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L'artiste doit-il sacrifier la vérité à la beauté ?

Publié le 27/02/2008

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Bien définir les termes du sujet : - « L'artiste » : Désigne celui qui fait de l'art, celui cherche le beau et pratique les beaux-arts. Plus généralement désigne quelqu'un qui a du goût. Le terme désigne une classe d'individu, qui privilégie la culture, l'esprit, et le goût, qualités qui se caractérisent par le fait qu'elles ne sont pas utiles en soi. - « La vérité » : c'est le caractère des jugements auxquels on peut accorder son assentiment, ce sont des propositions dont est absente toute contradiction. Mais cette définition appartient trop au domaine de la logique ; ici, mis en regard avec les termes de Beau et d'artiste, la vérité renvoie plutôt à ce qui existe réellement. Ce qui est vrai, c'est ce qui a une existence dans le réel, ce à quoi on peut se rapporter, par rapport à l' ‘'illusion'' de l'oeuvre d'art. - « La beauté » : C'est le caractère de ce qui est beau, et dans notre contexte, le terme s'applique aux oeuvres d'art. Le beau est ce qui suscite un plaisir désintéressé produit par la contemplation et l'admiration d'un objet. Il est considéré comme un concept normatif fondamental de l'esthétique qui permet d'apprécier les choses. - « Sacrifier » : c'est perdre, abandonner, négliger au bénéfice ou en considération de ce que l'on fait passer avant. Ici, sacrifier la vérité à la beauté pour un artiste, c'est dire qu'il considère le beau comme supérieur au vrai, et comme devant lui être préféré. Construction de la problématique : Le sujet met en rapport deux notions fondamentales, celle de « vérité » et celle de « beauté » : il les confronte pour tenter de voir laquelle doit être considérée comme supérieure. Mais ici, le cadre étant celui de l'art, il semble évident que ce soit le beau - en tant que concept normatif esthétique - qui doive dominer. Les deux types de discrimination - vrai / faux - beau / laid - ne peuvent se superposer. Mais si le sujet tente tout de même de les confronter, c'est parce que l'art entretient un rapport au réel, il se l'approprie et le transforme. Se pose donc la question de savoir comment l'artiste part du réel pour s'en inspirer, et si cela suffit à pouvoir juger son oeuvre selon les critères du beau et du vrai. Autrement dit, quel rapport entretient l'art avec le réel ; doit-il l'imiter ou le réinventer ?

« En effet, selon lui, la conception de Platon est « étrangère à l'art » puisqu'elle lui refuse toute valeur avant de leconsidérer en tant que tel.

En effet, Platon juge les œuvres d'art selon des critères qui n'appartiennent pas àl'esthétique : il cherche à voir en elles la même chose que ce qu'il cherche lorsqu'il étudie les Idées.

Platonn'accorde d'intérêt aux productions que dans la mesure où elles poursuivent la même fin que la « connaissancevraie » : ces dernières sont jugées selon leur capacité à s'approcher du monde des Idées, c'est-à-dire de l'essenceintelligible des réalités sensibles.

Les œuvres doivent donc pour Platon exprimer les Formes idéales.

Cette manière deconcevoir les choses constitue pour Panofsky un contresens sur la nature et la fonction de l'art.

« Il n'en demeurepas moins légitime de désigner la philosophie de Platon, sinon comme une ennemie déclarée de l'art, du moins commeune philosophie étrangère à l'art.

».

La valeur des œuvres d'art ne peut donc pas explique t-il juste après, êtremesurée en fonction du concept d'une connaissance vraie, c'est-à-dire d'une conformité à l'Idée, parce queconcept est étranger à l'art.

Par contre il est possible de suivre Platon sur un point : l'art ne doit pas imiter simplement le réel, et ce,non pas pour les raisons exprimées par Platon.

Un artiste ne doit pas se réjouir quand il parvient à donner l'illusionparfaite de la réalité, puisque cela marque plutôt une faiblesse de son art, qu'une qualité.

En effet, être capable detranscrire parfaitement le réel en art montre tout au plus que l'artiste est un bon technicien, mais cela ne signifiepas qu'il ait du génie.

C'est ce que pense Hegel dans l'introduction à L'Esthétique pour qui l'art ne se réduit pas àune parfaite maîtrise des techniques de production – même si cela est nécessaire, ce n'est pas suffisant.

« Au lieude louer les œuvres d'art parce qu'elles ont abusé des colombes et des singes, mieux vaudrait se contenter deblâmer justement ceux qui s'imaginent encenser l'œuvre d'art en ne lui attribuant comme fin suprême qu'un aussimédiocre effet.

» Hegel fait allusion à la toile de Zeuxis dont les raisins étaient tellement bien peints que descolombes ont voulu en manger.

La stricte représentation et imitation de la nature n'est rien : la vérité de la peinturene fait pas la valeur de celle-ci.

Cela pour une raison en particulier : du point de vue de la simple imitation, l'hommene pourra jamais faire aussi bien que la nature.

Ceci sans compter que ce qui peut paraître agréable dans la naturenous apparaîtra comme un fastidieux stratagème si il est produit par un homme.

Il faut au contraire que l'hommeproduise quelque chose qui lui soit propre.

« Nous attendons en effet de la libre puissance productrice de l'hommetout autre chose ».

La véritable œuvre d'art n'est donc pas celle qui cherche à tout prix à rejoindre la vérité, àimiter le réel.

Cette œuvre là serait an –esthétique, et ne pourrait de ce fait nullement prétendre au beau.

III/ Le beau est une autre vérité : Cependant, il nous semble parfois qu'un tableau ou soit « plus ressemblant que le modèle original » ; cecicertainement parce que l'artiste a mis dans son œuvre une sensibilité que nous pouvons nous aussi éprouvé.

Ainsi, iln'est pas rare de voir un paysage que nous connaissons bien apparaître en peinture comme complètement différentde ce que nous voyons d'habitude, alors que tous les détails y sont et la perspective est strictement respectée.

La peinture, même figurative, ne se contente en effet jamais de simplement copier le réel, tout est écritMarcel Proust « une question non de technique, mais de vision » Le temps retrouvé.

Diderot déjà avait énoncé cetteidée qui sera développée par de nombreux artistes comme Delacroix ou Klee, dans Paradoxe sur le comédien.

Ilmontre en effet dans cet opuscule que l'art du comédien ne consiste pas à singer la réalité, mais à la montrerdifféremment.

Selon lui, une femme qui pleure réellement sera laide et ne touchera pas : son visage est déformé, etson accent blesse l'oreille.

L'artiste ne doit pas s'inspirer de cette douleur pour composer la sienne, il doit aucontraire jouer avec sa tête et non avec ses entrailles.

« Les passions outrées sont presque toutes sujettes à desgrimaces que l'artiste sans goût copie servilement, mais que le grand artiste évite.

» L'art ne doit donc surtout pas,pour être art et pour être beau, copier le réel.

Il doit éviter la vérité, sans quoi il donnera à voir non pas des acteshéroïques et dignes, mais des grimaces.

« L'action dénuée de tout apprêt serait mesquine et contrasterait avec lapoésie.

» Cette idée est prolongée et développée par des artistes comme Delacroix.

Selon lui, la peinture de David serapproche tellement du réel que finalement l'œuvre n'est ni vraie, ni belle.

En effet, reproduire exactement le réel nepermet pas de parvenir à la beauté, puisque l'on obtient simplement un cliché, une sorte d'instantané de l'instant.Cela ne permet même pas de parvenir à la réalité puisque personne ne voit le monde à la manière objective del'instantané.

Le réel est toujours interprété et vu subjectivement : ainsi, lorsque le peintre tente de reproduire cequ'il voit, il ne recopie pas la nature, il tente simplement d'introduire dans son œuvre ce qu'il ressent, le rapport auréel qu'il entretien à ce moment là.

Si une scène lui a paru violente, comme par exemple les scènes de chasse chezDelacroix, les chevaux seront pliés, courbés outre mesure, les couleurs seront rouges, les tigres seront flous.

Et toutceci non pas parce que c'est ce que l'artiste voit, mais parce que c'est ce qu'il sent, et que c'est de cette manièreque le réel se présente à lui.

Une œuvre d'art sera donc vraie, mais dans un certain sens seulement : elle ne serapas une reproduction du réel, mais la manière de voir d'un individu.

Cette transformation de l'œuvre, cetteconstruction du réel qu'elle opère lui donne justement sa beauté.

Conclusion : L'artiste n'a pas besoin de sacrifier la vérité à la beauté, parce que son travail ne se situe pas sur les deuxplans à la fois.

L'art n'est pas du domaine de la vérité, et le vrai n'entre pas dans les critères qui permettent dejuger si une œuvre est bonne ou non : seul le beau le peut.

Et si l'artiste parvient à une forme de vérité, ce n'estpas celle à laquelle on se réfère généralement.. »

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