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La réflexion sur la construction sociale de la science mène-t-elle au scepticisme ?

Publié le 22/02/2012

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Se demander si la réflexion sur la construction sociale de la science conduit au scepticisme, c'est avant tout considérer le paradoxe que pourrait présenter une telle question. Envisager la science, censée nous présenter des vérités sûres, objectives et universelles, peut tout de même entraîner une interrogation sur sa fiabilité : envisager une position sceptique la concernant c'est déjà porter un doute, sur sa fiabilité. En effet, l'expérience acquise par notre histoire, qui a prit du recul sur les temps passés, a prouvé à de nombreuses reprises que la science pouvait se tromper et induire en erreur toute une communauté de scientifique pourtant décider à faire du monde un espace mathématisable et par conséquent compréhensible de la même façon par tous. Pourtant même une connaissance acquise par un effort scientifique n'est pas définitive, et doit être questionnée, parfois détournée. Alors, puisque cet effort se dirige de multiples façons, on en vient à diversifier la science ; une diversité qui s'accentue avec le développement historique du savoir scientifique car, en effet, les sciences sont en perpétuelles évolutions, le progrès étant une de leurs exigences.

« Ainsi, bien que le scepticisme puisse douter, ce qui est d'ailleurs presque devenu une obligation dans les sciencesmodernes, rien n'empêche le platonisme et l'intuitionnisme de rendre manifeste une raison créatrice dont l'univers estun langage qui est en grande partie accessible à notre langue scientifique, comme Galilée l'avait déjà prédit.

Toutefois, la rationalité dont les savants font preuves peut, et même est, souvent une source d'erreur ; sans doute parcequ'ils peuvent avoir la certitude de l'existence du vrai, et ainsi ne doutent pas assez des préjugés dans lesquellesleur pensée s'est élevée. Il est évident que douter de tout, toujours ne peut pas faire évoluer la connaissance ou reconnaissance de la véritéqui ne serait alors que négative.

Mais, douter bien peut s'avérer non seulement utile mais primordial pour la science.La science exige que l'esprit s'arrache aux évidences premières et comprenne que son objet ne lui est pas donnédans l'intuition mais doit être méthodiquement construit à partir de la position d'un problème.

L'obstacle au progrèsde la science, c'est l'illusion du savoir immédiat (portée par la Métaphysique) or il ne suffit pas d'observer et dedécrire les faits pour connaître leurs vérités.

Le scientifique, en cela, ignore que ce qu'il prend pour l'expériencedirecte et objective de la réalité n'est en fait qu'une projection subjective.

C'est dans ces circonstances que lescientifique se doit de douter non seulement des vérités, qui sembleraient alors décrire la réalité, mais aussi de lui etde ce qui serait ses propres simples croyances.

En science « Rien ne va de soi.

Rien est donné.

Tout est construit.» disait Bachelard dans la Formation de ‘esprit scientifique (I,1).

Ainsi, la conception linéaire du progrèsscientifique est abandonnée en faveur des ruptures épistémologiques se présentant par des changements deméthode et de concepts.

Ces progrès résultent donc d'une victoire de l'esprit sur ces propres blocages et préjugés.Par là, la construction de la science qui doit être une réorganisation des pensées déjà mûries dans les préjugés, selibère pour rendre à la pensée scientifique son pouvoir d'invention et d'objectivité.

La science ne prolonge pas laconnaissance commune, mais elle rompt avec elle.

Elle suppose une révolution spirituelle par laquelle l'esprit acceptede reconstruire son savoir, en comprenant qu'il n'y à aucune vérité qui s'exprime sans d'abord avoir été une erreurrectifiée (XII,1).Pour devenir scientifique, il doit lutter contre ses tendances spontanées, remettre en question ses intuitions,prendre conscience de ses préjugés et de ses illusions.

Encore faut-il avoir la bonne méthode pour le faire.

Laformation d'un esprit scientifique passe donc par l'institution de processus, de choix théoriques et de choixméthodologiques afin de remporter la victoire sur les obstacles qui bloquent la pensée, en fournissant des réponsesséduisantes à des questions qu'elle n'a pas fait l'effort de préciser.

La rupture d'avec les préjugés doit être radicale.En effet, il est si difficile de s'abstraire de ces préjugés inspirés par le monde et la société que seul la brutalité duchangement peut l'en sortir.

Alors, on en vient à penser la science comme quelque chose de contingent, totalementopposé à une méthode entraînant un savoir sur des vérités absolues intrinsèques au savant.

Alors l'autoritérationnelle qui prime chez le savant se lie au changement de méthode, de paradigme, d'objet de la science.

C'est encela que l'on peut dire que chez le scientifique c'est « l'autorité sociale (qui) prime nécessairement sur l'autoritérationnelle » (Hacking, Entre science et réalité.

La construction sociale de quoi ?).

Car, loin de ne se fier qu'auxpropriétés épistémiques, qui ne sont que des épiphénomènes, des phénomènes secondaires qui sont dominés parl'établissement de règles, de principes, qu'imposent la société fluctuante à l'homme, à l'homme de science.

En effet,ne reconnaît-on pas l'omniprésence de l'évolution scientifique dans les sociétés modernes ? Une révolutionscientifique n'est, de ce point de vue, pas due à des cerveaux meilleurs que ceux qui ont bâti l'analyse ou lasynthèse précédente, mais à un ensemble de conditions sociales, techniques et culturelles, qui orientent l'attentiondes scientifiques d'une façon différente.

En ce sens, la réalité scientifique du monde, la vérité qui en découle, nepeut qu'être différente et absolue, non pas vrai de tout temps et en tout lieu, mais absolument lié à la contingencede l'évolution sociale.Ainsi, en dépassant préjugés et illusions du monde, les scientifiques, les véritables savants, se trouvent face à uneautre réalité qui est elle-même la source de leur illusion.

De là s'explique peut-être la difficulté à se défaire despréjugés liés, tout comme l'évolution des esprits en science, à la société dans laquelle et pour laquelle la scienceécrit, mais ne découvre pas, pour instruire le monde, la société, de ces vérités qui changent. C'est ce changement de méthodes, de procédés qui se diversifie et finalement de vérité au cours du temps quipousse au scepticisme concernant l'objectivité de la connaissance scientifique.

Les scientifiques ne sont pas desdécouvreurs de vérité mais plutôt des « écrivains » qui traduisent sur le papier leur propre environnement culturelavec pour but de convaincre les futurs lecteurs.Nous aurions très bien pu ne pas trouver les quarks et toute la physique quantique du fait d'un contexte socio-historique différent et avoir un autre type de physique, tout aussi efficace.

Pour les scientifiques, cela est absurde.Même s'il y a un ensemble social, les faits trouvés sont anhistoriques, atemporels.

Les scientifiques acceptent laforme sociale de la science, mais pas le fond.

Toutefois, il faut, pour qu'une connaissance vraie soit donnée par lascience, qu'elle se remette en question elle seule.

Des habitudes intellectuelles qui furent utiles et saines à l'époquepeuvent finir par entraver la recherche et ainsi, faire de l'acquis, ou se que l'on croit acquis, un facteur d'inertiepour l'esprit.

De plus, la contingence n'est pas nécessairement en contradiction avec le but ultime de la science quiest la vérité.

Il est tout à fait plausible de penser qu'il n'y a pas qu'un unique chemin dans la science.

Ainsi, toutescience évolue avec sa culture et pense avec son temps, même quand elle croit penser contre son temps.

En effet,être situé en un point particulier de l'espace et du temps, et surtout en avoir conscience, ne signifie pas êtreenfermé en ce point et donc être conditionné par l'évolution générale des mentalités.

Au contraire même, le simplefait de se penser enfermé prouve qu'on ne l'est pas.

Alors la « vérité » d'aujourd'hui ne s'oppose pas purement etsimplement à la « vérité » d'hier comme une opinion arbitraire s'oppose à une autre, mais comme une pensée dont lavaleur de vérité est révélée par le contexte d'aujourd'hui et qui peut enrichir la pensée d'hier tout en s'ennourrissant.

Alors la science évolue avec son temps, mais peut aussi faire plus que suivre parallèlement uneévolution sociale, elle peut l'imprégner et s'y confondre.Aujourd'hui les mathématiciens s'occupent de l'informatique, les physiciens des sciences de l'ingénieur, les chimistes. »

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