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La question de la vérité se réduit-elle à celle de ses critères ?

Publié le 27/02/2008

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La question de la vérité se réduit-elle à celle de ses critères ?

Pour celui qui cherche la vérité, celle-ci semble être atteinte lorsque sa pensée est conforme à la réalité ; cad lorsque ce qu’il pense (et la manière dont il le pense) est bien semblable, adéquat, conforme à ce qui est. Il y a vérité lorsque les choses sont bien telles que nous les pensons. D’où la définition de la vérité comme « adéquation « de la pensée et de la réalité.

Mais comment pouvons-nous affirmer que ce que nous pensons est « vrai « ? Ceci est possible uniquement parce que nous avons défini un certain nombre de critères ou conditions du vrai, dont voici quelques exemples :

- une affirmation est vraie si elle n’est pas contredite par l’expérience ;

- une affirmation est vraie si elle est vraie pour tous dans des circonstances clairement déterminées.

Par exemple, il est vrai de dire que « tous les corps tombent à la même vitesse dans le vide « : cette affirmation concerne bien « tous « les corps, est vraie dans des circonstances bien déterminées (« dans le vide «), et ne contredit pas l’expérience si celle-ci est faite dans le vide.

Ce qui relève de la vérité est donc ce qui satisfait un certain nombre de critères. La « question de la vérité « (qui est ici l’ensemble des problèmes posés par la recherche de la vérité) semble se résumer à déterminer ces critères, puis à juger notre pensée d’après ces critères pour savoir si elle est vraie ou non.

Mais un tel résumé de la question de la vérité n’est-il pas justement une « réduction « illégitime, qui cacherait les autres problèmes que soulève la vérité ? En effet, la vérité n’est pas seulement ce que l’on cherche et cible au moyen de critères : elle est aussi ce que l’on dissimule, refuse, ou encore ce que l’on utilise. La question de la vérité n’est donc pas, semble-t-il, purement théorique : la vérité n’est pas qu’une question de connaissance et de savoir, elle est aussi ce autour de quoi s’organisent des résistances et des enjeux de pouvoir. Le sérum de vérité n’en est-il pas le meilleur indice ?

  • I . La vérité ou les critères pour une connaissance juste, « vraie «.

  • II . La dimension psychologique de la vérité, ou le rapport de l’esprit à la vérité.
  • III . L’utilisation de la vérité : un savoir au service du pouvoir.

 

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« pas toujours de soi, et la vérité suscite bien souvent des résistances, des dénégations, des objections de notrepart : pourquoi ? Un exemple semble particulièrement frappant et permet de comprendre un peu mieux pourquoi cequi semble être d'abord purement théorique et spéculatif peut néanmoins faire naître de véritables défenses ourésistances psychologiques.

C'est exemple est celui de la mauvaise nouvelle.

Lorsqu'on apprend par exemple la mortde quelqu'un qui nous est cher, c'est tout notre être qui se dresse tout entier contre cette nouvelle, contre cetteterrible vérité.

C'est la raison pour laquelle une telle vérité, avant d'être acceptée, nécessite tout un travail sur soi :le travail du deuil, par lequel progressivement on en vient à reconnaître que les choses sont telles qu'on nous les adécrites, que tout cela est bien arrivé et ne peut être changé.

Dans cet exemple, la vérité n'apparaît plus comme cequ'on recherche objectivement et méthodiquement (à l'aide de critères), mais comme ce qui s'impose à nous sansque nous y soyons préparés.

La vérité ne nous laisse pas le choix, et c'est pour cette raison qu'elle suscite desrésistances.Freud, dans l' Introduction à la psychanalyse , chapitre 19 « Résistance et refoulement », montre qu'il existe de multiples façons de refuser la vérité : lorsqu'un événement traumatisant, gênant, honteux nous arrive, un processuspsychique particulier, le « refoulement », se met en place afin de dissimuler cet événement à la conscience et de lemaintenir « dans » l'inconscient (attention, l'inconscient n'est pas un « lieu » de l'esprit à proprement parler).

Un telrefoulement peut faire naître une névrose (un rituel qu'on répète sans savoir pourquoi, des peurs ou angoisses donton ne comprend pas le sens), car l'événement traumatisant ou gênant cherche à parvenir à la conscience, à serappeler à nous, mais n'y parvient pas : c'est pourquoi il s'exprime par d'autres voies, celles qui se manifestent dansla névrose.

C'est alors qu'intervient le psychanalyste, pour aider le malade à trouver la source de ses symptômes.Mais en interrogeant le malade, et en lui disant de ne rien cacher, le psychanalyste voit se dresser contre lui toutessortes de résistances, dont le malade lui-même n'est pas toujours conscient (par exemple, il arrive que le malades'insurge contre le médecin, ou au contraire essaie de le séduire afin qu'il interrompe son travail de recherche : cesont là deux exemples de résistances).

C'est encore la preuve que l'esprit fait tout pour maintenir caché ce qui a puêtre traumatisant ou honteux : l'esprit fait tout pour maintenir la vérité cachée, car elle a autrefois blessé oufragilisé l'individu.Mais ce n'est pas seulement lorsque la vérité nous touche aussi intimement, au point de nous blesser, qu'elle peutfaire naître des refus ou objections de la part de notre esprit.

C'est, de manière plus générale, lorsqu'elle s'oppose àune croyance forte, ou à un ensemble de croyances.

Pour ne citer que ces exemples, la théorie du Big Bang et cellede l'évolution, avant de s'imposer comme vraies (du moins en grande partie) ou fortement probables, ont soulevéune critique très virulente et des résistances très vives.

C'est que ces théories s'opposent directement etfrontalement à la théologie chrétienne notamment, qui rend compte du monde en ayant recours à la Création divine.Or, pour la théorie du Big Bang, le monde n'a pas été fait en sept jours (six plus exactement) par un Dieu tout-puissant, mais s'est formé sur des milliards d'année, la naissance de notre Univers étant estimée à il y a 15 milliardsd'années.

Pour la théorie de l'évolution, l'homme n'est pas le but ultime de la Création, mais un résultat parmid'autres d'un long processus d'évolution des espèces.

Ces théories donc, qui ont été et sont encore mises enquestion et précisées, n'en restent pas moins très probables, et rendent compte de manière beaucoup plus précisede notre monde et de la vie qui y règne que ne le fait la théologie.

Or celle-ci est une croyance non seulementpartagée par une grande communauté de gens, mais en plus soutenue par des siècles de religion.

C'est donc unecroyance qui a acquis une grande « force » dans l'esprit des gens, force qui fait résister l'esprit contre toute autrevérité.

Car l'esprit s'attache à ses croyances, qui structurent son monde et la façon dont il l'appréhende.

Or affirmerune tout autre vérité, c'est faire trembler tout cet édifice de croyances dans lequel l'esprit se sent rassuré.

Maisc'est peut-être justement par ce tremblement que l'on peut ouvrir un passage qui conduit de la croyance à lascience, du croire au savoir.Bachelard, dans La Formation de l'Esprit Scientifique , montre que même au sein de ce qu'on peut appeler « la science » ou « la communauté scientifique », de telles résistances psychologiques peuvent être (et le sont souvent)observées.

Car lorsqu'un chercheur a travaillé toute sa vie à construire une théorie, à valider ses hypothèses, à lesexpérimenter, à les défendre ensuite avec ferveur devant la communauté scientifique, mais qu'au bout de tantd'années, une expérience ou un « fait polémique », comme le qualifie Bachelard, vient tout démentir et réduire toutce travail au néant, alors quelle sera la réaction du chercheur, face à ce qui menace le travail de toute une vie ? Ilrefusera cette nouvelle expérience, ce fait dérangeant.

Ce qu'il nie ainsi, c'est ce qui s'impose comme vrai , mais qu'il ne saurait admettre sans être en même temps submergé par le désespoir d'avoir répandu tant d'efforts en vain.Cette résistance ou refus du chercheur face au fait polémique, Bachelard le qualifie d' « obstacleépistémologique » : c'est la résistance psychologique du chercheur face à une nouvelle vérité qui vient contredireou mettre en danger toute la science qu'il a soigneusement élaborée et défendue pendant de longues années, et àlaquelle il s'est attaché, comme on s'attache à une croyance.

L'esprit du chercheur fait ici « obstacle » à la vérité.

III .

L'utilisation de la vérité : un savoir au service du pouvoir.

Nous avons montré que réduire la question de la vérité à celle de ses critères laissait de côté tout un pan de laquestion : celle des rapports de la vérité à l'esprit, où l'on voit l'esprit déployer toutes sortes de résistancespsychologiques contre la vérité.

La vérité n'est donc pas un pur savoir qui passerait dans l'esprit comme on entreune donnée dans un ordinateur : l'esprit doit se préparer à accueillir la vérité ; et lorsqu'il n'est pas prêt, il la rejette.Mais la mise en évidence de ce rapport entre vérité et esprit, de cette action de la vérité sur l'esprit (et de la« réaction » de celui-ci) fait apparaître une autre dimension du problème : si la vérité a un effet sur les esprits (qu'ilsoit positif ou négatif), ceci laisse penser que, bien « utilisée », la vérité pourrait peut-être permettre de manipulerles esprits, ou tout du moins de les former.C'est ce qu'établit Foucault, dans Surveiller et punir , « l'examen » : lorsque l'on fait passer un examen à un élève,. »

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