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La technique peut-elle nous faire rêver ?

Publié le 27/02/2008

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Un salon automobile. Un homme, le regard un peu vide devant une superbe voiture. Il rêve. Les performances, les lignes, le confort. Tout lui plaît. C’est manifestement la voiture de ses rêves. Le salon de l’agriculture. Même scène, devant un tracteur. Un magasin d’informatique, même scène. On pourrait multiplier les exemples. Nombreuses sont les réalisations techniques qui nous font rêver, qui viennent combler nos désirs, répondre à nos attentes. Il faut même aller plus loin, sans doute, et dire que c’est la technique qui nous fait rêver. Car elle semble capable de réaliser nos désirs. Elle paraît pleine de promesses. Pourtant, écoutons le journal télévisé. Il y est question du trou dans la couche d’ozone, du problème du retraitement des déchets nucléaires, des dangers des sites qui sont accessibles sur Internet, etc. Autant d’effets inquiétants de nos techniques. Ici, il n’est plus question de rêver. Il s’agit plutôt de cauchemars. Alors avons-nous été trop vite en affirmant que la technique pouvait nous faire rêver ? Serait-il plus juste d’affirmer que la technique produit le meilleur et le pire ? Et par conséquent qu’elle peut parfois nous faire rêver, parfois nous inquiéter jusqu’au cauchemar ? On pourrait être tenté de le penser. Mais est-ce aussi simple ? Peut-on vraiment distinguer de bonnes et de mauvaises techniques ? Des techniques capables de nous faire rêver et des techniques inquiétantes ou néfastes ? Peut-être pas. Il serait sans doute plus juste de dire que toute technique est en puissance dangereuse. Tout dépend de l’usage que l’on en fait. Un bâton peut être une chose très utile, mais il peut aussi se transformer en arme et tuer. Alors plutôt que de rêver devant les réalisations et le progrès technique, ne serait-il pas plus sage de s’inquiéter, d’éprouver de la peur ? Ne devrions-nous pas nous demander sérieusement si nous avons raison de rêver face à la technique ? Peut-elle nous faire rêver ? C’est la question que nous examinerons dans ce qui suit.

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« juste d'affirmer qu'un des désirs les plus profondément enracinés en l'homme est le désir de pouvoir ? Sans doute.Car l'homme est un animal inquiet.

Son impuissance le trouble.

Il craint l'échec, il le redoute et se mine avant mêmed'échouer.

Alors, il rêve forcément de puissance.

Puissance sur les maladies qui le menacent, sur les forces de lanature qui le menacent également, sur les autres hommes qui peuvent aussi le menacer, etc.

Ce rêve de puissance,ce désir de puissance, les techniques viennent le réaliser, l'assouvir.

En ce sens, il semble tout à fait légitimed'affirmer que la technique eut nous faire rêver. Résumons-nous.

Que nous apporte la technique ? D'abord un accroissement de nos capacités.

Ensuite de nouvellescapacités.

Ainsi, elle développe notre pouvoir.

Cela semble évident.

Il paraît donc difficile de ne pas conclure que latechnique peut nous faire rêver. Seconde partie.

Cependant, on trouvera sans doute cette conclusion bien optimisme.

Comme cela a été rappelédans l'introduction, les inconvénients des techniques modernes sont désormais trop visibles pour qu'on puisseaffirmer purement simplement que la technique peut nous faire rêver.

Au mieux on concèdera que pendantlongtemps les techniques ont pu faire rêver.

Mais désormais, elles paraissent davantage capables de créer devéritables cauchemars.

Les techniques inquiètent.

On en redoute le progrès.

Pensons à ces scénarios catastrophesqui sont régulièrement évoqués : incident dans les centrales nucléaires, raréfaction de l'eau, infertilité croissantedes sols, détérioration de l'atmosphère terrestre rendant difficile, voire impossible, la vie sur Terre, etc.

Il n'y a paslà, on en conviendra aisément, de quoi rêver. Mais soyons, ici aussi, plus précis.

Qu'ont donc de particulier les techniques modernes ? Pourquoi nous inquiètent-elles alors que les techniques plus anciennes, plus traditionnelles ne le font pas ou peu ? Il est assez aisé derépondre.

Les techniques modernes reposent sur des connaissances scientifiques.

Elles ne sont plus issues d'unsavoir empirique, forcément limitée et imparfait.

Elles sont issues d'une connaissance systématique, méthodique,approfondie.

Or cela change tout.

Prenons un exemple.

La simple observation des poissons, dans une rivière, aussiattentive soit-elle, procure un savoir limité et relativement superficiel.

On découvre les habitudes du poisson, cequ'il mange, à quelle heure, etc.

Cela permet de créer des techniques efficaces.

Mais ces techniques ont peu deconséquences.

Une connaissance scientifique des poissons va loin.

Elle signifie que la physiologie du poisson estconnue.

Ce n'est plus de l'extérieur qu'on l'appréhende, mais de l'intérieur, dans ses mécanismes biologiques.

Lestechniques qui en découlent sont bien plus puissantes.

Encore plus puissantes lorsque l'on parvient à maîtriser lecode génétique des poissons.

On pourra ainsi les modifier radicalement.

C'est cette puissance des techniques quicrée l'inquiétude.

Que l'homme ait autant de pouvoir sur la nature ne fait pas rêver.

Car que fera-t-il de ce pouvoir ?Et jusqu'où pourra-t-il le maîtriser ? Ces questions naissent inévitablement lorsque l'on mesure la puissance destechniques modernes.

Et cela suscite non pas des rêves mais plutôt des cauchemars. Disons cela autrement.

Les sciences ont permis de vraiment comprendre la nature, c'est-à-dire d'en découvrir lesforces et les lois.

La conséquence est non seulement que l'homme peut plus facilement se faire obéir de la nature,mais surtout qu'il peut la modifier en profondeur.

Ayant toujours mieux en son pouvoir les lois de la nature, il peutagir sur elles, revoir leur équilibre.

Il ne s'agit plus alors de modifier localement une partie de la nature, mais plutôtde la modifier dans toute son ampleur.

En ce sens, l'homme qui cherchait à accroître son pouvoir, qui rêvait d'êtrecomme maître et possesseur de la nature, est en passe d'atteindre son but.

Mais là est précisément le problème.Car il n'est plus certain que ce pouvoir total ait de quoi faire rêver. Pourquoi ? D'abord Voici une première raison.

Nous l'avons dit dans notre première partie : chaque progrès techniqueaccroît le pouvoir de l'homme.

Ce dernier devient donc toujours plus puissant.

Cela ne devrait-il pas nous inquiéter ?Car donner du pouvoir aux hommes, c'est toujours courir le risque qu'ils en abusent.

Et croire qu'ils n'en abuserontpas serait sans doute naïf.

L'expérience montre trop clairement le contraire.

Prenons un exemple tout simple : avecun bâton, on marche mieux.

Voici donc une technique magnifique.

Mais les hommes se sont servis des bâtons pourse battre, pour tuer.

La technique magnifique fut aisément détournée.

Alors lorsque les techniques se transformenten technologies et qu'elles donnent aux hommes un pouvoir sur la planète entière, sur des millions d'hommes, avons-nous vraiment de quoi rêver ? Quel désir peut donc être assouvi lorsque l'on pense à cela ? Aucun sans doute.

Cesont plutôt nos craintes, nos méfiances qui sont ravivées.

Si l'homme était bon par nature, si ses actes étaienttoujours tournés vers le bien, vers le souci de l'autre, alors sans doute nos techniques pourraient nous faire rêver.Mais il est difficile de croire à la bonté des hommes.

Alors la technique a bien plus de quoi nous faire cauchemarderque rêver.

[Ici j'aurais pu reprendre mon analyse du mythe de Gygès afin de montrer de façon plus précise et plusconvaincante que l'homme n'est pas forcément aussi juste qu'on pourrait le penser.] Mais ce n'est pas seulement la nature humaine qui est en cause ici.

C'est aussi son savoir.

Les connaissancesscientifiques permettent aux hommes d'accroître leur pouvoir sur la nature et sur eux-mêmes.

Mais cesconnaissances ne sont pas toujours suffisantes pour prévoir à long terme les conséquences de ce pouvoir.

Pensonsau problème de la vache folle.

Des techniques ont permis de nourrir des poulets avec des aliments qu'ils neconsomment pas habituellement : du poisson.

Technique remarquable, mais dont nul n'avait pu prévoir lesconséquences dramatiques.

C'est ce décalage entre la puissance technique et la connaissance des conséquencesqui est à nouveau source d'inquiétude.

Plus l'homme met en œuvre des techniques puissantes, plus il court le risqued'enclencher un processus qu'il ne maîtrise et donc les inconvénients n'apparaîtront que tardivement, à un momentoù il sera peut-être trop tard.

Dans ces conditions, la technique n'est plus vraiment capable de nous faire rêver. On trouvera confirmation de notre thèse chez Hans Jonas.

Dans Le Principe responsabilité, il a parlé du caractère. »

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