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La psychologie est-elle une science expérimentale ?

Publié le 17/06/2009

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INTRODUCTION. - A la fin du premier tiers du XVIIIe siècle, le philosophe allemand Christian WOLFF publia deux ouvrages, Psychologia empirica et Psychologia rationalis, qui furent à l'origine d'une distinction classique. Seulement, au lieu de traduire « psychologie empirique «, c'est « psychologie expérimentale « que l'on dit. Appliquée à la discipline qui s'est détachée de la psychologie rationnelle, cette appellation est-elle justifiée et peut-on dire que la psychologie est une science expérimentale ? I. — LA NOTION DE SCIENCE EXPERIMENTALE. Nous ne partirons pas d'une définition dans l'abstrait, mais d'un exemple ou plutôt du type même de la science expérimentale. Ensuite, il nous sera facile d'en préciser les caractères essentiels. A. — Les sciences physiques. La méthode des sciences expérimentales fut codifiée en France par Claude BERNARD dans sa célèbre Introduction à l'étude de la médecine expérimentale, mais le mérite et la nouveauté de cet ouvrage consista à étendre à la physiologie et à la médecine des procédés depuis longtemps utilisés par les physiciens. Depuis qu'on y pratiquait une expérience méthodique, la physique avait réalisé d'immenses progrès qui avaient fait espérer des progrès analogues dans tous les domaines où serait employée cette méthode. Aussi, après la médecine, vit-on un effort de toutes les sciences, et en particulier de la psychologie, pour s'aligner sur les techniques du physicien. Or, quel est le but du physicien ? Non pas de recueillir des faits étranges susceptibles d'intéresser le public d'un spectacle de physique amusante. Il veut connaître le pourquoi des phénomènes de la nature, les expliquer par leurs causes, en sorte qu'il puisse, après coup, les reproduire à volonté. Ces explications, étant valables pour tous les phénomènes de même genre, constituent des lois.

« physiques dont elles n'ont pas l'universalité, la rigueur, la certitude.

Elles énoncent des vérités générales, mais quicomportent des exceptions; elles sont qualitatives et non quantitatives, c'est-à-dire qu'elles affirment un rapport dedépendance entre deux phénomènes, mais sans indiquer la mesure de cette dépendance; enfin, ces lois résultentbien d'une d'une longue expérience et par suite peuvent être tenues pour valables; mais elles n'ont pas contrôléessuivant des méthodes rigoureuses qui les auraient rendues indiscutables.La psychologie dont nous parlons est plutôt empirique qu'expérimentale.

Sans doute elle se fonde bien surl'expérience, mais sur l'expérience commune qui s'acquiert sans qu'on y songe, et non sur l'expérience scientifiqueorganisée dans le but de savoir et le plus souvent pour contrôler une hypothèse explicative.

Sans doute aussi, lepsychologue classique, tout comme le physicien, conçoit bien des hypothèses rendant compte des faits qu'ilobserve et ensuite il cherche à les contrôler; mais pour ce contrôle il se contente de ce que Claude BERNARDappelle des « observations invoquées ».

Or, ce sont les observations provoquées, c'est-à-dire l'expérimentationsystématique, qui constituent l'activité proprement expérimentale.Si la psychologie s'attarde au stade empirique, c'est que l'expérimentation y est fort difficile, sinon impossible.

Lesêtres doués de psychisme ne peuvent pas être obtenus et maniés comme la matière sur laquelle expérimente lephysicien : ce sont des consciences dans lesquelles on n'a pas un accès direct.

Le psychologue n'atteintdirectement que sa propre conscience, et encore avec de très gros risques d'illusion.

Ainsi, à faire une expériencesur soi-même, on la fausse; à prétendre la faire sur d'autres, on ne sait pas trop à quel résultat on aboutit.

Aussi, lapsychologie classique, essentiellement introspective, ne pratiquait-elle guère l'expérimentation, ce qui suffirait à luirefuser le qualificatif d'expérimentale. B.

— La psychologie nouvelle. Les recherches que, à leur début, durant la seconde partie du Nixe siècle, on désignait de ce terme relèventincontestablement de la science expérimentale. Tout d'abord, la psychologie est devenue une science.

Non pas sans doute une science achevée; si elle a réuni unensemble important de connaissances particulières, cet ensemble n'est pas encore organisé en un systèmecohérent.

Elle est en train de se faire : la psychologie est une science en pleine élaboration.

Mais on peut sedemander si ce n'est pas le cas de toutes les sciences, sans en excepter les mathématiques.Dans notre organisation universitaire, elle reste attachée à la Faculté des Lettres, mais ce n'est là qu'unrattachement administratif : le psychologue scientifique ne se préoccupe du bien dire que dans la mesure nécessaireà la clarté et à la précision de ses remarques; les grands écrivains ne sont pas pour lui, comme ils l'étaient pour lepsychologue classique, une source importante d'information.A la différence de ce dernier, il cherche moins à décrire ou à analyser des états d'âme qu'à établir des corrélationsconstantes entre des phénomènes contrôlables par tous et mesurables.

C'est dire que, comme le physicien, il opèresur des données sensibles, s'en tenant à celles qu'il sait liées à des faits de conscience, et non sur les faits deconscience eux-mêmes.

Certains en viennent même à concevoir la psychologie comme l'étude des réactions globalesd'un organisme à l'action du milieu.

A ce stade, on peut se demander si cette étude, qui prétend plus ou moins sepasser de la conscience, relève encore de la psychologie.

Il est du moins évident qu'elle présente les caractèresessentiels de la science dont le type nous est fourni par la physique.La psychologie nouvelle est aussi, non plus empirique, mais vraiment expérimentale.

Sa méthode, dit un de sesrécents historiens, « consiste à mettre des hypothèses à l'épreuve de faits établis objectivement, c'est-à-dire d'unemanière telle qu'ils puissent être vérifiés par n'importe quel observateur connaissant le maniement des techniquesayant servi à les établir ».

Comme la physique, qui reste le modèle de toutes les sciences ayant pour objet le réel,elle a ses laboratoires avec instruments de mesure et dispositifs permettant d'effectuer les expériences dans lesconditions les plus favorables à la vérification des hypothèses.La psychologie nouvelle fait donc bien figure de science expérimentale. CONCLUSION. — Il reste donc une psychologie qu'on ne saurait considérer comme une science expérimentale, mais il en est une autre, en plein développement, qui mérite ce titre.

Toutefois pouvons-nous nous contenter de cetteréponse ? Il ne le semble pas.En effet, de même que la psychologie dite classique présentait, au moins chez certains de ses représentants, deséléments qui relèvent de la science expérimentale, de même la psychologie nouvelle intègre nécessairementl'essentiel des méthodes de la psychologie classique, c'est-à-dire l'introspection.

C'est elle qui donne un sens auxobservations dites objectives, elle qui suggère nombre d'hypothèses, c'est par elle que s'effectuent les expériencesmentales permettant d'économiser les recherches réelles; enfin, le but dernier des procédures expérimentales estd'expliquer la vie de la conscience dont nous avons, par introspection, une compréhension immédiate mais souventconfuse.

La psychologie conçue comme une science purement expérimentale calquée sur la physique n'est qu'unelimite vers laquelle tendent les chercheurs de laboratoire mais qu'ils n'atteindront jamais sous peine de rester endehors du domaine de la psychologie.On peut bien la compter au nombre des sciences expérimentales, mais à la condition de préciser que ce terme estanalogue : le psychologue procède avec la rigueur scientifique et avec les techniques expérimentales que lui permetl'objet de son étude; le physicien, qui tient avec raison sa discipline pour le type de la science expérimentale, neconsidérera jamais la psychologie que comme une science expérimentale de type bien inférieur.. »

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