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La résistance peut-elle être un droit ?

Publié le 22/02/2012

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La résistance peut-elle être un droit ?
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« ses propos qui constituèrent sa principale ligne de défense : « il faisait son devoir, obéissant aux ordres et à la loi ».A l'instar d'Eichmann, Papon insista sur son rôle de fonctionnaire et sur le fait qu'il était contraint d'obéir aux ordressupérieurs.

Dans les deux cas, les accusés se sont retranchés derrière le légalisme pour excuser leurs crimes.

Cettesoumission totale à l'Etat excluait toute résistance au mépris du but premier oublié de l'Etat, la conservation de soi.C'est pourquoi Alain Finkielkraut explique dans La Mémoire Vaine l'importance de juger les petits rouages du système nazi : « il fallait leur ôter l'excuse de la légalité et de l'obéissance aux ordres ».

Dans de tels régimes, la résistanceest donc une infraction, elle ne constitue pas un droit.

Il y a un renoncement de soi au nom de la patrie et de cefait, la conservation de la patrie prend le pas sur la conservation des intérêts des individus.

La résistance (àl'autorité) n'a donc plus aucune raison d'être.

Ainsi sous le régime de Vichy, la Résistance ne pouvait pas êtreefficacement fondée en droit.

Elle s'appuyait essentiellement sur une contestation morale.

L'Etat a en effet failli à ses obligations de garantir la sécurité des biens de l'homme que sont la vie, la liberté et lapropriété.

D'où un droit de résistance qui trouvera son accomplissement avec John Locke dans le Traité du gouvernement civil (1690).

Si le peuple n' a aucun droit de résister à l'autorité tant que celle-ci remplit son rôle, il a en revanche un droit de légitime défense face à un monarque dont la gravité des exactions a détruit le titre àgouverner.

Une telle approche semble plus raisonnable car si elle ne remet pas en cause l'autorité générale de l'Etat,elle prévient un impensable retour à l'arbitraire.

Cette résistance à l'oppression appartient alors au peuple qui,existant en tant qu'entité propre, est juge ultime et souverain de la « trahison » du gouvernement.

Il surveille lesactes du pouvoir qu'il a mis en place et lui fait respecter ses droits issus de la Nature.

Cette résistance n'est pas àproprement parler un droit juridique, elle est un droit naturel.

Comme l'homme, ce droit naturel préexiste à touteorganisation politique et fait de la résistance un élément fondamental pour sa sauvegarde.

Dans le raisonnementfinal de Locke, cela doit mener à l'institution d'instruments qui protègent le peuple d'un retour à l'arbitraire.

Cetinstrument doit délimiter l'étendue des pouvoirs de l'autorité, ses missions et devoirs, et surtout, des procédures decontrôle et de déchéance juridique du Gouvernement si celui-ci outrepasse ses pouvoirs.

C'est une constitution quipermet alors le passage d'une résistance qui n'était qu'informelle mais nécessaire en un instrument de droit.

B.

L'institutionnalisation et la légalisation du droit de résistance Les démocraties modernes en se dotant d'une loi fondamentale ont formalisé la résistance en l'érigeant enun droit positif.

De la Déclaration d'indépendance américaine de 1776 à la Déclaration des Droits de l'Homme et duCitoyen de 1789, de la Loi Fondamentale allemande de 1949 à la Constitution de la Vème République en 1958, toutesfont de la résistance à l'oppression un droit inaliénable et sacré à la base de la démocratie.

Par exemple, l'article 21de la constitution du Portugal prévoit que « toute personne a le droit de s'opposer à un ordre qui porte atteinte àses droits, à ses libertés ou à ses garanties ».

La Déclaration d'indépendance américaine quant à elle soutientqu'après « une longue suite d'abus et d'usurpations [qui] marque un dessein de les [hommes] soumettre audespotisme absolu, il est de leur droit de rejeter un tel gouvernement ».

En France, c'est l'article 2 de la Déclarationqui fait de la résistance à l'oppression un « droit naturel et imprescriptible de l'homme ».

Toutefois, ce droit derésistance au régime oppressif instrumentalisé par la constitution n'est rien s'il n'est pas contrôlé et rendu effectifpar certaines instances.

C'est ce que sous-entendait M.

Carré de Malberg quand il disait dans sa Contribution à la théorie générale de l'Etat que si la France était un Etat légal, elle ne s'était pas élevée à la perfection de l'Etat de droit.

Par conséquent, forme de résistance (pas seulement à l'oppression mais de manière plus large) dans lessociétés modernes, le recours au juge, troisième pouvoir, est une légalisation de ce concept.Des cours constitutionnelles ont été instituées, garantissant l'Etat de droit.

La Cour Suprême aux Etats-Uniss'érigeait dès 1804 comme protectrice des libertés fondamentales ( CS Marbury vs Madison 1804 ).

En France, il fallut attendre 1958 pour voir apparaître ce contrôle et 1973 pour que l'organe joue vraiment un rôle de protecteur deslibertés en intégrant la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen dans le bloc de constitutionnalité et donc,en rendant effectif l'article 2 ( CC taxation d'office 1973 ).

Et c'est en 1982 que le Conseil constitutionnel a réaffirmé la valeur de droit positif de l'article 2 de la Déclaration et donc du droit de résistance à l'oppression . Plus largement, l'accès au juge administratif ou judiciaire représente un contrôle individuel des actions de l'Etat.

Lerecours pour excès de pouvoir qui tend à faire annuler pour cause d'illégalité les actes unilatéraux des autoritésadministratives est un exemple du droit de résister au pouvoir réglementaire.

Toutefois, seule la ConventionEuropéenne des Droits de l'Homme prévoit ce recours au juge comme un droit fondamental.

Et c'est d'ailleurs auniveau européen que la conception juridique de la résistance est peut-être la plus accomplie puisqu'un individu peutattaquer son Etat national en violation d'un de ses droits devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme.

Lamultiplication des cours internationales pénales (Tribunal pénal pour le Rwanda, l'ex-Yougoslavie, Cour pénaleInternationale) tend également à faire de la résistance un droit.

Droit qui, en outre, a été formulé dans les Pactesinternationaux (civils et politiques) de 1966 en tant que « droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ».

Cela alégitimé après coup la résistance aux situations coloniales et aux occupations étrangères.

Mais restreindre larésistance à son existence dans l'ordre juridique est insuffisant.

On pourrait penser qu'un droit de résistance dans un Etat de droit, une démocratie moderne prive de son sens cemême système démocratique.

En effet, certains juristes et certains auteurs comme M.J.

Redors soutenaient que « sil'ordre juridique [était] correctement organisé, le droit de résistance [deviendrait] inutile ».

Il remettrait en cause labase de l'Etat puisqu'il serait source de désordre dans un ordre démocratique et remettrait en cause la fonction dela loi qui est l'expression de la volonté générale et tend à l'accomplissement des droits civils.

Une telle analyse nepeut être retenue.

Mais à quoi bon reconnaître la résistance autrement que par les mécanismes que l'Etat institue etqui rendent effective et légale l'opposition des citoyens à une certaine loi, à un certain acte?. »

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