se fonde sur la raison A.

L'égalité, principe de l'autorité du droitQuoi que l'on pense des limites de l'efficacité des règles juridiques face à la tradition, il faut bien reconnaître quel'idée même du droit, entendue comme principe autonome, indépendant de la morale et de la religion, s'est élaboréecontre la régulation par les mœurs.

Ce sont tes Grecs qui, en même temps qu'ils ont inventé les mathématiques, ontéprouvé pour la première fois, dans la culture européenne, le besoin de suivre non plus seulement l'usage maisl'usage jugé bon.

L'exigence rationnelle de justification est venue mettre en question la tradition et ï contester safonction de fondement des lois.

Sans doute l'irruption de ° la raison juridique a-t-elle été l'expression d'une crise desvaleurs traditionnelles, en particulier d'un effondrement de la croyance aux mythes.

Mais son destin devait laconduire au-delà des conditions sociales et historiques de sa naissance.Comment définir l'exigence juridique? Comme un souci de justice, c'est-à-dire d'égalité.

Le droit ne statue pas sur lecontenu de ce que chacun doit recevoir de la société (honneurs, pouvoirs, devoirs, richesses...) mais sur le fait quecette répartition ne doit pas se réaliser n'importe comment: il faut, pour être juste, qu'elle respecte un mêmerapport (en grec, logos, traduit en latin par ratio) afin que chacun soit traité selon tes mêmes règles que les autres.Qu'il s'agisse d'une justice arithmétique, où tous reçoivent la même chose, ou d'une justice géométrique, où tousobtiennent selon une même proportion, l'essentiel est que la société soit administrée selon une raison et non plusselon la force, l'arbitraire ou les usages.

La légitimité du droit se hisse ici au-dessus de l'autorité de la tradition. B.

Le droit peut s'opposer aux traditionsSi l'institution juridique se fonde sur des principes de justice propres, la raison, au nom de cette justice, peutrevendiquer une légitimité clairement distincte de la force comme de l'usage.

Dans cette perspective, le fait ne faitpas droit et le «il en est ainsi» de la tradition ne peut plus prétendre au titre de critère de justification.L'organisation juridique de la société exprimerait alors l'exigence d'un respect mutuel entre les hommes allant bienau-delà du souci de faire corps avec un groupe en en partageant les règles de vie commune.

C'est au nom del'universel, contre le particularisme de la tradition, que le droit peut être alors reconnu et obéi.

Non pas qu'il réclamed'abolir toutes les mœurs existantes pour leur substituer des règles uniformes communes à toute l'humanité, mais encas de conflits d'usages, ou de crise sociale réclamant la définition de nouveaux codes de conduite, le droit faitvaloir le principe universel de l'égalité entre les citoyens.

Prenons quelques exemples.

Les pratiques de chasse desoiseaux migrateurs sont ancrées dans les mœurs de certaines régions françaises.

La raréfaction de certaines de cesespèces rend nécessaire la mise en place de mesures protectrices.

Au nom de quoi réglemente-t-on ici lestraditions? Au nom de l'intérêt de tous à pouvoir profiter d'une même richesse et diversité naturelle.

Il serait injusteque les générations futures ne puissent plus observer certains oiseaux parce que leurs aïeux, par tradition, seseraient laissés aller, sans discernement, au plaisir de la chasse.

En ce qui concerne la définition juridique denouveaux comportements, on peut évoquer le problème éthique qu'a soulevé la mise au point de techniquesd'insémination artificielle: doit-on autoriser le fait que des femmes puissent mettre à profit leur fécondité pour louerleur corps à des couples dont ils recevraient les embryons? Tous les hommes n'étant pas égaux en richesse, on peutfacilement prévoir qu'un commerce des ventres porteurs se ferait au détriment des populations les plus démunies.

Ilserait sans doute également très préjudiciable, pour l'enfant, qu'il naisse dans le contexte d'un service rémunéré.

Oncomprend facilement, ici, que le législateur soit porté à interdire.

Le droit peut donc montrer le chemin aux mœurs: ilpeut les réformer, au prix, le plus souvent, de conflits; il peut en impulser de nouvelles. 3.

Le droit a besoin du soutien de l'usage A.

Les lois n'existent que parce qu'elles sont respectéesLe droit peut-il toutefois se dresser durablement contre l'usage? Comme nous l'avons rappelé pour la sociétégrecque qui a vu naître notre idée du droit, la raison juridique ne peut apparaître qu'au sein d'un peuple dont lescroyances traditionnelles sont affaiblies.

C'est la crise de l'autorité des traditions qui ouvre le chemin à la légitimitéjuridique.

Mais faut-il aller jusqu'à considérer qu'une société ne peut être régie par le droit qu'à la condition que sesmembres se soient libérés de toute tradition? Il est difficile d'imaginer un homme dont le comportement ne porteraitla trace d'aucune convention, d'aucun usage.

Ne s'agirait-il pas d'un individu sans éducation, forcément tyranniquepuisque rien, en dehors de la crainte de la loi de l'État, ne serait susceptible de brider ses désirs? L'humanitérespectueuse du droit ne saurait donc avoir comme seuls critères d'action les règles juridiques.

Celles-ci ne peuventd'ailleurs avoir d'efficacité et orienter efficacement les mœurs qu'à la condition d'être compatibles avec cesdernières et de finir par passer en elles.

Ainsi, en France, la loi de parité dans la représentation des deux sexesparmi les candidats aux fonctions représentatives de l'État n'est pas encore parvenue à infléchir les pratiques: lespartis payent des amendes mais ne parviennent pas à accomplir cette révolution culturelle que de nombreux pays. »

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