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La politique suppose-t-elle les hommes méchants ?

Publié le 22/02/2012

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Le mythe de Prométhée dans le Protagoras de Platon nous raconte la genèse de la science politique en supposant une certaine anthropologie : Zeus a envoyé aux hommes la science politique parce que ceux-ci sont nés particulièrement dépourvus contrairement aux animaux qui ont l'instinct pour les déterminer et des outils physiques pour se défendre. « Zeus alors, inquiet pour notre espèce menacée de disparaître, envoie Hermès porter aux hommes la pudeur et la justice, afin qu'il y eût dans les villes de l'harmonie et des liens créateurs d'amitié. » L'anthropologie politique de Platon suppose l'homme essentiellement « nu » la science politique apparaît comme un rempart culturel à sa vulnérabilité naturelle. Une autre grille de lecture de la politique nous est offerte par l'anthropologie morale pessimiste. Les hommes seraient incapables de coexister tant ils sont de nature méchante, c'est-à-dire qu'ils ont en eux une tendance naturelle à vouloir faire du mal à autrui si il apparaît comme un obstacle à leur indépendance. La politique serait donc la création artificielle qui contraindrait l'homme méchant à se comporter de façon morale en société. Mais est-il pertinent de dire pour autant que la politique suppose les hommes méchants ?

« spirituel sans contraintes violentes où les chrétiens coexistent dans la soumission à la Loi de façon volontaire avecdans leur cœur la volonté de bienfaisance et le temporel qui est basé sur la répression violente de ceux qui onttendance à faire le mal et les contraint contre leur nature à coexister pacifiquement avec les autres hommespuisqu'ils sont forcés d'obéir à la loi sous peine de punition douloureuse par le « glaive temporel »Pourtant on voit qu'une telle conception de la politique, comme moyen temporel de contraindre l'homme à sesoumettre à la loi divine, a pour défaut majeur de faire de la politique un moyen de la morale religieuse.

Ainsid'autres philosophes politiques, et le plus illustre reste Machiavel, vont tenter de séparer la politique de la religion encontemplant la notion morale de « méchant » pour des fins différentes des fins divines : supposer l'homme méchant,devient un postulat de prudence dont la fin n'est plus la bienfaisance des hommes gouvernés mais le maintien dupouvoir par les gouvernants.

La politique suppose les hommes méchants pour pouvoir agir comme eux et ainsiparvenir aux fins qu'elle s'est elle-même fixées. * * * Machiavel postule la méchanceté humaine dans un but tout autre que Luther.

Il s'oppose à la philosophie luthériennequi voit la politique comme soutien et glaive de l'autorité spirituelle dans des fins morales et religieuses.

Il rejette laconception chrétienne de la politique, l'Etat devient une instance profane et n'a pas à se fonder sur la religion.L'anthropologie pessimiste de Luther est à ses yeux un moyen politique particulièrement commode.

« Car on peutdire généralement une chose de tous les hommes : qu'ils sont ingrats, changeants, dissimilés, ennemis du dangeravide de gagner » : l'argument de Machiavel repose sur la méchanceté de l'homme ainsi définie au Chapitre XVII duPrince, la nature humaine est pervertie et non-amendable et sans recours à la violence ou à la ruse, le droit seraitimpossible à établir.

« Celui qui laissera ce qui se fait pour ce qui se devrait faire, il apprend plutôt à se perdre qu'àse conserver[…] Aussi est-il n nécessaire au Prince qui veut se conserver qu'il apprenne à pouvoir n'être pas bon etd'en user ou n'user pas selon la nécessité ».

Le propos de Machiavel est bien clair pour établir le droit il faut savoirl'abandonner quand le moment le requiert dans le but de conserver le pouvoir.

La méchanceté est un moyenpolitique comme un autre et peut même être utile dans la défense des droits.Dans son Discours sur la première décade de Tite-Live, Machiavel cherche dans le passé des exemples historiquespour établir comment un bien peut jaillir de ce qui paraît comme « mal » aux yeux de la conscience morale.

Ainsi ensupposant que les hommes sont méchants, il suppose que ceux qui les gouvernent étant des hommes ils n'ont pas àsuivre de préceptes moraux.

La bonté des hommes n'existe pas, elle ne peut pas être atteinte par la contrainte deslois religieuses déguisées sous les lois positives.

Il faut voir dans la méchanceté une opportunité politique.Dans la première partie de son texte Machiavel pose le postulat de la méchanceté de l'homme « Tous les écrivainsqui se sont occupés de politique s'accordent à dire que quiconque veut fonder un Etat et lui donner des lois doitsupposer d'avance les hommes méchants et toujours prêts à montrer leur méchanceté toutes les fois qu'ils entrouveront l'occasion ».

C'est une hypothèse qui n'est pas visible, contrairement à Luther qui voit en tout homme unpécheur, mais rationnelle : il faut supposer que les hommes sont méchants et que c'est l'opportunité qui fera voiraux yeux de tous cette méchanceté, lorsque la contrainte de la force disparaîtra.Dans la deuxième partie de son texte, Machiavel va analyser un exemple historique qui va illustrer son postulat deméchanceté des hommes, il s'agit de l'expulsion des Tarquins, une dynastie qui a régné sur Rome avant laRépublique pendant plus d'un siècle de 616 à 509 avant JC et dont l'un des chef Lucuis Tarquinus a installé unrégime de terreur.

Machiavel montre que la brusque disparition de l'ordre imposé par le joug des Tarquin prouve lavaleur de son principe en donnant l'exemple de l'opportunisme des nobles.

Les nobles ont prétendu défendre le biendu peuple de Rome et l'opinion de ces derniers a cru en leur honnêteté «les nobles semblaient avoir déposé tout leurorgueil et pris des manières populaires », le verbe sembler montre bien que l'opinion croit ce qu'elle voit.

Elle eutl'impression que les nobles avaient perdu leur ambition de pouvoir et gagné en humanité envers la plèbe.

Mais lamort des Tarquin fit apparaître la vérité, dès l'assurance de celle-ci par les nobles « ils gardèrent d'autant moins demesure avec le peuple qu'ils s'étaient plus longtemps contenus et ils ne laissèrent échapper aucune occasion de lefrapper ».

Ici c'est le facteur du temps qui a révélé la vérité de leur méchanceté et montre que l'attitude moralequ'avaient les nobles envers le peuple ne cachait que leur intérêt politique pour lequel le temps n'était pas encoremûr.

« Les hommes ne font le bien que forcément », l'attitude morale est une attitude de contrainte et la libertépolitique est vécue comme la possibilité d'être méchant sans craindre la punition puisque l'on détient le pouvoir.Machiavel montre ainsi que la politique n'a pas pour fin d'imposer la loi morale et religieuse aux autres hommes maisles prend comme moyens pour acquérir et conserver le pouvoir.Ainsi pour éviter de tomber dans une politique qui dépend de la capacité des hommes qui détiennent le pouvoir à leconserver, il faut développer le politique qui lui ne sera pas soumis à la méchanceté opportuniste puisqu'il vise àenraciner des institutions dont le but est de maintenir la politique de la démesure de celui qui gouverne : »Là où lebien vient à régner naturellement et sans la loi on peut se passer de loi mais dès que viennent à expirer les mœursde l'âge d'or la loi devient nécessaire » On voit dans cette phrase que le facteur historique reste central :l'adéquation entre la morale et la politique dans un « âge d'or » n'est pas pérenne, seules des institutions peuventfixer cette alliance.

Dans l'exemple de la disparition des Tarquins, il fallait trouver une institution qui leur faisaientéprouver la même crainte que les tyrans pour s'assurer qu'ils la respecteraient, ce qui fut dans le cas de Rome lacréation des tribuns « on en vint à la création des tribuns et on leur accorda tant de prérogatives, on les entourade tant de respects qu'ils formèrent entre le Sénat et le peuple une barrière qui s'opposa à l'insolence des premiers».Mais Kant souligne le caractère inacceptable de ces conceptions anthropologiques du politique qui supposentl'homme méchant.

L'argument est irrecevable car affirmer que la nature humaine est pervertie c'est nier la liberté del'homme et ruiner l'idée même du devoir.

Aucun fait aucune expérience n'autorise à affirmer que la nature humaineserait définitivement méchante (car le droit et le fait ne se confondent pas) mais la politique qui définit les droits del'homme mais aussi ses devoirs pose comme anthropologie humaine non pas la méchanceté mais la liberté : ce n'est. »

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